La France possède une épargne élevée (environ 6 000 milliards d’euros en 2024), mais alloue mal ses ressources. C’est le constat dressé par Michel Cicurel, économiste et président-fondateur du fonds La Maison, selon lequel « l’épargne française, l’une des plus élevées du monde, n’investit pas aux côtés des capitalistes du monde entier dans l’excellence française ». Cette mauvaise allocation empêche de financer efficacement les transitions climatiques et numériques nécessaires. Et si on incitait les ménages à réorienter leur épargne vers des investissements stratégiques ?
Pour Michel Cicurel (La Maison), il faut « choisir l’audace financière et monétaire pour bâtir notre souveraineté technologique »
L’Europe, avec une réserve d’épargne de 35 000 milliards d’euros, investit principalement dans des placements sans risque, assurances-vie en tête, qui rapportent peu, à peine 2 % par an. Une culture radicalement différente de celle des Américains et des Chinois, qui limite les capacités du continent à financer ses avancées technologiques. Michel Cicurel appelle dans Les Echos à une orientation de cette épargne vers les « priorités européennes, notamment climatiques » et technologiques, avec un soutien étatique pour mutualiser les risques.
Un État garant, une politique européenne audacieuse
Le fondateur du fonds de gestion La Maison propose que l'État français passe d'un rôle de « dépensier » à celui de « garant » des investissements des classes moyennes, réduisant ainsi le risque perçu et incitant à investir dans des projets à long terme. Évoquant l’ancien président du Conseil des ministres italien, il estime « urgent que les modérés européens prennent exemple sur lui (Mario Draghi) en choisissant l'audace financière et monétaire pour bâtir notre souveraineté technologique ».
Michel Cicurel plaide pour une politique monétaire et financière européenne plus audacieuse, inspirée par des initiatives comme celle de Mario Draghi avec la BCE. En adoptant une approche proactive, l’Europe pourrait utiliser l’Euro pour financer ses avancées technologiques, comme les États-Unis ont utilisé le dollar pendant la pandémie de Covid-19.
Volet politique : une volonté de changement
Pour que ces propositions se concrétisent, un véritable volontarisme politique est essentiel. La France et l'Europe doivent opérer un changement de paradigme, en passant d'une gestion prudente et conservatrice de l'épargne à une stratégie plus innovante. Cette transformation nécessite une collaboration entre les gouvernements, les institutions financières et les acteurs du secteur privé.
Le rôle des politiques publiques est essentiel dans ce contexte. Les gouvernements doivent adopter des mesures incitatives pour encourager les épargnants à investir dans des projets à fort potentiel de croissance. Cela pourrait inclure des avantages fiscaux pour les investissements dans les technologies vertes et les start-ups, ainsi qu'un soutien accru à la recherche et au développement.
Sur le plan européen, il est impératif de renforcer la coopération entre les États membres pour mutualiser les risques et maximiser l'impact des investissements. L'UE doit promouvoir une intégration plus profonde des marchés financiers pour faciliter la circulation des capitaux vers les projets stratégiques. La création d’un « produit d'épargne européen » destiné à financer les priorités climatiques et technologiques pourrait représenter une solution efficace pour mobiliser l’énorme réserve d’épargne européenne.
Adaptation de la régulation financière
En outre, les régulateurs doivent adapter les cadres réglementaires pour faciliter l’investissement dans des secteurs innovants. La simplification des procédures administratives et la réduction des barrières à l’entrée pour les nouveaux investisseurs sont des mesures nécessaires pour dynamiser le marché des capitaux.
Pour Michel Cicurel, il y a urgence à réorienter l’épargne vers des investissements stratégiques pour stimuler l'innovation technologique et assurer une croissance durable. L'État garant peut jouer un rôle crucial en réduisant les risques et en incitant les épargnants à participer activement à cette transformation économique. En somme, la clé réside dans une allocation judicieuse et audacieuse des ressources financières pour répondre aux défis du XXIe siècle et préserver le modèle européen de capitalisme tempéré.