Médicaments anxiolytiques : l’ANSM sonne l’alerte à l’addiction

Une nouvelle campagne de l’ANSM attire l’attention sur l’usage massif des benzodiazépines en France. Des millions de Français consomment ces médicaments, parfois sans en mesurer les risques réels. L’agence souhaite rétablir un bon usage, en ciblant notamment les plus jeunes et les personnes âgées.

Jade Blachier
By Jade Blachier Last modified on 10 avril 2025 15h00
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medicaments-anxiolytiques-ansm-sonne-addiction - © Economie Matin

Le 10 avril 2025, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a lancé une campagne nationale ciblant l’usage des benzodiazépines, ces médicaments prescrits en cas d’anxiété ou d’insomnie. Alors que la France s’impose comme le deuxième plus gros consommateur européen, l’agence entend frapper fort pour faire connaître les dangers de ces molécules addictives.

Benzodiazépines : une consommation massive aux risques minimisés

Derrière leurs noms, Xanax, Lexomil, Temesta, mais aussi Imovane ou Stilnox, se cachent des principes actifs redoutables, en particulier lorsqu’ils sont utilisés au-delà des durées recommandées. L’alprazolam, le bromazépam, le lorazépam ou encore le zolpidem figurent parmi les molécules les plus consommées, avec plus de 9 millions de Français ayant eu recours à ce type de traitement en 2023.

Selon l’ANSM, 40 % des patients suivent une prescription trop longue. Le docteur Philippe Vella, directeur médical de l’agence, alerte : « Ces molécules [...] ne constituent qu’une "aide temporaire pour atténuer les symptômes" et non "traiter la cause" de l’anxiété et des troubles sévères du sommeil »  dans La Dépêche.

Les effets secondaires sont loin d’être anodins : somnolence, dépendance, troubles de la mémoire, chutes chez les personnes âgées. Mehdi Benkebil, directeur de la surveillance à l’ANSM, souligne : « Ces médicaments sont responsables de la majorité des accidents de la route liés aux médicaments ». Et pourtant, leur banalisation persiste, aggravée par une méconnaissance préoccupante.

Qui est visé par la campagne de l’ANSM ?

Trois groupes sont dans le viseur de cette offensive : les 18-25 ans, les plus de 65 ans, et les professionnels de santé.

Chez les jeunes adultes, l’usage de ces médicaments ne se limite plus aux prescriptions. L’ANSM dénonce un usage récréatif croissant, souvent en association avec d’autres substances. Mehdi Benkebil alerte sur leur utilisation dans des "cocktails" ou "sucettes de fête", et même dans des cas de soumission chimique. Le phénomène touche désormais 170 000 adolescents, soit une hausse de 25 % chez les moins de 19 ans, et de 40 % chez les filles depuis 2017.

Chez les seniors, la fragilité cognitive et le risque de chutes rendent la situation critique : un patient sur deux ayant recours à ces traitements a plus de 65 ans. Le docteur Vella insiste : « Leur prescription doit [...] être évitée chez le sujet âgé ».

Quant aux médecins, ils sont en première ligne. L’agence rappelle que les trois-quarts des prescriptions sont faites par les généralistes, et insiste sur leur rôle dans l’adoption de bonnes pratiques. Catherine Paugam-Burtz, directrice générale de l’ANSM, martèle : « Cette campagne a pour objectif de sensibiliser le grand public et les professionnels de santé à un sujet [...] toujours d’actualité ».

Des mesures concrètes pour limiter l’usage

L’ANSM ne se contente pas d’agiter une pancarte d’alerte. L’agence préconise des prescriptions strictement limitées dans le temps : trois semaines maximum pour les troubles du sommeil, douze semaines pour l’anxiété.

Des petits conditionnements, cinq à sept comprimés, sont désormais encouragés, pour éviter les usages prolongés par habitude. Depuis 2022, les laboratoires sont incités à les produire.

Enfin, des outils d’information sont diffusés à travers brochures, vidéos, affiches et partenariats digitaux, ciblant notamment les réseaux sociaux où circulent des pratiques détournées.

Une dépendance sous-estimée, une vigilance urgente

Les chiffres sont éloquents, et pourtant l’alerte peine à percer. En 2023, 34 comprimés ou gélules par habitant ont été consommés en France, un record juste derrière l’Espagne. Moins de 30 % des jeunes sont conscients des risques réels. Et dans une société avide de solutions rapides, le réflexe médicament supplante trop souvent la prise en charge psychologique ou comportementale.

Les benzodiazépines s’invitent toujours plus discrètement dans les vies ordinaires, avec leurs effets délétères masqués sous l’apparence d’un soulagement temporaire.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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