Les tensions de douane ravivent de vieux démons commerciaux entre les États-Unis et l’Europe. Dans cette mêlée économique, le président du Medef, Patrick Martin, sort du bois. Son arme ? Une stratégie qui combine fermeté diplomatique et réforme interne radicale. Décryptage.
Medef vs Trump : la TVA sociale comme arme anti-douane

Le samedi 5 avril 2025, alors que les surtaxes américaines frappant les importations européennes de 20 % font trembler les chancelleries, Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (Medef), s’est exprimé dans un entretien accordé à Ouest-France. Au cœur des débats : les droits de douane et la nécessité d’une réponse concertée et stratégique de l’Europe. Mais l’offensive ne s’arrête pas là. Pour rétablir la compétitivité nationale, il plaide aussi pour une refonte du système de protection sociale, à commencer par un levier controversé : la TVA.
Une « extrême gravité » : les droits de douane américains et la riposte du Medef
Face aux nouvelles surtaxes imposées par l’administration Trump, Patrick Martin ne mâche pas ses mots. Il dénonce des mesures d’une « extrême gravité », affirmant à Ouest-France que « l’Europe doit parler d’une seule voix ». Cette posture, loin d’être un simple cri d’alarme, appelle à une réaction ferme mais mesurée. Le président du Medef insiste sur la nécessité d’une « riposte graduée », qui soit « réactive sans insulter l’avenir ».
Déjà, le Medef avait averti : « ne pas céder au bluff », lançait Martin sur BFMTV la veille, estimant que si les Américains se coupaient du plus grand marché du monde, « ce seront les premières victimes ». Difficile d’être plus clair.
Mais l’hostilité tarifaire n’épuise pas le propos. Car pour Patrick Martin, cette crise de douane est aussi l’occasion d’interroger la stratégie économique européenne. Il appelle ainsi à accélérer la diversification des marchés d’exportation — vers l’Asie, l’Amérique du Sud, le Canada — tout en consolidant les secteurs impactés par des « mesures de soutien » nationales.
Le réarmement fiscal du Medef : TVA sociale, une proposition choc
Patrick Martin ne se contente pas d’une critique extérieure. Il saisit cette tension transatlantique pour remettre sur la table une vieille revendication patronale : la TVA sociale. Dans un entretien accordé au Parisien, il explicitait cette orientation : « On l’augmente d’un point, sauf bien évidemment sur les produits de première nécessité ».
Objectif affiché : réduire le coût du travail sans grever davantage les finances publiques. En clair, Martin refuse catégoriquement que l’État rogne sur les exonérations de charges sociales : « Plutôt que de réduire les allègements de charges de 2 ou 4 milliards d’euros, mieux vaut toucher à la TVA ». Une logique de compétitivité assumée, au prix d’un basculement fiscal que d’aucuns jugeront antisocial.
Car derrière l’élégance technocratique de l’argument se dissimule une restructuration profonde de la protection sociale, que le président du Medef appelle, toujours dans son entretien à Ouest-France, à refondre « de manière très volontariste ». Là encore, la justification est claire : le taux de TVA français reste, selon lui, « inférieur à la moyenne européenne ».
Protection sociale et rigueur budgétaire : une équation explosive
Le projet va plus loin qu’une simple transposition budgétaire. Patrick Martin pose frontalement la question de l’efficacité du modèle social français. En ligne de mire : les dépenses publiques qu’il juge excessives, incompatibles avec les exigences de compétitivité mondiale. Pour lui, le financement de la solidarité nationale ne doit plus peser essentiellement sur l’emploi.
C’est là que le verbe se muscle. En évoquant une réforme du système social, Martin n’invite pas seulement à la réflexion. Il trace les contours d’une stratégie de long terme, où la fiscalité sur la consommation compenserait un allégement sur la production. Une réforme structurelle, lourde, impopulaire peut-être, mais assumée comme le seul levier crédible à ses yeux.
Et le message est clair : l’ennemi n’est pas qu’à l’extérieur, il est aussi dans nos comptes. La TVA devient ainsi, dans la bouche du président du Medef, non pas une taxe supplémentaire, mais un outil de reconquête économique.
Un Medef entre diplomatie commerciale et réformes intérieures
Au fond, le discours de Patrick Martin cristallise une double ambition : résister aux coups de boutoir américains tout en corrigeant les failles internes de l’économie française. À la fois ferme dans sa posture internationale et provocant dans ses orientations budgétaires, il dresse le portrait d’un patronat lucide, voire combatif.
Mais la route s’annonce semée d’embûches. Car si l’Europe tarde à s’unir et à répondre d’une seule voix, et si la France hésite à toucher à ses tabous fiscaux, alors le Medef pourrait bien prêcher dans le désert. La TVA sociale est loin de faire l’unanimité, tant dans les rangs politiques que dans l’opinion.
Et pourtant, Patrick Martin s’obstine. Son message est tranchant : face à la nouvelle guerre des droits de douane, il faut une diplomatie offensive. Mais pour que cette diplomatie ait du poids, il faut aussi un État allégé, recentré, réorganisé. Sinon, comme il le rappelle, « ce seront les premières victimes ».