Le marketing de l'innovation participe à l'obsolescence programmée

Dans le domaine de l’image par exemple, le consommateur recherche un appareil capable de prendre des photos toujours plus belles, toujours plus nettes, quitte à se débarrasser d’un téléphone encore fonctionnel.

Quelles sont les conséquences environnementales de cette quête ?

L’image est le média au centre de toutes les attentions aujourd’hui, que ce soit lorsque l’on parle de vidéo sur les plateformes de streaming ou de photos sur les réseaux sociaux. Or, les images et les vidéos représentent 80% de la donnée qui circule sur Internet¹. Et plus on augmente les résolutions, plus on augmente la consommation de données et d'énergie. Internet représente 10 à 15% de la consommation énergétique mondiale² si c’était un pays il serait en 3ème position, et nos mobiles n'y sont pas pour rien.

Ce besoin de produire des images et de les diffuser a engendré une course à l’innovation effrénée chez les constructeurs électroniques. Cette course à l’innovation effrénée dans laquelle se sont lancés les constructeurs électroniques a créé chez le consommateur une demande et un besoin de produire des images et de les diffuser. En tête de pont nos chers smartphones qui tous les ans nous proposent leur lot de pixels par millions tant du côté des optiques pour capter des images que du côté des écrans pour les afficher. Depuis 20 ans ces innovations permanentes autour des images ont un impact environnemental conséquent.

Innovation technologique et surconsommation

Les principaux arguments de vente déployés par les constructeurs d’appareils tournent autour de l’image et la vidéo. Si on reprend les keynotes d’Apple de ces 10 dernières années, il n'y en a pas une qui ne parle pas d’amélioration d’écran et d’optique photo. Chaque génération d’appareil prédit une image plus nette, plus détaillée et plus belle. Le problème de ces promesses est qu’elles raccourcissent la durée d’usage des appareils. Les consommateurs qui se laissent séduire par ces arguments technologiques cèdent facilement à la tentation au détour d’un Black Friday ou d’une promotion, alors qu’ils possèdent déjà un smartphone, une télé ou un ordinateur parfaitement fonctionnel. Le résultat, c'est que selon les chiffres de l’Ademe, 120 millions de smartphones dorment dans les tiroirs des Français, et si on étend le raisonnement à toutes les catégories de produits et pas seulement à l'imagerie numérique, chaque foyer français stocke un grand nombre de produits non utilisés et donc inutiles. Dans une logique de consommation plus responsable, nous devons prendre un peu de recul sur ces innovations.

L’obsolescence programmée en ligne de mire

Le marketing de l’innovation technologique participe à l’obsolescence programmée de tous nos appareils électroniques. Entre 2010 et 2023, le nombre de téléphones vendus a été triplé, passant de 300 millions à plus d’un milliard⁴. Nous achetons des produits neufs alors que leurs prédécesseurs sont toujours en état de fonctionnement ou ont juste besoin d’une petite réparation pour nous servir encore 1 ou 2 ans. Cela fait plus de 10 ans que les téléviseurs ont dépassé en résolution et fréquence la capacité de nos yeux humains. Certes nous percevons toujours ces infimes améliorations à chaque nouvelle génération d’appareils, mais posons-nous la question de savoir si ces améliorations valent vraiment la peine de jeter un appareil en bon état, de construire des datacenters à n’en plus finir, et d’épuiser les ressources terrestres, matières premières et terres rares, à un niveau record chaque année ?

L’obsolescence programmée n’est pas une technique logicielle, c'est une stratégie de marketing par l’innovation qui rend les produits obsolètes dans la tête des consommateurs, elle génère la non-durabilité de produits viables et de la surconsommation. Ce n’est plus acceptable dans une logique de préservation de l’environnement.

La créativité et le talent priment sur la technologie

Pour éviter les pièges des constructeurs il faut apprendre à relativiser, l’esthétique d’une photo et les réactions qu’elle suscite dépendent du sujet qu’elle met en scène, du cadrage de la lumière et des couleurs, bref elles dépendent plus de l'œil de l’auteur que de l’optique de l’appareil. Une optique, quelle que soit la résolution en pixels, ne sera jamais suffisante pour faire de belles images. Par ailleurs, n’oubliez pas que ces images, lorsque vous les téléchargez sur Youtube, Instagram ou Facebook ou Tiktok, seront compressées à des niveaux qui divisent la résolution des images par 10 au minimum. De plus, dans la majorité des cas, vos photos seront consultées sur des petits écrans, autant de raisons pour privilégier le développement de votre œil à prendre de belles photos en résolution raisonnée plus que de consommer trop d’octets dans le cloud ou sur vos disques durs.

Enfin, dans cette course à l’innovation permanente, l'arrivée de l’IA explosera tous les records. On pense ainsi que d'ici 2030, les datacenters au service de l'intelligence artificielle consommeront 1/4 de l'énergie des USA³.

L’innovation est quelque chose de magique qui fait rêver le consommateur, c’est aussi l’innovation qui pourra nous sauver de la mauvaise passe environnementale dans laquelle nous sommes engagés. Attention à ne pas confondre magie et poudre aux yeux, consommer de l’électronique responsable, avoir recours à des appareils reconditionnés vous fera prendre de bien plus belles photos, pour vous, pour votre portefeuille et pour la planète.