Les résultats, collectés par l’ensemble du réseau Laforêt au premier semestre 2023, montrent un marché immobilier nuancé, qui se révèle résilient malgré les nombreuses contraintes externes : inflation, flambée ininterrompue des taux d’intérêt, rénovation énergétique des logements…
Le marché de l’immobilier plie mais ne rompt pas
Ainsi, la tendance actuelle est marquée par un rééquilibrage entre l’offre et la demande, ce qui se traduit par un volume de transactions comparable à celui de 2018, après l’euphorie des dernières années. Le recul des ventes affecte toutes les zones géographiques et plus particulièrement l’Île-de-France.
La résistance au changement reste forte, tant du côté des vendeurs que des acheteurs, qui refusent encore de faire des compromis malgré un net recul de leur pouvoir d’achat immobilier. Dans cet état de statu quo, personne ne semble prêt à faire de réelles concessions. Pendant ce temps, les taux directeurs poursuivent leur envol pour lutter contre l’inflation et rendent le crédit immobilier de plus en plus cher (3,28 % (1) ), entravant le marché et empêchant les projets de se réaliser.
Si l’on observe une correction des prix en un an, celle-ci reste contenue, autour de 2 % au national, même s’ils continuent de progresser en régions. L’offre de logements, qui reste insuffisante, amortit néanmoins le recul des prix.
Les acquéreurs demeurent d’ailleurs présents et font ce qu’ils peuvent pour continuer à acheter. Ils se heurtent néanmoins à davantage de difficultés pour financer leur achat ou accéder à l’emprunt. Cette situation entraîne une redistribution des rôles, avec des primo-accédants en retrait. Disposant souvent d’un apport confortable, grâce à la revente de leur précédent bien, ce sont donc, à plus de 50 %, les secundo-accédants qui tirent le marché ; une situation qui s’installe depuis l’automne 2022. De leur côté, les délais de vente s’allongent logiquement, tout comme les négociations, qui se renforcent.
Au bord de la saturation, le marché locatif semble, quant à lui, sur le point de se bloquer. Dans ce domaine, la demande a augmenté de 20 % tandis que, dans le même temps, l’offre s’est contractée d’autant. Empêchés d’accéder à la propriété, les locataires restent en place plus longtemps, avec une durée d’occupation qui ne cesse de progresser. Les investisseurs, plus réticents, sont censurés par les critères d’accès au crédit dictés par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), ainsi que par les règles d’encadrement des loyers et par un calendrier de rénovation énergétique intenable.
La demande : entre inflation, prudence des investisseurs et difficultés d'accès au crédit
Au premier semestre 2023, la demande freine, avec une baisse constatée sur le réseau Laforêt de 15 % au national par rapport à la même période l’an dernier. Les acheteurs potentiels peinent à naviguer sur un secteur en constante évolution. C’est particulièrement le cas des primo-accédants et des ménages les plus modestes, souvent dans l’incapacité de se constituer un apport suffisant pour accéder au crédit et qui se replient sur le parc locatif.
Même constat chez les investisseurs à la recherche d’un rendement ou qui souhaitent se constituer un patrimoine. Ils se font plus prudents, tenant compte de l’inflation, de l’encadrement des loyers, et anticipant les contraintes de rénovation énergétique.
Ainsi, les primo-accédants ne représentent plus désormais que 27 % des acquisitions, tandis que les secundo-accédants sont majoritaires (54 % des transactions). Ces chiffres illustrent la chute de la production de crédits immobiliers, mesurée à fin mai 2023 à 35,5 % en glissement annuel1.
Les achats dits « de confort » marquent également le pas. Le contexte inflationniste et les coûts d’emprunt toujours plus élevés poussent beaucoup d’acquéreurs potentiels à mettre leur projet en attente. Dans un climat économique et politique anxiogène, la confiance des Français reste dégradée. Un contexte qui conduit les potentiels acquéreurs à davantage de prudence. Ils veulent avoir le choix et sont plus attentifs à la qualité des biens qui leur sont proposés.
À Paris, toutefois, cette baisse de la demande est moins marquée que sur le reste du territoire (-6 %). La capitale maintient son attractivité et bénéficie de la dynamique de relance post-Covid. En Île-de-France et dans les régions, les intentions d’achat reculent plus nettement (-16 %), avec des disparités régionales fortes. Les grandes métropoles souffrent plus que les villes moyennes, qui servent d’amortisseur au marché. Les zones rurales sont également impactées, avec un parc de logements individuels qui implique bien souvent des coûts énergétiques et d’entretien plus élevés.
L'offre : un rebond en trompe-l'oeil
L’offre connaît une hausse de 35 % en 12 mois. Si cette progression est importante, il convient de la nuancer. En effet, malgré une reconstitution progressive de l’offre de biens disponibles à la vente, celle-ci reste insuffisante pour permettre à la fois d’assurer la fluidité nécessaire, afin de répondre à la demande, et de favoriser une franche baisse des prix.
Concrètement, une agence immobilière qui disposait auparavant de 10 biens à la vente en propose désormais 13. Un assortiment loin d’être suffisant pour répondre à une demande immobilière globalement supérieure à l’offre.
D’un point de vue qualitatif, une partie des biens proposés à la vente restent à un niveau de prix qui ne correspond pas à la demande solvable. Si les propriétaires sont conscients de la nécessité de faire un effort, beaucoup continuent néanmoins d’afficher des prétentions élevées.
Dans Paris, l’offre se redresse plus lentement (+25 %), tandis qu’en Île-de-France elle a augmenté au premier semestre 2023 de 36 %. Le parc immobilier du Grand Paris reste néanmoins contraint par un niveau de construction toujours très faible.
Du côté des logements les plus énergivores, on constate une légère hausse de leur présence sur le marché. Ainsi, au premier semestre 2022, les biens classés F et G représentaient 9,6 % des mises en vente. Un chiffre qui s’élève désormais à 15,4 %.
Volume de transactions : la contraction se confirme
Le volume des transactions immobilières a connu un repli de 14 % entre le 1er semestre 2022 et le 1er semestre 2023. Depuis le 1er janvier, ce recul est toutefois limité à 12 %, suggérant que le marché, qui avait commencé à atterrir en fin d’année dernière, se rapproche de son point d’équilibre. Cette baisse du volume des ventes doit d’ailleurs être relativisée au regard des deux dernières années, hors normes. Le volume de transactions reste néanmoins sur des bases élevées, et se situe aujourd’hui à des niveaux équivalent à ceux d’une année « classique » comme 2018.
Paris a perdu des habitants post-Covid et continue d’en perdre. Mais la capitale ne subit pas de coup d’arrêt brutal (-5 %) de ses transactions sur ces 12 derniers mois. Au contraire, elle fait preuve de résilience.
L’Île-de-France, en revanche, souffre davantage que le reste de l’Hexagone, avec un repli de 16 % du volume de transactions, davantage marqué dans la première couronne (-18 %), où les prix avaient atteint des sommets, tandis que la seconde couronne résiste mieux (-13 %).
Prox : les grandes villes plus touchées, les régions résistent
On observe un léger déclin des prix au m2 comparativement au 1er semestre 2022. Mais cette baisse n’a rien de spectaculaire, l’immobilier restant un actif à part. Les propriétaires, lorsqu’ils ne sont pas contraints de vendre, préfèrent attendre le moment le plus favorable pour le faire. Toutefois, cette tendance baissière est confirmée en ce début d’année puisque, sur les 6 derniers mois, les prix ont diminué de 1,1 % contre 2 % au national sur un an.
Dans les régions, on constate même une légère hausse (+0,8 %). Certaines régions restent très attractives. C’est le cas de l’arc atlantique, comme à Brest (+2,5 % 2 483 €/ m2), Lorient (+6,1 % à 2 724 €/m2), La Rochelle (+5,7% à 5 421€/m2) et Arcachon à (+4,5% 8 647 €/m2). Dans les métropoles, la baisse est plus importante. Par exemple, à Lyon, les prix ont reculé de 4,8 % en 12 mois (4 974 €/ m2). À Bordeaux, ils se sont contractés de -3,9 % (4 708 €/ m2), et à Lille de -2,1 % (3 414 €/m2). À l’inverse, Marseille continue de les voir progresser (+2,4 %), grâce à un prix au m2 encore relativement bas (3 813 €/m2). À Paris, la baisse est de 4,3 %. Huit arrondissements se trouvent désormais sous la barre des 10 000 €/m2 (10e, 11e, 12e, 13e, 14e, 18e, 19e et 20e), même si le prix moyen constaté reste élevé à 9 989 €/m2. En Île-de-France, la baisse est cependant plus nette (-5,2 %), sans que cela ait de réelles conséquences sur la fluidité du marché. En première couronne, les prix se sont maintenus à un niveau élevé, freinant les transactions.
Délai de vente : les acheteurs se montrent prudents et exigeants
Les délais de vente s’allongent au niveau national, passant à 88 jours, soit +8 jours en un an. Cet accroissement traduit un changement de comportement des acheteurs, plus prudents, qui prennent davantage le temps pour comparer, faire leurs comptes et s’assurer que leur dossier de financement est solide avant de s’engager.
Dans la capitale, en revanche, la situation est légèrement différente. Le délai de vente moyen s’éloigne des 80 jours (78 jours), donnant l’impression d’une plus grande fluidité du marché immobilier parisien. En Île-de-France, là encore, la situation est morose. Le délai de vente a augmenté de manière significative, bondissant de 12 jours supplémentaires. Le maintien de prix élevés en première couronne et la demande moins forte pour les maisons en seconde couronne expliquent en partie ce phénomène.
Dans les régions, le délai de vente passe à 89 jours, soit un allongement de 9 jours. Bien que les temps de décision se soient accrus, ils restent en phase avec les tendances historiques. Une moindre fluidité à laquelle participent largement les territoires ruraux moins attractifs, mais aussi moins bien desservis par les transports et souvent en déficit de services publics.
Ecart de prix : les marges de négociation s'intensifient
L’écart entre le prix de mise en vente et le prix d’achat se situe désormais à 5,28 % au niveau national. Ce niveau de négociation illustre une pression accrue de la part des acquéreurs sur les vendeurs. En plus des ajustements consentis lors de la mise en vente, les propriétaires doivent souvent produire un effort supplémentaire pour concrétiser la transaction.
La négociation progresse une fois encore de manière plus marquée en Île-de-France, où l’attractivité post-Covid a laissé place à des acquéreurs moins nombreux et plus exigeants. Ainsi, l’écart entre le prix proposé et le prix acté se rapproche de 5 % (4,80 %).
L’accélération des négociations traduit une tendance plus large du marché qui rappelle que les acquéreurs sont devenus plus offensifs, cherchant à récupérer en partie leur pouvoir d’achat immobilier. Ils négocient davantage, comparant les biens proposés et maitrisant leur enveloppe de financement pour l’acquisition et les travaux de rénovation.
Conclusion
L’année 2023 apparaît comme une année de rééquilibrage pour le marché immobilier ancien. Les acquéreurs se montrent plus attentifs, conscients que les difficultés d’accès au crédit ainsi que le niveau des taux d’intérêt sont devenus de réels obstacles. Une partie des acheteurs, notamment les primo-accédants et les foyers les plus modestes, ont ainsi été évincés du marché.
Pour sortir de cette situation complexe, il est essentiel de considérer sans attendre les problèmes structurels du logement en France, en favorisant une rénovation énergétique réaliste et mieux financée. L’État aurait également intérêt à soutenir les investisseurs dans le parc locatif privé pour répondre à une demande qui ne cesse de progresser. Enfin, décentraliser davantage notre pays afin de redonner de l’attractivité aux régions est plus que jamais nécessaire pour désengorger les grandes agglomérations et permettre à chacun de vivre là où il le désire, dans les meilleures conditions possibles.
(1) - Observatoire Crédit Logement/CSA, mai 2023.