CNR Logement : qu’est-ce qui change pour les bailleurs ?

Le Conseil National de la Refondation (CNR) regroupe les travaux de 200 personnes visant une simplification de l’accès au logement pour tous les Français. Rappelons ici les 4 principaux objectifs du CNR :

  1. Favoriser l’accession à la propriété et à la location
  2. Soutenir la production et la rénovation de logements sociaux
  3. Relancer la construction
  4. Amplifier la rénovation énergétique du parc privé.
Cduprat
Par Christophe Duprat Modifié le 7 juin 2023 à 7h53
Immobilier
Les professionnels de l'immobilier français réclament une politique du logement digne de ce nom pour répondre à la crise du logement - © Economie Matin
3,5%Les loyers ne peuvent pas augmenter de plus de 3,5% jusqu'en 2024.

A l'étape de la construction

En ciblant les terrains en mutation (friches, zones industrielles et commerciales mixtes), le Gouvernement souhaite lancer de nouveaux programmes immobiliers sans accroître l'artificialisation des sols. Elisabeth Borne pérennise le Fonds Friche et annonce poursuivre la cession d'actifs fonciers de l'État permettant l'émergence de nouveaux programmes. Elle souhaite en parallèle privilégier les modes de construction efficients comme la construction hors site. Les bailleurs particuliers eux, attendent une meilleure qualité des emplacements pour ces programmes, moins éloignés des centres-villes et un coût de la construction qui reste maîtrisé, à rebours des programmes lancés ces 5 dernières années.

A l'étape de l'acquisition

Rappelons ici que le logement neuf représente 20% des transactions immobilières, contre 80% pour le logement ancien. Le CNR acte le blocage de la commercialisation dans le Neuf et cherche à combattre un taux de désistements jamais vu. En actionnant la CDC et Action Logement qui doivent acquérir près de 50 000 logements neufs invendus, le Gouvernement introduit un biais de marché occultant le désintérêt des investisseurs dans les programmes neufs non accompagnés de stimuli défiscalisant, ceux-ci ayant démontré leur inefficacité économique (Cf Cour des Comptes).

Les acquisitions dans l'Ancien (80% du marché) sont freinées par la difficulté d'accès au crédit et le renchérissement de son coût, sans compter les décisions coercitives liées au diagnostic de performance énergétique.

Sans une fiscalité clarifiée et stable, de nombreux investisseurs suspendent leurs projets d'investissement immobilier et contribuent au blocage des transactions immobilières. La mensualisation du taux d'usure ne servira qu'à quelques accédants à la propriété, comme l'ont déjà souligné les banques via leurs récents chiffres de production.

Actons la bonne nouvelle d'une correction des prix de l'immobilier pour les nouveaux acquéreurs dès lors qu'elle s'installe dans un cadre fiscal clair et juste. Cette baisse pourrait compenser le renchérissement du crédit et son accélération prévisible du fait du maintien de la mensualisation du taux d'usure sur 2023.

A l'étape de la mise en location

Les annonces d'Olivier Klein concentrent l'extension des zones tendues et la généralisation d'innovations autour du bail de location. Le ministre chargé du logement souhaite élargir les zones tendues à de nouveaux territoires. Le bailleur particulier traduira ceci en une explosion du nombre de villes et territoires à loyers plafonnés et encadrés. La réduction du préavis de départ ne présente aucun impact alors que la taxe sur les logements vacants, laissée aux collectivités locales, induira un recentrage des investissements locatifs vers certaines communes plus accueillantes pour les investisseurs. Si ces mesures ne s'appliquent qu'aux baux classiques, elles seront aussi contre-productives que les précédentes (DPE, plafonnement) et verront encore plus de bailleurs se tourner vers la location saisonnière qui manque de cadre législatif basique. Les centres-villes continueront d'être privés d'une offre locative très recherchée tant que le législateur n'a pas légiféré sur la location saisonnière.

Passons sur le Bail Réel Solidaire et le Locatif Intermédiaire réservés aux bailleurs institutionnels, alors que le Bail Solidaire, pourtant attractif, peine à décoller.

Côté innovation, l'élargissement de l'éligibilité à la garantie Visale est une bonne nouvelle pour les bailleurs particuliers qui peuvent voir leurs loyers garantis et ainsi accepter plus facilement des profils plus fragiles.

A l'étape de la déclaration fiscale annuelle

Mis à part la fin de l'incitation fiscale Pinel (que seuls les conseillers patrimoniaux et les promoteurs regretteront) et le recentrage du PTZ au plus utile, nous relevons l'ajournement de la question la plus fondamentale du CNR : l'installation d'un cadre fiscal clair et juste. Le manque de visibilité sur la fiscalité des bailleurs particuliers devient le point de grippage majeur des annonces de ce jour. En remettant ses conclusions à la présentation de la prochaine loi de finance, c'est-à-dire en novembre 2023 pour le premier projet, Elisabeth Borne maintient les bailleurs particuliers dans un doute paralysant. Le souhait de mise en cohérence entre la location nue et la location meublée est louable mais cet attentisme bloquera durablement les investissements des particuliers. Ceux-ci hébergent aujourd'hui 1 foyer sur 4 en France et attendent une clarté tant dans la fiscalité des revenus que celle des plus-values. Sans un socle fiscal éthique et durable, chacun cherchera à tirer le meilleur parti de son actif immobilier (temps et argent) et privilégiera une vision court-termisme regrettables.

A l'étape de la rénovation énergétique

Le CNR centre son effort sur la rénovation énergétique et c'est légitime. Celui-ci soutient la feuille de route de la transition énergétique et promet un emploi durable pour des centaines de milliers de personnes en France (200 000 évoqués). La rénovation est indispensable mais coûte cher. Ainsi, le CNR propose via le "Prêt Avance Rénovation" l'amorçage des travaux via des financements novateurs qu'il reste à définir. L'actuel guichet des aides, bien connu des candidats à la rénovation, promet d'être simplifié sur un temps court, visant 200 000 rénovations dès 2024. Les bailleurs particuliers optimistes ont-ils raison d'attendre un "choc de simplification" ?

A l'étape de la revente

Là aussi, il faudra attendre le projet de loi de finance 2023 et espérer que les membres du CNR aient avancé sur la fiscalité de la plus-value au moment de la revente, comme de la transmission. Alors seulement, les investisseurs sauront quel impôt verser à la revente et sauront si leur investissement leur a été aussi profitable qu'aux locataires hébergés. Rappelons qu'aujourd'hui, les traitements fiscaux des plus-values comme des revenus locatifs dépendent du mode de la location (nue ou meublée) et du mode de détention (en direct ou via société) induisant une complexité que seuls les cabinets comptables apprécient.

Presque discrètement, Elisabeth Borne appelle enfin à une meilleure utilisation des données disponibles sur le logement. C'est justement en s'appuyant sur les données d'Etalab, du CSTB pour les bâtiments, des Notaires pour les transactions et de Qlower pour la fiscalité des bailleurs que nous pourrons refondre un pacte fiscal durable et éthique. Appelé par les investisseurs comme par les promoteurs, la stabilité de la fiscalité post-refondation est nécessaire à la planification long terme, tempo du bâtiment et des bailleurs particuliers.

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Cduprat

CEO de Qlower

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