L’industrie française, en quête de souffle, pourrait bien voir s’évanouir une initiative pourtant pleine de promesses. Le livret d’épargne dédié à l’industrie, annoncé notamment par Michel Barnier lors de sa nomination à Matignon, semble d’ores et déjà menacé. La raison ? La censure de ce même Michel Barnier en décembre 2024 qui remet en cause tous les projets budgétaires du gouvernement.
Livret d’Épargne Industrie : le projet est-il déjà mort ?
Le Livret Epargne Industrie visait à mobiliser l’épargne des ménages pour soutenir la production industrielle nationale, dans un contexte de désindustrialisation préoccupant. Mais à peine lancé, ce projet vacille sous le poids des incertitudes politiques, économiques et structurelles.
Des milliards d’euros d’épargne dédiés à l’industrie française
L’idée derrière ce livret était claire : orienter une partie des 5 900 milliards d’euros d’épargne financière accumulée par les Français vers un secteur clé de l’économie. Inspiré des succès du Livret A, dédié au logement social, ou du LDDS (Livret de Développement Durable et Solidaire), orienté vers la transition écologique, ce livret aurait permis de dynamiser les investissements dans l’industrie, un pilier en déclin qui représente aujourd’hui seulement 13 % du PIB français. Malgré ces ambitions, l’instabilité politique et les désaccords sur la gouvernance du dispositif compromettent sa mise en œuvre.
Depuis son annonce, l’initiative a suscité un mélange d’intérêt et de scepticisme. D’un côté, elle répond à un besoin criant : rediriger l’épargne dormante des ménages français vers des projets porteurs de croissance. D’un autre, les zones d’ombre qui entourent son fonctionnement, comme l’allocation des fonds et les modalités de rendement, alimentent la méfiance des épargnants. En France, la prudence vis-à-vis des nouveaux produits d’épargne est bien connue, comme en témoigne l’accueil tiède réservé au Plan d’Épargne Avenir Climat (PEAC), pourtant lancé dans un contexte d’urgence climatique.
Le livret Epargne Industrie : une bonne idée qui ne manque pas de problèmes
Le caractère même du livret d’épargne, fondé sur la liquidité, est également en contradiction avec les besoins de l’industrie, qui exige des investissements de long terme. Cette contradiction structurelle pose une question essentielle : un tel produit peut-il réellement servir les objectifs pour lesquels il a été conçu ? Par ailleurs, pour être attractif, ce livret devrait proposer un rendement compétitif et une fiscalité avantageuse. L’idée était d’aligner le Livret d’épargne Industrie sur les caractéristiques du Livret A, avec un taux d’intérêt fixe, un plafond de versements et, surtout, des intérêts défiscalisés. Mais offrir de telles conditions reviendrait à alourdir un déficit budgétaire déjà prévu à plus de 6% du PIB en 2024.
L’abandon de ce projet aurait néanmoins des conséquences profondes. Sans un outil financier dédié, l’industrie française pourrait continuer de perdre du terrain face à ses voisins européens, comme l’Allemagne, où l’industrie représente près d’un quart du PIB. De plus, l’épargne des ménages resterait concentrée sur des produits sûrs mais peu engageants pour l’économie productive, comme le Livret A, dont l’encours a atteint 386 milliards d’euros en octobre 2024. En renonçant à ce projet, la France prendrait le risque de voir s’aggraver son déficit de compétitivité et de manquer une occasion unique de moderniser son tissu industriel.
Le livret Epargne Industrie sera-t-il sauvé par le prochain gouvernement ?
Pour autant, ce projet est-il condamné ? Rien n’est moins sûr. Il pourrait renaître si des conditions plus favorables étaient réunies. Un meilleur cadrage des objectifs, avec une priorisation des secteurs stratégiques comme la transition énergétique ou la défense, pourrait lui donner un second souffle. De même, une fiscalité partiellement exonérée, bien que coûteuse, pourrait convaincre les épargnants. Enfin, une mobilisation active des banques, en tant qu’intermédiaires et promoteurs du produit, pourrait faire la différence.
Ce livret d’épargne industrie pourrait faire partie des projets du prochain gouvernement qui prendra la suite de celui, démissionnaire, de Michel Barnier. S’il voyait le jour, il pourrait être bien plus qu’un outil financier. Il symboliserait la capacité de la France à innover dans ses politiques économiques pour répondre à des défis majeurs. Mais aujourd’hui, le projet semble pris au piège des contraintes politiques et des défis économiques. Si les décideurs ne parviennent pas à surmonter ces blocages, ce livret en faveur de l’industrie pourrait bien ne jamais quitter le stade des intentions, laissant l’industrie française privée d’un levier essentiel pour sa survie et son renouveau.