Février 2025 : les livrets d’épargne défiscalisés boudés comme jamais

Quand les taux vacillent, les réflexes d’épargne changent, parfois brutalement. Et février 2025 n’aura pas échappé à cette règle silencieuse, mais implacable.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 24 mars 2025 à 9h23
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Livret-A-LDDS-LEP-collecte-fevrier-2025-crise - © Economie Matin
4,5 MILLIARDS €la collecte nette en assurance-vie s’est envolée à 4,5 milliards d’euros en janvier 2025

Le 1er février 2025 marque un tournant dans la dynamique de l’épargne réglementée : les taux du Livret A et du Livret de développement durable et solidaire (LDDS) sont abaissés à 2,4 %, contre 3 % depuis mi-2023. Une décision attendue, mais dont les effets se sont fait ressentir sans délai. Les chiffres officiels, publiés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) le 23 mars 2025, révèlent une collecte qui s’essouffle comme rarement en cette période de l’année.

La désaffection des Français pour les livrets d’épargne en février 2025

La collecte nette enregistrée en février 2025 pour les livrets A et LDDS atteint 1,6 milliard d’euros. Un chiffre trompeusement positif. Car derrière ce solde modeste se cache une réalité préoccupante : cette performance est la plus faible jamais observée pour un mois de février depuis 2009, année de généralisation du Livret A à toutes les banques.

Détail éloquent : le Livret A plafonne à 940 millions d’euros de dépôts nets sur le mois. Pour le LDDS, la collecte s’élève à 640 millions d’euros. Et que dire du Livret d’épargne populaire (LEP), pourtant favori des ménages modestes ? Il engrange 350 millions d’euros, soit mieux qu’en janvier, mais encore bien loin de ses niveaux historiques.

Une hémorragie programmée par la baisse des taux des livrets défiscalisés

Le lien de causalité est limpide : la chute brutale des taux de rémunération au 1er février a refroidi les ardeurs des épargnants. Le taux du Livret A à 2,4 % net d’impôt, jadis compétitif, fait aujourd’hui bien pâle figure face aux produits d’assurance-vie dont certains fonds euros affichent des rendements supérieurs à 3 % brut. Quant au LEP, il a vu sa rémunération réduite à 3,5 %, contre 4 % précédemment, malgré une inflation toujours sensible pour les foyers les plus modestes.

Épargne : Une concurrence féroce venue de l’assurance-vie

Le contraste est d’autant plus saisissant que l’assurance-vie, souvent considérée comme l’alternative plus complexe mais plus rémunératrice, connaît un début d’année spectaculaire. Selon Le Revenu, la collecte nette en assurance-vie s’est envolée à 4,5 milliards d’euros en janvier 2025, du jamais-vu depuis quinze ans.

Les Français, réputés prudents, ont tranché : ils arbitrent. Et vite. La logique est implacable : pourquoi bloquer ses liquidités sur des produits à taux gelés quand des fonds euros garantis flirtent avec les 3,2 % et plus, même soumis à une fiscalité de 17,2 % ou 30 % ? L’instinct de rentabilité reprend ses droits, au détriment de la CDC, pourtant pilier du financement public.

L’épargne réglementée face à son propre paradoxe

La baisse des taux, orchestrée par Bercy, visait à réorienter les ressources collectées vers le crédit et l’investissement. Objectif compréhensible en contexte de ralentissement économique. Mais à trop tirer sur le levier, l’État semble avoir cassé la mécanique.

En asséchant l’attrait de ces livrets défiscalisés, il affaiblit la CDC, dont le rôle est pourtant de financer le logement social, les infrastructures publiques, la transition écologique. Une spirale dangereuse s’amorce : moins de collecte = moins d’investissement public à long terme. Et ce ne sont pas les chiffres de février 2025, aussi maigres soient-ils, qui rassureront les architectes de la politique d’épargne.

Février 2025 confirme ce que nombre d’observateurs craignaient : l’épargne réglementée française est entrée dans une zone de turbulence durable. La baisse des taux a brisé l’élan d’une mécanique habituelle sur l’épargne. Les Français ne désertent pas seulement leurs livrets, ils changent de paradigme.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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