Un auteur sur cinq voit ses ouvrages revendus d’occasion dès leur sortie. Pourtant, pas un centime ne lui revient. Cela pourrait bientôt changer avec l’initiative de la ministre de la Culture, Rachida Dati.
Livres d’occasion : combien va vous coûter la nouvelle taxe ?

Un projet du gouvernement secoue la chaîne du livre : derrière une idée de justice, une mesure qui pourrait rebattre les cartes d’un marché en pleine expansion. Mais à quel prix, et pour qui ?
Lives d'occasion : la petite revanche des auteurs
Depuis plusieurs années, le marché des livres d’occasion s’emballe. Porté par les géants de la revente en ligne que l'on connait tous (les Recyclivre, Vinted, Momox ou encore Amazon), il pèse désormais 350 millions d’euros, soit près de 10 % du marché du neuf, selon une étude conjointe du ministère de la Culture et de la Sofia en 2023. Mais cette manne échappe totalement aux auteurs et éditeurs, créateurs pourtant à l’origine du produit.
Le ministère de la Culture a tranché : un « droit de suite au droit d’auteur » est sur la table. L’annonce est tombée le vendredi 11 avril 2025 : chaque revente d’un livre d’occasion devra à présent générer une rétribution pour ses ayants droit. L’initiative, portée par Rachida Dati, sera soumise au Conseil d’État et pourrait être intégrée à une proposition de loi pilotée par Sylvie Robert (PS) et Laure Darcos (LR).
« Cela nous satisfait », a déclaré à l'AFP Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition (SNE), à l’AFP. Il y voit une suite logique à la loi sur le prix unique du livre : « La France […] peut montrer la voie ». Le SNE plaide pour une contribution forfaitaire, de « 0,30 centime par livre », à la charge des grandes plateformes, et non des particuliers, ni des réseaux comme Emmaüs ou les bouquinistes parisiens.
Selon une étude menée en février 2025 auprès de 1 768 auteurs en France, 18 % ont vu leur livre revendu d’occasion dès sa sortie, et 42 % dans les jours ou semaines suivantes.
Un consensus semble émerger pour confier la redistribution à la Sofia, déjà gestionnaire des droits issus du prêt en bibliothèque. Objectif : fléchir les fonds vers la création et soutenir la diversité éditoriale.
Mais pour Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, à Les Échos « le marché de l’occasion a davantage reculé que le livre neuf en 2024 », perdant 4 % en valeur. Difficile, dans ces conditions, de le désigner comme le coupable idéal des difficultés du secteur.
Un droit, mais à quelle condition ?
L’idée semble séduisante : réparer une injustice structurelle. Mais elle soulève d’épineuses questions pratiques. Comment tracer chaque revente ? Comment éviter un système dans lequel l’utilisateur lambda serait contraint de déclarer ses dons ou ventes sur Leboncoin ?
La ministre Rachida Dati se veut pragmatique. Les contours de la mesure restent pour l'instant assez flous, mais elle promet d’épargner les acteurs de l’économie sociale et solidaire ainsi que les très petits revendeurs. Les cibles sont clairement les plateformes à vocation commerciale.
Quant à Emmanuel Macron, il avait semé l’idée dès son passage au Festival du livre de Paris 2024, en évoquant une possible « contribution » des revendeurs. Un an après, le dispositif prend forme… mais il est loin d’être bouclé.
Derrière la bataille juridique, faut-il responsabiliser le marché de l’occasion, ou s’attaquer aux causes profondes de la précarité des auteurs ? Pour Stéphanie Le Cam, de la Ligue des auteurs professionnels, la vraie urgence reste la répartition de la valeur dans l’édition neuve : « Si les éditeurs souhaitent vraiment que les auteurs soient mieux rémunérés, qu’ils commencent par mieux répartir la valeur sur les ouvrages neufs ».