Les grandes déclarations sur la liberté économique tombent rarement du ciel. Surtout quand elles viennent d’un milliardaire dont les usines tournent au ralenti. Elon Musk, fidèle à lui-même, a sorti la carte du libre-échange en pleine tempête commerciale. Mais au fond, qui Musk cherche-t-il vraiment à sauver ?
Elon Musk ou la peur de ne plus vendre ses Tesla en Europe

Le 5 avril 2025, Elon Musk s’est illustré depuis Florence, non pas dans une conférence industrielle ou un sommet économique international, mais depuis un congrès du parti d’extrême droite italien La Ligue. Ce jour-là, le patron de Tesla, SpaceX et du réseau social X, a plaidé pour la création d’une « zone de libre-échange entre l’Europe et l’Amérique du Nord », alors que Donald Trump venait d’imposer 20 % de droits de douane sur les importations européennes. Une sortie qui en dit long sur ses peurs actuelles, et beaucoup plus sur ses choix politiques.
Elon Musk face à la crise : quand la peur des taxes dépasse la stratégie
Elon Musk n’a jamais aimé les entraves. Encore moins quand elles menacent les ventes de Tesla sur le marché européen. Alors que le président Trump, son allié politique et employeur informel (puisqu’il est officiellement « conseiller sur la réduction des dépenses publiques »), vient d’assommer l’Union européenne avec de nouvelles taxes commerciales, Musk s’est empressé de jouer la carte inverse.
Depuis Florence, en visioconférence lors du congrès de La Ligue, il a lancé : « Au bout du compte, j’espère qu’un accord sera trouvé pour que l’Europe et les États-Unis puissent, idéalement à mes yeux, aller vers une situation avec zéro droit de douane, créant dans les faits une zone de libre-échange ».
L’ironie est totale : pendant que son mentor politique aggrave les tensions commerciales, Elon Musk s’agite pour les désamorcer. Pourquoi cette sortie précipitée ? Simple. Tesla vend beaucoup en Europe. Beaucoup trop pour que les nouvelles taxes ne viennent gripper la machine. L’entreprise est déjà fragilisée par la montée en puissance des constructeurs chinois et par un net ralentissement de la demande mondiale.
Elon Musk, l’Europe et l’extrême droite : un attachement intéressé
Ce n’est pas la première fois que le fantasque patron se déclare en faveur d’un rapprochement transatlantique. Ce qui change cette fois, c’est le lieu et le moment. En choisissant le congrès du parti italien La Ligue, dont les positions anti-immigration et ultraconservatrices sont bien connues, Musk envoie un message politique clair. Il ne s’en cache pas : « J’espère que les États-Unis et l’Europe pourront établir un partenariat très étroit », a-t-il insisté devant un Matteo Salvini ravi, qualifié de « fidèle admirateur », souligne CNEWS.
Mais c’est surtout un passage de son discours qui a glacé une partie de l’opinion européenne : « L’immigration de masse mènera à la destruction des pays y consentant ». Entre deux considérations tarifaires, le milliardaire californien n’a pas hésité à adopter le lexique de ses hôtes, confirmant une dérive politique désormais assumée.
Dans un autre contexte, cette rhétorique aurait été perçue comme une provocation. Ici, elle semble relever d’une stratégie délibérée : s’ancrer auprès de gouvernements populistes qui partagent ses vues économiques, quitte à briser les derniers liens avec l’élite politique européenne traditionnelle.
Libre-échange, vraiment ? Une position de circonstance
Faut-il croire Elon Musk quand il se drape dans la toge du libre-marché ? Rien n’est moins sûr. Le même Elon Musk qui réclame aujourd’hui des « droits de douane nuls » est celui-là même qui, il y a quelques mois encore, appelait à des sanctions contre les constructeurs chinois.
Mais la réalité est brutale : les nouvelles taxes américaines frappent Tesla de plein fouet. Une hausse de 10 à 20 % sur certains composants européens utilisés dans la production, combinée à la riposte douanière annoncée par l’Union européenne, pourrait coûter à l’entreprise plusieurs centaines de millions d’euros de marge nette d’ici fin 2025.
Les marchés ne s’y sont pas trompés : l’action Tesla a perdu plus de 6 % la semaine dernière, et les analystes de JP Morgan évoquent « une exposition commerciale critique au marché européen ». Musk, qui multipliait encore les bravades contre Bruxelles en 2023, se découvre soudain une passion pour l’harmonisation douanière. Comme par magie.
Et pour ceux qui en doutaient encore, il a précisé : « Que l’on souhaite travailler en Europe ou aux États-Unis, on devrait pouvoir le faire, à mon avis », relate L’Express, ajoutant même avoir « conseillé le président Trump en ce sens ». Un conseil qui, manifestement, n’a pas été suivi.
Une image européenne en déroute, des ventes qui s’effondrent
Elon Musk, qui autrefois suscitait admiration et fascination en Europe, est aujourd’hui perçu comme un allié encombrant des droites radicales. Son soutien appuyé à Viktor Orban, son amitié affichée avec Matteo Salvini, ses déclarations contre les ONG et l’immigration ont contribué à ruiner son image auprès des élites européennes et d’une partie de la clientèle urbaine. Pour Tesla, cela commence à se voir dans les chiffres : les ventes de la marque se sont écroulées en Europe. La montée des véhicules électriques européens et chinois, appuyés par des politiques publiques locales, fait de plus en plus d’ombre à l’empire Musk.
En somme, derrière cette déclaration d’amour au libre-échange se cache une peur bien réelle : celle de l’isolement, du déclin de Tesla sur son second marché, et d’une Europe de plus en plus réticente à collaborer avec un personnage aussi sulfureux.
Libre-échange : un plaidoyer qui sonne comme un aveu
En appelant à la création d’une zone de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis, Elon Musk ne fait pas que défier Donald Trump. Il révèle surtout sa propre fébrilité. Loin d’être une vision d’avenir, sa sortie médiatique est une manœuvre de défense, un aveu de faiblesse.
Le champion de la disruption, habitué à dicter ses conditions aux États, se retrouve aujourd’hui à quémander l’harmonie commerciale… chez Matteo Salvini. Triste symbole pour celui qui rêvait de coloniser Mars, et qui redoute désormais que sa marque ne survive pas à une simple guerre douanière.