Le premier tour des élections législatives a eu lieu en France ce dimanche 30 juin 2024 et les premiers résultats confirment ce que les sondages avaient suggéré : Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen et ses alliés ont obtenu le plus grand nombre de voix (environ 33,15%), l’alliance du Nouveau Front populaire (NPF) arrivant en deuxième position (environ 27,99 %) et le parti de la majorité présidentielle, Ensemble en troisième position (20,04 %).
Législatives 2024 : Premier regard sur le résultat du premier tour
Le premier tour permet de déterminer les candidats qui participeront au second tour dans chacune des 577 circonscriptions. Seuls les candidats ayant obtenu plus de 12,5 % des inscrits au premier tour se qualifient pour le second tour, et ceux qui obtiennent plus de 50 % des voix sont automatiquement élus.
Selon les premières projections d'Ipsos, le RN devrait remporter entre 230 et 280 sièges, soit un peu moins que les 289 nécessaires pour obtenir la majorité absolue. Le NFP quant à lui devrait obtenir entre 125 et 165 sièges et Ensemble entre 70 et 100 sièges. Nous tenons à préciser que ces projections sont, pour le moment, incertaines.
Il n'est pas certain qu'un parti obtienne une majorité parlementaire, d'autant plus que le président a appelé l'électorat à faire barrage au parti d'extrême droite, le RN. En outre, Jean-Luc Mélenchon (chef de file de l'alliance NFP) a demandé à ses candidats arrivés en troisième position, dans les circonscriptions où le RN est en tête, de se retirer afin de faire barrage au RN, en contribuant à faire basculer les votes du second tour dans ces circonscriptions vers des partis non-RN, plutôt que de répartir le vote anti-RN entre les candidats centristes et de gauche.
L’issue du second tour qui aura lieu ce dimanche 7 juillet est loin d’être claire. Dans le tableau ci-dessous, nous envisageons trois scénarios possibles : une majorité d'extrême droite, une majorité d'extrême gauche et une solution administrative temporaire, telle que la nomination d'un gouvernement technique. Pour rappel, un gouvernement doit être formé à partir du nouveau parlement car il ne peut y avoir de nouvelles élections législatives avant au moins 12 mois. Nous pensons que cette dernière solution est la plus probable et qu'elle serait la plus rassurante pour les marchés financiers. Elle déclencherait une sorte de « soulagement » car les gouvernements d'extrême droite et d'extrême gauche risqueraient probablement d’augmenter le déficit budgétaire déjà important et de détériorer les relations avec l'Union Européenne.
Toutefois, le soulagement pourrait être de courte durée, car Marine Le Pen semble avoir de bonnes chances d'être élue présidente à la mi-2027, avec le soutien d'un gouvernement d'extrême droite. En outre, si un gouvernement de continuité ou technique est bloqué par un RN fort ou freiné par le fait d'être redevable au NFP, le président Macron pourrait dissoudre l'Assemblée nationale et convoquer de nouvelles élections anticipées dans un an - un scénario qui est discuté dans certains cercles politiques. L'incertitude pourrait donc ne pas être levée rapidement. Bien sûr, beaucoup de choses peuvent changer en trois ans, mais pour l'instant, tous les regards sont tournés vers le second tour du 7 juillet.
Note : L'"extrême-gauche" est le Nouveau Front Populaire. "L'extrême droite" est le Rassemblement national et ses alliés. Le terme "gouvernement technique" désigne le maintien du gouvernement actuel avec un mandat limité et temporaire (éventuellement soutenu par d'autres partis) ou une forme de solution technocratique destinée à guider la France jusqu'à l'organisation de nouvelles élections. La "probabilité" est la probabilité subjective des différents scénarios. Les éléments comportant les signes "-", "+" ou "=" correspondent à l'évaluation par les auteurs de l'impact probable sur les variables concernées (les opinions sur les obligations concernent l'impact sur les rendements et non sur les spreads). Ces opinions peuvent ne pas se réaliser. Source : Invesco Global Market Strategy Office : Invesco Global Market Strategy Office
Notre point de vue sur les implications en matière d'investissement
Gouvernement Technique : C'est l'issue qui serait la mieux accueillie par les marchés. Ce scénario est susceptible d'assurer la plus grande continuité, la plus grande stabilité et le moins d'incertitude, et les actions françaises sont donc susceptibles d'augmenter dans ce scénario. Ce scénario est susceptible d'être le plus favorable à l'UE, de sorte que l'euro et les actions européennes pourraient en bénéficier. En outre, les spreads des obligations françaises par rapport aux allemandes sont susceptibles de se réduire, car cette option serait probablement la plus prudente sur le plan budgétaire. De même, les spreads des pays périphériques devraient se réduire, car cette issue serait la moins dommageable pour le projet européen.
Majorité d'extrême droite : Ce résultat ne serait pas bien accueilli par les marchés, mais il ne serait pas aussi négatif qu'une majorité d'extrême gauche, notamment en raison des assurances données par Marine Le Pen. Toutefois, étant donné qu'il risque de nuire à la solidité de l'Union européenne, l'euro pourrait s'affaiblir. Compte tenu de la plus grande incertitude politique, les actions françaises et européennes en pâtiraient probablement, tandis que les spreads des obligations françaises et des pays périphériques par rapport à l'Allemagne pourraient se creuser.
Majorité d'extrême gauche : Ce résultat serait le plus mal accueilli par les marchés. Il se traduirait probablement par la plus grande largesse fiscale, ce qui entraînerait un mouvement à la vente des obligations françaises. Ce résultat nuirait également à la solidité de l'Union européenne, ce qui pourrait affaiblir l'euro. Compte tenu de la plus grande incertitude politique, elle serait probablement négative pour les actions françaises et européennes, pour l'euro et provoquerait un élargissement des spreads entre les obligations françaises et périphériques et celles de l'Allemagne.
La réaction du marché après le premier tour a été jusqu'à présent conforme à ce que nous attendions dans le scénario du gouvernement technique, avec un rétrécissement des spreads obligataires et une hausse des actions françaises/de la zone euro et de l'euro.