Un sentiment d’éco-anxiété gagne du terrain dans la population française, nourri par la perception d’un avenir incertain face aux bouleversements climatiques. Il s’installe dans les esprits, au point d’alerter aujourd’hui les professionnels de la santé mentale.
L’éco-anxiété affecte la santé mentale d’un Français sur 5

Le 15 avril 2025, l’Observatoire de l’Éco-anxiété (OBSECA) a rendu publics les résultats d’une étude inédite sur l’impact de l’éco-anxiété sur la santé mentale des Français. Réalisée en collaboration avec l’ADEME (Agence de la transition écologique) et le soutien d’E5t, cette enquête marque une première scientifique sur le territoire national : pour la première fois, un outil rigoureux permet de diagnostiquer les symptômes de ce mal contemporain qui émerge à l’ombre de la crise environnementale. À travers une méthodologie par quota, 998 citoyens de 15 à 64 ans ont été interrogés entre le 26 août et le 4 septembre 2024. Le résultat est aussi limpide qu’inquiétant : le réchauffement de la planète agit aussi comme un accélérateur d’angoisses profondes et durables.
Quand l’éco-anxiété attaque : qui sont les Français les plus exposés ?
L’étude ne fait pas dans la dentelle. Elle chiffre, hiérarchise et tranche. D’abord, elle définit l’éco-anxiété sans ambiguïté : une « détresse mentale face aux enjeux environnementaux ». Elle s’éloigne ainsi clairement de notions voisines comme l’éco-lucidité (prise de conscience) ou l’éco-engagement (action).
Et les données font froid dans le dos. Si 75 % des sondés ne se déclarent que très peu concernés, un Français sur cinq présente des signes d’éco-anxiété modérée à sévère. Parmi eux, 2,1 millions de personnes seraient très fortement éco-anxieuses, au point de nécessiter un suivi psychologique. Et pour 1 % de la population (soit environ 420 000 personnes), le danger est clinique : un risque réel de bascule vers des troubles psychiatriques est identifié.
Qui sont ces individus en proie au doute climatique ? Contre toute attente, ce ne sont pas les adolescents qui affichent les scores les plus élevés. Ce sont les 25-34 ans qui décrochent la première place, suivis des 15-24 ans et des 50-64 ans. Les retraités semblent largement épargnés, tout comme les personnes sans diplôme. En revanche, les détenteurs d’un bac+3 s’avèrent les plus vulnérables.
Les femmes sont légèrement plus concernées que les hommes (10,67/39 contre 9,12/39), et vivre dans une grande agglomération, particulièrement en région parisienne, augmente nettement le score d’éco-anxiété. L’air vicié ne pollue pas que les poumons, il semble aussi affecter l’âme.
Des symptômes invisibles, mais ravageurs
L’éco-anxiété, ce n’est pas simplement « s’inquiéter pour la planète ». Elle est définie comme le fait de ruminer, se sentir impuissant, se blâmer de ne pas en faire assez. C’est vivre avec une peur latente, une anxiété omniprésente, parfois même une difficulté à dormir. Les cas extrêmes rapportent un isolement social, voire une incapacité à fonctionner normalement.
Et ce mal rampant ne s’arrête pas aux émotions. Il peut rendre littéralement malade, comme l’affirme l’étude : « Si l’éco-anxiété n’est pas en soi une maladie, elle peut rendre malade ». La frontière entre trouble adaptatif et trouble psychiatrique est ténue, surtout quand la source de la peur, la crise climatique, est omniprésente et justifiée.
Transformer la peur en force : les pistes pour agir
Les auteurs de l'étude ne s’arrêtent pas au constat. Ils proposent aussi des pistes concrètes pour transformer cette énergie anxieuse en dynamique constructive. L’éco-action, selon eux, est la clef. Agir pour la transition écologique n’est pas seulement une nécessité climatique, c’est un remède psychologique.
« S’engager avec sincérité dans la transition environnementale est doublement vertueux pour prendre soin de la santé mentale des Français éco-anxieux tout en préparant notre résilience », souligne Sylvie Chamberlin, cofondatrice d’Econoïa. Quant à Pierre-Éric Sutter, psychologue et expert reconnu, il martèle : « Parce qu’elle menace la santé mentale de plus de 2 millions de Français, l’éco-anxiété est un enjeu de santé publique qu’il convient de prendre en charge pour en faire une force positive d’adaptation aux situations environnementales à venir ».
La proposition est claire : accompagner les citoyens pour transformer la peur en résilience. Donner un cadre psychologique à la transition devient alors un levier stratégique. Dans cette perspective, l’OBSECA évoque la création de structures d’écoute, la diffusion de savoirs vulgarisés, mais aussi la formation à l’éco-clairvoyance : capacité à voir les risques mais aussi les solutions.