Lactalis a annoncé une réduction progressive de sa collecte de lait en France, entraînant l’inquiétude et l’incompréhension des éleveurs. À partir de fin 2024 et jusqu’en 2030, la collecte sera diminuée de 450 millions de litres, soit près de 9 % du volume total.
Lactalis réduit sa collecte de lait en France, une catastrophe pour les éleveurs ?
Une réduction progressive des volumes collectés de Lactalis
Lactalis prévoit une baisse de 8,8 % des volumes collectés (2 % du lait français), soit 450 millions de litres sur les 5,1 milliards de litres actuellement collectés annuellement. Ce plan de réduction, annoncé dans un communiqué le 25 septembre 2024, affectera principalement les zones de l’Est et le sud des Pays de la Loire, où le groupe a moins d'éleveurs, ainsi que les producteurs plus éloignés des usines. De plus, le groupe met fin à un contrat avec une coopérative non spécifiée, ciblant 160 millions de litres. Lactalis souhaite se concentrer sur les produits de grande consommation mieux valorisés en France, comme le yaourt, la crème, le beurre et le fromage, plutôt que sur les ingrédients industriels soumis aux fluctuations du marché mondial. Cette décision, qualifiée de « difficile » par Lactalis, s’étalera jusqu’en 2030 pour permettre aux éleveurs de s’organiser, malgré l’annonce en avril 2024 d’une nouvelle formule de calcul du prix du lait plus favorable aux éleveurs (425 €/1 000 litres).
La réaction des éleveurs et des organisations agricoles ne s’est pas fait attendre. L’Union Nationale des Éleveurs (UNELL), qui représente 62 % des producteurs de Lactalis, regrette que ce plan de réduction n’ait pas été élaboré en concertation avec les producteurs, contrairement aux engagements pris par Emmanuel Besnier, le patron de Lactalis. Yohann Serreau, président de l’UNELL, s’est exprimé au journal Les Échos : « Ce plan, qui cible deux régions, ne nous convient pas. C'est une mauvaise stratégie. Ce sera difficile de trouver une solution pour ceux dont le contrat va s'arrêter.» Le flou persiste également concernant l’impact de cette réduction sur la rémunération des éleveurs. Les producteurs n’ont pas encore obtenu de réponses claires sur ce point, ce qui alimente les inquiétudes. En octobre 2023, Lactalis payait ses producteurs sur une base à 444 € la tonne de lait, soit 474 euros toutes primes confondues, un tarif moins élevé que certains concurrents.
Un secteur agricole déjà extrêmement fragilisé
Le secteur laitier français fait déjà face à de multiples crises. Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, a qualifié sur Franceinfo la décision de Lactalis de « déflagration pour le milieu laitier ». En plus de la réduction de la collecte, les éleveurs sont confrontés à trois crises sanitaires majeures : la fièvre catarrhale ovine, la grippe aviaire et la maladie hémorragique épizootique. Ces épidémies engendrent des pertes importantes dans les troupeaux, mettant en péril les exploitations agricoles. Selon le président de la FNSEA, il est urgent d’obtenir des réponses concrètes pour protéger les troupeaux et indemniser les producteurs touchés. La situation est d’autant plus critique que l’agriculture française a enregistré « l'une des plus faibles récoltes » de blé depuis 40 ans. La vendange 2024 pourrait être inférieure de 10 à 16% par rapport à 2023, a annoncé le ministère de l'Agriculture.
Lactalis s’engage à travailler avec les organisations de producteurs pour élaborer des modalités d’accompagnement des éleveurs impactés. Toutefois, de nombreux agriculteurs se demandent s’ils pourront continuer à produire du lait et à le vendre de manière rentable. Arnaud Rousseau souligne que « C'est près de 450 millions de lait qui ne vont plus être collectés d'ici 2030. Pour nous, l'enjeu, c'est de s'assurer que les producteurs de lait continueront à trouver quelqu'un qui leur collecte le lait ». La nouvelle ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, est attendue au Sommet de l'élevage à Clermont-Ferrand la semaine prochaine.