La Poste : 1 colis sur 5 vient de Shein ou Temu

Depuis quelques années, La Poste fait face à une transformation majeure dans la nature et le volume des colis qu’elle traite. Les plateformes chinoises, en particulier Temu et Shein, occupent désormais une place conséquente dans ses opérations. Avec 22% des colis gérés par La Poste, ces plateformes ont radicalement changé la dynamique du service postal français.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 31 octobre 2024 à 6h45
la-poste-colis-amazon-shein-temu-service
la-poste-colis-amazon-shein-temu-service - © Economie Matin
3% La Poste prévoit une baisse de 3% des dépenses postales des ménages en 2025

Livraison de colis par La Poste : le poids croissant de Temu et Shein

Le 30 octobre 2024, Philippe Wahl, PDG de La Poste, a révélé devant la commission des affaires économiques du Sénat que les plateformes chinoises Temu et Shein représentent désormais 22% des colis gérés par La Poste, surpassant même Amazon, qui en représente 21%.

Le nombre de colis en provenance des plateformes chinoises a explosé : en 2019, ils ne représentaient que 5 % des colis. Cette situation est d'autant plus complexe que La Poste, tout en assurant la distribution de ces colis, doit composer avec des marges de plus en plus serrées dues à la forte compétitivité du secteur.

L'impact financier pour La Poste : une mission publique sous pression

Alors que le volume des colis augmente, La Poste rencontre des difficultés financières liées à ses missions de service public. En effet, l'État verse chaque année une compensation d'environ un milliard d'euros pour soutenir ces missions, mais, selon Philippe Wahl, ces opérations coûtent en réalité plus de deux milliards d’euros par an. Depuis six ans, le manque de compensation s'élève à quatre milliards d’euros, une somme extrêmement élevée qui, selon le PDG, met en péril l'équilibre de l’entreprise.

Année Compensation de l'État (en euros) Coût des missions publiques (en euros) Déficit annuel (en euros)
2024 1 milliard 2 milliards 1 milliard
Total 6 ans 6 milliards 10 milliards 4 milliards

La répercussion de l'essor des colis chinois sur les centres de tri

Les colis envoyés depuis la Chine, principalement de vêtements, d'accessoires et d'autres biens de consommation, représentent une charge croissante pour les infrastructures de La Poste. Les centres de tri, notamment celui de Bègles, connaissent une saturation en raison du volume conséquent de colis à traiter. Une augmentation de volume qui nécessite une réorganisation des flux, des investissements dans des équipements de tri automatisé et une extension des horaires de travail pour répondre à la demande.

Les colis de Temu et Shein, issus de pratiques de vente à bas coûts, impliquent des traitements intensifs pour La Poste, souvent sans compensation proportionnelle. Ce qui crée une pression non seulement sur les ressources matérielles, mais aussi sur les ressources humaines, avec des périodes de forte activité qui sollicitent le personnel.

Colis : La Poste en concurrence avec Amazon

La position de La Poste face aux plateformes comme Temu et Shein ne se limite pas à un simple partenariat logistique. Amazon, qui représentait historiquement une part importante des colis gérés, devient également un concurrent direct en diversifiant ses services logistiques en France. En effet, Amazon a développé ses propres infrastructures et travaille avec des partenaires de livraison pour réduire sa dépendance à La Poste, surtout en période de forte demande. Ce glissement pousse La Poste à intensifier ses efforts pour fidéliser ses clients et diversifier ses services, tout en maintenant une infrastructure capable de traiter des volumes massifs de colis.

La réponse européenne : vers une régulation renforcée

L'impact des plateformes chinoises ne passe pas inaperçu à l’échelle européenne. En septembre dernier, six pays, dont la France, ont demandé une intervention de la Commission européenne pour encadrer davantage les pratiques de sites comme Temu et Shein. Les autorités européennes dénoncent des pratiques de vente souvent agressives, voire trompeuses, avec l’utilisation de « dark patterns » (des interfaces conçues pour influencer les décisions d’achat des consommateurs). Des inquiétudes sont également soulevées concernant la conformité de ces produits aux normes de sécurité européennes, avec des accusations de produits dangereux et non réglementés.

En juin 2024, la Commission européenne a exigé des informations supplémentaires de ces plateformes pour s’assurer qu’elles respectent les règles de sécurité et de transparence imposées dans l'Union européenne.

La Poste : un avenir incertain

Pour La Poste, la montée en puissance des colis provenant de plateformes étrangères soulève des questions sur l’avenir de son modèle économique et de sa mission de service public. L'activité traditionnelle de distribution de lettres, qui a longtemps constitué la pierre angulaire de l'entreprise, ne représente plus que 15% de son chiffre d'affaires

La situation impose à La Poste de repenser ses stratégies de tarification, de moderniser ses équipements de tri, et de renforcer ses relations avec les acteurs du e-commerce tout en assurant sa mission sociale auprès des territoires ruraux. La recherche d’un équilibre entre rentabilité et service public devient un enjeu stratégique dans un environnement marqué par des pressions concurrentielles et des attentes réglementaires croissantes.

Laissez un commentaire
Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

Aucun commentaire à «La Poste : 1 colis sur 5 vient de Shein ou Temu»

Laisser un commentaire

* Champs requis