La France se prépare à un bouleversement patrimonial sans précédent. D’ici 2040, plus de 9 000 milliards d’euros de patrimoine seront transmis par la génération du baby-boom, soulevant des inquiétudes quant à l’accentuation des inégalités. Pour remédier à cette situation, la Fondation Jean-Jaurès et Hémisphère Gauche viennent de publier un rapport qui propose l’établissement d’un impôt sur les grandes successions (IGS). Cette réforme pourrait relever le défi de la justice sociale tout en permettant un financement ciblé sur des priorités collectives.
Un constat alarmant : les inégalités agrandies par la transmission
Le rapport souligne une réalité inquiétante : en France, 10% des ménages détiennent près de 55% du patrimoine national. Ce phénomène appelé « grande transmission » pourrait exacerber des inégalités déjà inquiétantes en créant une société d’héritiers. Le sénateur Alexandre Ouizille, co-auteur du rapport, avertit que « si nous ne prenons pas de mesures, cette transmission risque de cristalliser une société inégalitaire, où la richesse prime sur l’effort personnel ». En d'autres termes, la capacité à transmettre et à recevoir des richesses pourrait devenir le déterminant principal du statut socio-économique d’un individu, annulant ainsi l’idée d’égalité des chances.
La question se pose alors : que faire pour éviter que le patrimoine familial ne devienne un privilège réservé à une élite restreinte ? La réponse réside en partie dans l'instauration d'un impôt sur les grandes successions, un outil censé réduire ces écarts de richesse intergénérationnels.
Une proposition innovante : l’impôt sur les grandes successions (IGS)
Les auteurs du rapport préconisent la mise en place d'un impôt sur les grandes successions structuré autour de trois piliers. Premièrement, une réforme de l’assiette des droits de succession est envisagée. Elle se traduirait par l’instauration d’un barème progressif, permettant ainsi une taxation équitable, notamment pour le top 1% des héritiers, qui bénéficie actuellement de niches fiscales injustifiées. Ensuite, les plus-values latentes, jusqu'alors non taxées lors des transmissions, seraient désormais soumises à imposition, une pratique déjà en vigueur dans de nombreux pays.
Enfin, cette réforme vise à faciliter les transmissions dans les familles, en modernisant les droits de succession pour tenir compte des évolutions sociétales, telles que les familles recomposées ou les liens intergénérationnels. Les deux hauts fonctionnaires Théo Iberrakene et Boris Julien-Vauzelle précisent que l’objectif est de « protéger les classes moyennes et populaires, tout en rendant l’imposition plus simple et plus juste ».
Un financement pour les priorités du futur
La mise en œuvre de l'IGS pourrait générer jusqu’à 400 milliards d’euros entre 2025 et 2040, des ressources qui seraient essentielles pour financer des priorités nationales comme la transition écologique, l’éducation et la recherche. Sur le plan environnemental, une partie des recettes pourrait être orientée vers la réduction des émissions de carbone et l’adaptation aux effets du changement climatique. Dans le domaine éducatif, l’argent pourrait permettre une revalorisation des salaires des enseignants et le réinvestissement dans les infrastructures scolaires.
Quant à la recherche, la France figure aujourd'hui parmi les pays de l’OCDE les moins investis dans ce secteur, avec seulement 2,18 % du PIB alloué. Cela contraste fortement avec d'autres pays, comme l’Allemagne, qui investit plus de 3 %. L'IGS pourrait donc servir de levier pour renforcer cet investissement et aider à redresser la situation économique à long terme.
Conclusion : un appel à l'action
Le rapport de la Fondation Jean-Jaurès et d’Hémisphère Gauche n’est pas seulement une proposition fiscale ; il s’agit d’un appel à agir face à une réalité préoccupante. Les enjeux actuels exigent une réforme audacieuse qui ne se limite pas à un simple ajustement fiscal, mais qui engage la société vers un modèle plus équitable. L’IGS pourrait transformer la dynamique patrimoniale en une opportunité de renouveau républicain et de progrès social.
L’urgence de la situation est telle que les choix effectués aujourd’hui seront déterminants pour l’avenir. Les acteurs politiques sont invités à saisir cette chance de réinventer la fiscalité à l'aune de la justice sociale. Si ce modèle est adopté, il pourrait ainsi contribuer à faire de la France une société où l’égalité des chances prime sur l’héritage.
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