La culture attire, passionne, questionne. Pourtant, son accès reste inégal, parfois compromis, surtout chez les plus jeunes.
La culture est un luxe pour les jeunes Français
Le 31 mars 2025, l’Observatoire E.Leclerc des Nouvelles Consommations, en partenariat avec Ipsos, a dévoilé une étude alarmante : une part massive des jeunes en France se heurte à des barrières économiques qui l’éloignent de la culture. Loin des clichés d’une génération ultra-connectée et surinformée, les 13-25 ans se heurtent à un mur de coût, de contraintes géographiques et de sélections limitées. Une fracture culturelle se creuse au cœur même de la République.
La culture, une passion partagée par les jeunes... mais sous tension économique
Chez les 13-25 ans, le désir de culture est tout sauf marginal. Ils sont 92 % à la considérer comme une source de richesse et de diversité, selon l’enquête Ipsos publiée le 31 mars 2025 pour l’Observatoire E.Leclerc. La culture est perçue à la fois comme un outil d’apprentissage et un miroir de leurs identités multiples. Films, musiques, livres, podcasts ou spectacles vivants... leur curiosité est insatiable. Pourtant, cette effervescence se heurte à la dureté des chiffres.
46 % d’entre eux déclarent ne pas pouvoir acheter régulièrement des biens culturels. Le pourcentage grimpe à 57 % dans les zones rurales, où l’offre est souvent rachitique. Derrière cette incapacité se cache un trio infernal : le coût (57 %), le manque de temps (46 %) et les difficultés de transport (24 %).
La fracture culturelle, souvent perçue comme générationnelle, est en réalité territoriale et sociale. Dans les communes de moins de 20 000 habitants, 73 % des jeunes affirment ne pas trouver d’activités correspondant à leurs goûts. L’indifférence des politiques culturelles locales face à ces besoins spécifiques est patente.
Casaniers malgré eux : le quotidien culturel sous contrainte des jeunes Français
Sur le papier, 54 % des jeunes préfèrent les activités en extérieur. Dans les faits ? Ils écoutent de la musique (74 %), regardent des séries (63 %), jouent aux jeux vidéo (49 %)... le plus souvent enfermés entre quatre murs. La lecture résiste à sa manière, avec 34 % de pratiquants hebdomadaires, notamment chez les filles (39 % contre 29 % chez les garçons).
Cette consommation en intérieur n’est pas un choix, c’est une stratégie de repli. Le cinéma (60 %), les spectacles vivants (59 %), les musées (51 %) suscitent l’envie, mais restent hors de portée pour une majorité. Seuls 6 % des jeunes affirment ne rencontrer aucune difficulté pour participer à une activité culturelle.
Un paradoxe : ils se sentent à l’aise dans les lieux culturels (77 %), tout en les percevant comme élitistes (55 %). La culture, dans leur quotidien, oscille entre attirance et frustration, confort et cloisonnement.
Des prescripteurs puissants : les parents, les grandes surfaces, les écrans
Malgré leur autonomie revendiquée, les jeunes Français n’échappent pas à l’influence familiale : 85 % participent à des sorties culturelles avec leurs parents et 66 % dépendent encore financièrement de ces derniers pour acheter des produits culturels, en particulier avant 20 ans.
Par ailleurs, les grandes surfaces spécialisées dominent toujours les habitudes d’achat : 55 % des jeunes y ont acquis un bien culturel en 2024, devant les réseaux sociaux. Les Espaces Culturels E.Leclerc sont connus de 87 % des répondants et identifiés comme lieux de découverte prioritaires (75 %).
Mais le numérique change la donne : les tutoriels et contenus créatifs sur les réseaux sociaux séduisent 65 % des jeunes, tous profils confondus. L’univers culturel s’hybride, et l’aspiration à une culture vivante, accessible et variée se fait plus pressante.
Des pistes de solution… ou des rustines ?
Le Pass Culture, lancé en 2021 et élargi en 2022 aux lycéens et collégiens, offre une bouffée d’air : 40 % des achats via le Pass concernent les livres, selon un rapport de la Cour des comptes daté du 17 décembre 2024.
Autre mesure saluée : la gratuité des collections permanentes des musées nationaux pour les 18-25 ans, en vigueur depuis 2009. Une ouverture symbolique… mais largement insuffisante au vu des obstacles structurels évoqués.
Certaines associations comme ATD Quart Monde plaident pour une démocratisation plus profonde, soulignant que l’accès à la culture renforce la confiance, l’émancipation, la dignité.
Les jeunes Français veulent la culture. Mais dans un pays qui se targue d’un rayonnement artistique mondial, comment tolérer que près d’un sur deux ne puisse même pas s’acheter un livre ou un billet de théâtre ?