Jeux paralympiques Paris 2024 : entre influence internationale et inclusion nationale

Les Jeux paralympiques de Paris 2024 ont offert bien plus que des performances sportives d’exception. Au-delà des résultats, ils ont été un terrain fertile pour observer comment les États utilisent le sport paralympique à des fins d’influence, tant sur la scène internationale qu’au sein de leur propre population

Beěneědicte Couturier Antidox
Par Bénédicte Couturier Turrel Publié le 14 octobre 2024 à 5h00
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Jeux paralympiques Paris 2024 : entre influence internationale et inclusion nationale - © Economie Matin
13%13% des Français sont en situation de handicap.

Les performances de l’Ukraine, 8ème au classement des médailles bien qu’en pleine guerre, tout comme celles du Brésil (5ème) considéré comme une économie émergente ou de la Grande-Bretagne à la population relativement faible, invitent à questionner la signification de ces succès : sont-elles les marqueurs d'une véritable politique d’inclusion qui envoie un message puissant à l'intérieur de ses frontières ou servent-ils des ambitions de soft power et d’image, comme c’est le cas pour la Chine ?

Ukraine et Grande-Bretagne : 2 modèles d’influence inclusive à usage interne

Le cas de l'Ukraine mérite une attention particulière. Depuis les Jeux d'Athènes en 2004, le pays s'est régulièrement classé dans le top 5, une performance remarquable pour une nation de moins de 40 millions d'habitants. Cette année, malgré le conflit qui ravage le pays depuis 2022, l'Ukraine a maintenu sa position parmi l'élite paralympique mondiale.

Cette réussite trouve ses racines dans une politique volontariste en faveur du handisport, amorcée après la catastrophe de Tchernobyl en 1986 et développée par Valeriy Sushkevych, fondateur du comité paralympique ukrainien et lui-même atteint de poliomyélite. En déployant un réseau d'infrastructures et d'entraînements pour les personnes en situation de handicap, l'Ukraine a fait de l’inclusion sociale des personnes handicapées un pilier fondamental de son projet de société. Ce modèle d’inclusion répond avant tout à des besoins internes, créant un espace de résilience pour les citoyens victimes de la guerre et les personnes handicapées.

La Grande-Bretagne quant à elle, avec sa seconde place aux paralympiques et pays hôte des premiers Jeux paralympiques en 1948, continue d'incarner un modèle de sincérité dans son approche de l'inclusion. À travers une politique cohérente de soutien aux jeunes athlètes handicapés, le Royaume-Uni montre que les succès paralympiques peuvent être le reflet d’une réelle volonté d’intégration sociale et de transformation durable de la société en faveur des personnes handicapées.

La Chine : quand l'influence internationale prime sur l'inclusion

A l’opposé, les résultats sportifs chinois, avec un total impressionnant de 220 médailles consolidant ainsi son statut de superpuissance paralympique, s'inscrivent dans une stratégie de soft power assumée. Ce succès n’est pas nouveau : depuis 2004, la Chine règne en maître sur les compétitions paralympiques. Avec des infrastructures à la pointe et des investissements massifs destinés à démontrer la force du pays, Pékin a fait des Jeux un moyen d’influence mondiale et de rayonnement international.

Toutefois, cette réussite sportive contraste avec la réalité interne : un rapport de Human Rights Watch de 2013 révèle que de nombreuses personnes handicapées restent marginalisées, sans accès à l'éducation et à l'emploi.

Le cas du Brésil : une puissance paralympique comme levier d'influence sociale

Le Brésil enfin illustre bien la façon dont le sport peut devenir un outil d’influence sociale. Dans un pays où 19 millions de personnes vivent avec un handicap, souvent issues de milieux défavorisés, le handisport s'est imposé comme un moyen de promotion sociale.

Cette réussite est le fruit d'une politique sportive ambitieuse, initiée au milieu des années 90 avec la création du Comité Paralympique brésilien. Le tournant décisif a été l'organisation des Jeux à Rio en 2016, qui a agi comme un catalyseur. Le pays a investi massivement dans les infrastructures et la formation, notamment avec la création du Centre d'Entraînement Paralympique à São Paulo. Le financement innovant (loi Agnelo/Piva), issu en partie des recettes de la loterie nationale, a également joué un rôle crucial et permis à des athlètes comme le nageur Gabriel Araujo de s’imposer comme une star des bassins.

Si son image en ressort renforcée sur la scène internationale, la véritable portée de cette politique est nationale. En offrant aux personnes handicapées une visibilité et des opportunités, le Brésil répond à des inégalités profondes au sein de sa propre société. Cette approche mixte – alliant visibilité internationale et inclusion interne – en fait un cas unique où les succès paralympiques sont à la fois un levier de soft power et un moteur de transformation sociale.

Médaille à deux faces ? Si les Jeux paralympiques de Paris 2024 ont été un spectacle d'excellence sportive, ils ont aussi révélé des divergences profondes dans la manière dont les pays utilisent le sport paralympique. D'un côté, des nations comme la Chine et dans une moindre mesure le Brésil y voient un moyen de redorer leur image internationale. De l’autre, des pays comme l’Ukraine et la Grande-Bretagne prouvent que le sport peut être un moteur d’inclusion sociale et de résilience.

L’enjeu pour l’avenir sera de s’assurer que les succès paralympiques ne se limitent pas au terrain sportif et à un instrument de visibilité internationale, mais qu’ils servent aussi à transformer les sociétés de l’intérieur. L'influence, après tout, se mesure autant par la capacité d'un État à briller à l'extérieur qu'à apporter des changements positifs et durables pour ses citoyens à l'intérieur.

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Beěneědicte Couturier Antidox

Diplômée de Sciences Po Paris, Bénédicte Couturier est Directrice Associée du Groupe Antidox. Sensible à l’inclusion et au handicap, elle est engagée auprès d’une association de personnes en situation de handicap depuis plus de 15 ans.

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