Dans un contexte économique fluctuant, l’investissement durable connaît un tournant critique, marqué par des sorties nettes de capitaux pour la première fois au dernier trimestre 2023. Ce phénomène soulève des questions quant à la viabilité et l’attrait de ces placements axés sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
Investissements ESG : un avenir incertain ?
Un essoufflement inattendu
Le concept d'investissement durable, qui repose sur les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), connaît un ralentissement marqué par des sorties nettes de 2,5 milliards de dollars au quatrième trimestre 2023. Cette situation inédite s'explique par des rendements décevants et un scepticisme croissant vis-à-vis de l'efficacité réelle de l'approche ESG. Interviewé par le journal belge L’Écho, Mathijs van Dijk, professeur d'économie à l'Université Erasmus de Rotterdam, souligne une érosion de la confiance dans le potentiel de surperformance de ces investissements, traditionnellement vantés pour leur capacité à générer un rendement supérieur grâce à une meilleure gestion des risques sociaux et environnementaux.
L'étude dirigée par Mathijs van Dijk, considérée comme l'une des plus complètes sur le sujet, révèle une absence de corrélation systématique entre les scores ESG et les performances boursières sur une période de vingt ans. Cette conclusion remet en cause l'un des arguments clés des défenseurs de l'investissement durable, à savoir que les entreprises bien notées selon les critères ESG seraient intrinsèquement plus performantes en bourse. Le professeur critique également la légèreté des arguments souvent avancés pour promouvoir l'ESG, mettant en lumière la complexité et la variabilité des résultats selon les agences de notation et les périodes étudiées.
Réactions et perspectives
La publication des résultats de cette étude a provoqué un large éventail de réactions au sein de la communauté financière. Tandis que certains investisseurs et gestionnaires d'actifs commencent à reconsidérer leur engagement envers l'ESG, d'autres, tels que les fonds de pension et les assureurs, voient dans ces résultats une opportunité de continuer à investir durablement sans sacrifier le rendement. Cette divergence d'opinions reflète une réévaluation plus large des stratégies d'investissement durable, certaines entités cherchant à ajuster leurs promesses envers les investisseurs en soulignant l'absence de perte de rendement plutôt que la surperformance.
Parallèlement, le marché belge des investissements durables continue de montrer des signes de résilience, avec des acteurs majeurs comme KBC et BNP Paribas Fortis qui rapportent une augmentation de la part des actifs ESG dans leurs portefeuilles. Ces institutions financières mettent en avant la demande soutenue pour des investissements alignés sur des valeurs durables, malgré le climat de scepticisme ambiant. Cette situation souligne la complexité de l'écosystème des investissements ESG et la nécessité pour les investisseurs de naviguer avec prudence dans un paysage en évolution, où la performance n'est pas le seul critère de succès.