Lorsque l’on parle de « l’engouement pour l’IA », il convient de se demander de quel type d’IA il s’agit. L’IA générative (IAG) est nouvelle, alors que d’autres types d’IA existent depuis des décennies. Certains types d’IA sont familiers, tandis que d’autres sont peu connus ou encore en développement, comme l’intelligence artificielle générale, – des systèmes d’IA dotés de capacités intellectuelles larges et généralisées (pensée abstraite, bon sens) dépassant celles d’un être humain, bien que les définitions varient.
Intelligence artificielle : au-delà de l’effet de mode
Il y a dix ans, certaines formes d'IA représentaient une technologie singulière que les chercheurs et les entreprises utilisaient pour jouer et gagner des matchs contre des humains, tout en réalisant d'importantes avancées. Avec les nouvelles technologies d'IA telles que ChatGPT, GitHub Copilot pour les développeurs, Sora et Midjourney, tout le monde parle désormais d'IA et les entreprises s'emparent du potentiel de ces nouveaux outils.
Mais un très large fossé sépare l'utilisation de l'IA par les consommateurs et par les entreprises. Les budgets, la sécurité, les cas d’usage, le retour sur investissement et l'expertise nécessaire ne cessent d’évoluer dans les entreprises, ce qui laisse peu de place ou de temps pour s'attarder sur l'effet de mode. La productivité mesurable, l'efficacité des processus, l'optimisation des équipes, les économies de coûts et la croissance du chiffre d'affaires sont au cœur des préoccupations.
Les dirigeants d'entreprise classent l'IA et l’IA générative parmi les trois principales priorités technologiques pour 2024, mais 66 % d’entre eux sont ambivalents ou insatisfaits de leurs progrès dans ces domaines, et seuls 6% ont commencé à réellement améliorer les compétences de leur personnel, selon un nouveau rapport du BCG. Pourtant, 54 % des dirigeants s'attendent à ce que l'IA permette de réaliser des économies en 2024. Près de la moitié d’entre eux prévoient des économies de coûts supérieures à 10 %, principalement grâce à des gains de productivité opérationnelle, dans le service à la clientèle et en informatique.
Dans un secteur comme celui de l’automobile, 43 % des dirigeants interrogés en Allemagne et 56 % au Royaume-Uni utilisent actuellement une forme d'IA, telle que le deep learning, dans leurs projets de vision industrielle. Toutefois, 34 % d’entre eux en Allemagne et 24 % au Royaume-Uni déclarent n'utiliser aucune forme d'IA dans leurs projets de vision industrielle et n'en voient pas l'intérêt. Le tableau est mitigé, et d'autres entreprises utilisent l'IA mais souhaitent que celle-ci en fasse davantage et mieux.
Les avancées dans le domaine de la vision industrielle illustrent différents niveaux de maturité, chez les fabricants comme dans d’autres secteurs, en matière de résultats de l'IA. La vision industrielle moderne permet d'atteindre de nouveaux niveaux d'analyse, de précision, de conformité et de qualité dans les processus de production, et fournit aux ingénieurs de nouveaux outils pour travailler plus efficacement, démontrant ainsi la véritable valeur de la technologie.
Par exemple, sur un site de production, le groupe Bosch développe des solutions de vision industrielle pour les systèmes d'injection des moteurs diesel pour l'industrie automobile et utilise cette technologie pour automatiser davantage les processus de lecture et de vérification, améliorer la traçabilité des injecteurs et réduire le nombre de pièces usinées devant être contrôlées manuellement.
Avec sa solution de vision industrielle qui contrôle l'ensemble du système, l'usine atteint un volume de production de 7 000 pièces par jour et la proportion de rejets incorrects a été réduite à moins de 5 %, ce qui constitue une amélioration significative. Cette solution a également permis à l'équipe de réduire les coûts et le temps de mise en place et de simplifier l'installation.
L'IA (et les utilisateurs) ont besoin de formation
Les réseaux neuronaux du deep learning sont des outils d'IA puissants et avancés qui imitent le cerveau humain (en particulier les réseaux neuronaux convolutifs dans le cas de la vision industrielle, où la connectivité s'inspire du cortex visuel du cerveau qui traite les images), mais ils ne sont pas doués de pouvoirs magiques. Parfois, une équipe d'ingénieurs s'attend à ce qu'ils fonctionnent parfaitement. Il est important d'informer les parties prenantes sur les capacités et les limites des réseaux neuronaux. Ces derniers peuvent obtenir des résultats remarquables, mais ils doivent être appliqués avec discernement. Les attentes réalistes doivent concerner les domaines dans lesquels les réseaux neuronaux excellent (par rapport à la performance humaine et à la vision industrielle classique basée sur des règles), tels que la détection des défauts de surface, la détection ou le comptage d'objets, la lecture de caractères difficiles ou la détection d'écarts inattendus par rapport à des objets vus précédemment (anomalies).
Il est essentiel de sélectionner les mesures d'évaluation appropriées pour évaluer avec précision les performances d’un modèle.
De nombreux problèmes liés aux données doivent également être résolus pour qu'une entreprise puisse bénéficier des avantages de l'IA. Les mélanges d'ensembles de données d'entraînement et de test, les tailles identiques inadéquates et déséquilibrées, les annotations de données ambiguës et incohérentes, ainsi que les facteurs environnementaux doivent être pris en compte pour garantir le bon fonctionnement des solutions de deep learning.
Aborder l'IA avec une stratégie
Après l'adoption de la loi européenne sur l'IA, les entreprises ont également besoin d'être guidées pour passer outre l’effet de mode et faire bénéficier leurs activités de la valeur ajoutée de l'IA. La loi européenne sur l'IA établit un cadre commun pour l'utilisation et la distribution de systèmes d'IA au sein de l’Union Européenne, ainsi qu'une classification des systèmes d'IA avec différentes exigences et obligations adaptées à une approche basée sur le risque.
La loi agit comme un catalyseur pour inciter les fabricants à investir dans les partenariats et la technologie nécessaires pour faire des usines numériques et des opérations industrielles intelligentes une réalité. Des workflows plus automatisés et autonomes, des équipes mieux assistées et des analyses prédictives et prescriptives peuvent être exploitées grâce à l'IA et aux volumes massifs de données industrielles pertinentes disponibles.
Quel processus industriel a besoin d'être automatisé et bénéficierait de l'IA ? Quel type d'IA serait le plus approprié ? Comment la conformité légale est-elle assurée et enregistrée, de qui avez-vous besoin en termes de personnel et de partenaires pour y parvenir ? Voilà le type de questions auxquelles l’effet de mode ne répond pas, mais qui doivent être abordées.
Des avancées sans battage médiatique
À l'heure actuelle, ce n'est pas tant l'IA qui crée ou supprime des emplois, même si de nombreux gros titres peuvent le laisser penser. Comme pour la voiture, le téléphone et Internet, une multitude de nouveaux emplois et industries verront le jour grâce à l'essor de l'IA. Voici la réalité d’aujourd'hui : des industriels qui équipent leurs ingénieurs, leurs programmeurs et leurs data scientists de nouveaux outils plus performants et dotés d'IA pour faire ce qu'ils font déjà, mais plus rapidement et plus efficacement, et qui confient certaines tâches à l'automatisation pilotée par l'IA.
Les fabricants, comme d'autres industries, peuvent être confrontés au défi de l'embauche, de la formation et de la fidélisation du personnel. Dans ce cas, les dirigeants se tournent vers l'automatisation pour combler les pénuries de main-d'œuvre, former les équipes plus rapidement et soutenir les collaborateurs dont ils disposent déjà. Toute personne qui dispose de connaissances en IA se démarquera, car elle possédera les compétences et l'expertise que les industriels recherchent dans leurs usines.
Les entreprises feront également de la démocratisation de l'IA et du deep learning une priorité stratégique. Un ingénieur, un data scientist ou un développeur apprendra de nouvelles compétences et recevra des ressources de formation et des outils d'IA prêts à l'emploi, plus faciles à utiliser, qui prendront en charge certaines tâches et soutiendront les équipes dans d'autres aspects de leur rôle. Certains outils, comme l'OCR basé sur le deep learning, peuvent être low code/no code, ce qui signifie qu'ils sont clés en main et ne nécessitent pas de formation spécialisée. D'autres sont plus sophistiqués et fonctionnent davantage comme des environnements prêts à l'emploi pour les programmeurs et les data scientists qui créent des solutions en utilisant la plateforme, les outils et les bibliothèques fournis.
À terme, cette approche sera la norme et non plus un facteur de différenciation dans la bataille pour les talents, la qualification de la main-d'œuvre et l'optimisation des équipes terrains grâce à de nouvelles méthodes de travail. Ceux qui introduisent et utilisent aujourd’hui les nouveaux outils d'IA sans se laisser influencer par l’effet de mode auront demain une longueur d’avance dont bénéficieront leurs clients.