Extrait du livre de Fabrice Zerah, avec Laure de Charette : Tech ou Toc ? ChatGPT, Métavers, cryptomonnaies, NFT : les nouvelles technologies passées au crible, éditions l’Arpichel.
Intelligence artificielle : réindustrialiser la France… grâce aux robots (extrait)
Réindustrialiser la France... grâce aux robots
Les robots peuvent en outre nous aider à réindustrialiser notre pays. Depuis plusieurs années, la Chine investit massivement dans la robotisation de son industrie et devance désormais les États-Unis. Tout le contraire de la France, alors même que notre pays est internationalement reconnu pour sa recherche en robotique. Selon le classement établi par l’International Federation of Robotics fin 2022, le nombre de robots pour 10.000 employés dans les usines tricolores a reculé de 16 % (à 163 unités) par rapport à l’année précédente. La France a ainsi perdu quatre places en un an et est tombée au vingtième rang (loin derrière la Corée du Sud, première du classement avec 1.000 robots pour 10.000 employés et l’Allemagne, quatrième avec 397 unités).
Pourquoi ? J’y vois plusieurs raisons : d’abord, de nombreux chefs d’entreprise privilégient la rentabilité à court terme à un investissement d’avenir. Un robot coûte cher et n’est rentable qu’au bout de cinq à sept ans, alors qu’une nouvelle recrue peut être opérationnelle après quelques mois de formation et que les entreprises recherchent une rentabilité inférieure à deux ans. Ensuite, l’absence de culture d’innovation, déjà évoquée dans cet ouvrage, et la réticence au changement freinent de nombreuses entreprises. Pourtant, je le vois très régulièrement dans mon métier : les entreprises frileuses à l’idée d’automatiser leurs process perdent progressivement en productivité et nombre d’entre elles finissent tôt ou tard par mettre la clé sous la porte.
À l’heure où les politiques et les industriels ne cessent d’appeler à la réindustrialisation du pays – et Dieu sait qu’ils ont raison de le faire –, il paraît difficile d’imaginer qu’une telle dynamique s’opère sans automatisation et robotisation de nos usines. Le grand plan d’investissement d’avenir France 2030, lancé fin 2021 à l’Élysée, prévoit 800 millions d’euros pour la robotisation industrielle. Mais je crains que cela ne soit pas suffisant pour changer la donne. Il faudrait multiplier par dix ce budget et l’envisager à l’échelle européenne. Une chose est sûre : les pays dont les entreprises n’ont pas assez investi dans l’automatisation industrielle ont vu leur productivité diminuer, entraînant une baisse de leurs parts de marché, donc de l’emploi. Bref, plus de robots ne se traduit pas nécessairement par une perte d’emplois. Au contraire. Selon une étude publiée en janvier 2023 dans la revue Social Science Research Network par des chercheurs européens, les robots, loin d’être les ennemis de l’emploi, en créent encore davantage. Au lieu d’accuser les robots de tous les maux, l’urgence est d’en équiper notre pays. Cessons de ne voir dans les robots que des voleurs d’emplois.
D’autant qu’une plus grande robotisation de nos usines permettra de produire davantage en local. La crise sanitaire du coronavirus a fait éclater au grand jour l’ambivalence de la globalisation. Au cours des dernières décennies, nous avons, certes, multiplié comme jamais les échanges de marchandises, de capitaux, de savoirs. Mais nous avons aussi, sans trop nous en rendre compte, patiemment organisé, méticuleusement systématisé notre vulnérabilité collective. À quoi bon continuer à désindustrialiser l’Europe et la France pour aller produire vers les pays à bas coûts si nous vivons en permanence avec le risque d’une rupture des chaînes d’approvisionnement ? La question des masques de protection produits massivement en Chine alors que nous en manquions cruellement en France a montré combien nous marchons sur la tête. Faut-il continuer de lier notre sort économique, voire notre souveraineté à de gigantesques porte-conteneurs qui, soit dit en passant, ont un impact environnemental catastrophique ? Le temps est venu de faire preuve de beaucoup plus de clairvoyance. Nous devons nous réindustrialiser, assumer de produire davantage en local, pour le local, c’est-à-dire affronter avec intelligence la question des coûts de production. S’il y a délocalisation vers d’autres zones, c’est parce que la main-d’œuvre y est beaucoup moins chère. Et sur ce point-là, nous n’arriverons jamais à nous aligner, mais nous pouvons produire mieux et autrement ! Comment ? Grâce à une plus grande robotisation de nos usines, gage de compétitivité. Je préfère largement une usine de dix personnes en France à une gigafactory de trois cents employés en Chine. Nous ne travaillerons pas seulement avec des robots, nous nous déplacerons grâce à eux. Les technologies de l’automobile et de la robotique vont en effet converger.