Une simple déclaration a suffi à bouleverser un secteur tout entier. Jensen Huang, PDG de Nvidia, a jeté un pavé dans la mare en affirmant que l’informatique quantique ne deviendrait pleinement opérationnelle que dans plusieurs décennies. Entre optimisme prudent et réalité des marchés, cette déclaration soulève des questions fondamentales sur l’avenir de cette technologie révolutionnaire.
Informatique quantique : une phrase et le secteur s’écroule…
Le 9 janvier 2025, lors du Consumer Electronics Show (CES), Jensen Huang, à la tête de Nvidia, a fait une annonce qui a provoqué un séisme dans l'industrie de l’informatique quantique. En prédisant un horizon de 20 ans pour l’avènement des applications réellement utiles de cette technologie, il a déclenché une onde de choc qui s’est immédiatement répercutée sur les marchés financiers. Les entreprises spécialisées ont vu leurs valeurs boursières s’effondrer, tandis que des investisseurs, autrefois optimistes, ont commencé à douter de la viabilité à court terme de cette industrie. Cette déclaration, loin d’être anodine, a révélé des tensions profondes entre la vision futuriste qui entoure l’informatique quantique et les défis très concrets auxquels elle fait face aujourd’hui.
Informatique quantique : pour Nvidia on est loin du compte
Les mots de Jensen Huang résonnent dans une industrie en plein essor mais encore fragile. L’informatique quantique est souvent décrite comme la prochaine grande révolution technologique, capable de transformer des secteurs clés comme la cryptographie, la pharmacologie ou encore l’intelligence artificielle. Cependant, cette vision utopique est confrontée à des limites bien réelles. Huang a souligné que l’industrie était encore loin de disposer des ressources nécessaires pour développer des ordinateurs quantiques véritablement performants. Les avancées actuelles, bien que spectaculaires sur le plan scientifique, sont encore largement insuffisantes pour répondre à des besoins industriels concrets.
Pour illustrer ce point, il a rappelé que les ordinateurs quantiques actuels ne pouvaient résoudre que des problèmes extrêmement spécifiques, souvent sans application pratique immédiate. La gestion des erreurs, un défi majeur pour ces systèmes, nécessite encore un recours important à des technologies classiques. Cela limite considérablement leur adoption et leur rentabilité. Selon Huang, « Si vous disiez 15 ans, ce serait probablement optimiste. Si vous disiez 30 ans, ce serait trop long. Mais si vous disiez 20 ans, je pense que beaucoup d’entre nous seraient d’accord. » . Il a finalement tranché pour une estimation médiane de 20 ans, une déclaration qui a semé le doute chez les investisseurs.
Les marchés financiers dégringolent : les investisseurs fuient le quantique
La réaction des marchés ne s’est pas fait attendre. En quelques heures, les principales entreprises du secteur ont vu leurs capitalisations boursières fondre comme neige au soleil. IonQ, Rigetti Computing, D-Wave et Quantum Computing Inc. ont toutes enregistré des baisses allant de 30 % à 50 %. Ces chiffres sont d’autant plus frappants que ces mêmes entreprises avaient connu des croissances fulgurantes l’année précédente, portées par des annonces comme celle de Google, qui a révélé en décembre 2024 une puce capable de réaliser en quelques minutes des calculs impossibles pour un supercalculateur classique.
Cette volatilité met en lumière un paradoxe central de l’informatique quantique : une technologie aux perspectives révolutionnaires, mais encore très éloignée d’une utilisation pratique ou d’une rentabilité économique. Les revenus projetés pour 2024 témoignent de ce décalage. Par exemple, Rigetti, valorisée à 4,4 milliards de dollars, prévoit des recettes de seulement 11 millions de dollars, tandis qu’IonQ, avec une valorisation de plus de 10 milliards, n’attend que 41,6 millions de dollars.
Nvidia croit malgré tout à l’informatique quantique
Malgré ses propos alarmants, Jensen Huang a également mis en avant le rôle que joue Nvidia dans le développement de l’informatique quantique. L’entreprise est un fournisseur clé de technologies utilisées par les acteurs du secteur, notamment dans les domaines de la correction d’erreurs et de la simulation. Nvidia collabore avec presque toutes les entreprises majeures de l’industrie et propose des solutions matérielles et logicielles qui permettent de surmonter certains des obstacles techniques actuels.
Cette position centrale a suscité des réactions mitigées. Alan Baratz, PDG de D-Wave, a vivement critiqué les déclarations de Huang, les qualifiant de "désinformation". Il a insisté sur le fait que D-Wave avait développé des stratégies uniques qui lui permettraient de commercialiser des solutions quantiques bien avant les délais évoqués. Baratz a également souligné le potentiel des synergies entre intelligence artificielle et informatique quantique, un domaine dans lequel D-Wave espère se positionner comme un leader.
Cependant, les sceptiques rappellent que les avancées technologiques, aussi prometteuses soient-elles, nécessitent du temps et des ressources considérables pour passer du laboratoire à l’industrie. Nvidia elle-même est un exemple de cette réalité : il a fallu plus de deux décennies à l’entreprise pour imposer l’informatique accélérée comme un standard.
Informatique quantique : Un futur incertain
L’industrie de l’informatique quantique se trouve à un moment charnière. Les défis techniques et financiers sont immenses, mais les opportunités le sont tout autant. La cryptographie, la découverte de médicaments et l’optimisation des processus industriels ne sont que quelques-uns des domaines qui pourraient être révolutionnés par cette technologie. Cependant, les investisseurs doivent faire preuve de patience. Comme l’a rappelé Jensen Huang, la route sera longue, et les bénéfices réels ne se concrétiseront probablement que dans plusieurs décennies.
Cette perspective réaliste n’est pas sans conséquences. Elle oblige les entreprises du secteur à revoir leurs stratégies et à se concentrer sur des applications à court terme qui pourraient générer des revenus plus immédiats. Parallèlement, les gouvernements et les grandes entreprises technologiques continueront d’investir massivement dans la recherche, conscients que les avancées dans ce domaine pourraient redéfinir les équilibres économiques et géopolitiques mondiaux.
Les déclarations de Jensen Huang ont eu l’effet d’un électrochoc pour l’industrie de l’informatique quantique. En pointant les limites actuelles de la technologie et en rappelant les défis à surmonter, il a non seulement refroidi l’enthousiasme des marchés, mais aussi lancé un appel à la prudence et au réalisme.