Informatique et automobile, suicide entre amis

Le départ de Carlos Tavares de Stellantis ne peut être résumé à ce seul épisode. Il révèle les profondes interrogations du propriétaire, John Elkann, 3ème génération des Agnelli. Les transitions importantes connues par le secteur automobile ne sont que le début d’une longue tempête.

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Par Ludovic Grangeon Publié le 31 décembre 2024 à 5h30
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Informatique et automobile, suicide entre amis - © Economie Matin
7%L’industrie automobile représente quelque 7% du produit intérieur brut de l’Union européenne (UE)

Ce secteur affronte à la fois la concurrence mondiale, les évolutions technologiques de ses procédés, les modes de vie, et même la remise en question des modes de transport. Les prédictions stratégiques des années 1970 allaient jusqu’à des « vecteurs » universels sur lesquels se brancheraient des modules de déplacement. Cette fusion peut même se prolonger jusqu’au fret mais aussi au transport voyageurs. Elon Musk a ébauché quelques pistes mais nous sommes encore loin du but.

Les options deviennent l’arbre qui cache la forêt

Les véhicules sont tous devenus aujourd’hui des ordinateurs roulants. Cette stratégie ne peut être qu’une transition qu’il est urgent d’abandonner. L’industrie automobile et l’informatique sont entrées dans une partie perdante pour chacune. Leur dialogue croissant les mène ensemble à leur perte. Seuls leurs stratèges actuels l’ignorent. La fiabilité mécanique du secteur automobile est dégradée par la versatilité de l’informatique. L’informatique se fourvoie dans la production de gadgets de plus en plus éloignés de la fonction transport. Cette complexité est incompatible avec une mission qui consiste à faire un trajet le plus efficacement possible. La fonction d’un véhicule de transport n’est pas d’être un appartement. Il faut les dissocier des logements nomades motorisés.

La carpe a épousé le lapin

Voici 25 ans, les moqueries ont fusé entre ces deux industries. Bill Gates ventait les progrès technologiques fulgurants réalisés laissant l’industrie automobile sur place. Les patrons de General Motors répliquaient avec la caricature des nombreuses procédures absurdes, exotiques, et compliquées de l’informatique.

Puis leur dialogue a évolué. Les automobiles ont commencé à intégrer des composants informatiques jusqu’à en être saturées aujourd’hui. De multiples automatismes et autant de gadgets plus ou moins utiles inondent l’équipement des véhicules. Leur complexité devient telle qu’il est impossible de louer un véhicule sans commencer par intégrer une dizaine de procédures toujours différentes avant de faire le premier kilomètre, et d’en découvrir autant en roulant. Quelle est leur vraie valeur ajoutée ? si ce n’est une séduction des options sans lendemain.

Lequel pollue l’autre ?

Alors que l’industrie automobile avait atteint un degré satisfaisant de fiabilité et de disponibilité sur les aspects mécaniques du véhicule, l’introduction de l’informatique la fait tomber plus bas qu’auparavant. Les mécaniciens sont devenus incapables de réparer sur place la moindre panne. Les diagnostics et la gestion des capteurs passent par des instruments de contrôle eux-mêmes informatisés. Souvent, les diagnostics débouchent sur des changements de composants disparus, ou qui ont changé entretemps et ne sont peut-être plus compatibles avec les précédents selon les versions de logiciels. La fragilité des composants électroniques n’équivaut pas à celles des organes mécaniques.

Les équipements deviennent un problème de sécurité routière

La sécurité du trafic en est également affectée. Les trop nombreuses informations présentées au conducteur nécessitent une attention soutenue sans rapport avec la conduite du véhicule. Entre console écran, téléphone mains libres, GPS, équipements variés media, automatismes, rapports de trajets, leur consultation engendre des fautes d’attention de la conduite routière et des accidents graves souvent fatals. Ce nouveau type d’accident se produit souvent en ligne droite, sans autre explication. Les assistances diverses en viennent également à diminuer la capacite des passagers à gérer leur autonomie. De nombreux accidents ont vu les passagers noyés ou brulés vifs sans avoir pu ouvrir les portières du véhicule

Le diable se cache dans les détails

En conclusion, ce mariage de la carpe et du lapin doit évoluer et chacun doit retrouver son âme. Véhicules et informatique s’éloignent bien loin de leur core business. Les accessoires sont devenus plus importants que l’essentiel, et chacun sait que le diable se cache dans les détails.

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Ludovic Grangeon a été partenaire de plusieurs réseaux d’expertise en management et innovation sociale de l'entreprise. Il milite à présent pour le développement local et l’équilibre des territoires au sein de différentes associations. Il a créé en grande école et auprès des universités  plusieurs axes d’étude, de recherche et d’action dans le domaine de l’économie sociale, de la stratégie d’entreprise et des nouvelles technologies. Il a également été chef de mission et président de groupe de travail de normalisation au sein du comité stratégique national Afnor management et services. Il a participé régulièrement aux Journées nationales de l’Economie, intervenant et animateur. Son activité professionnelle a été exercée dans l'aménagement du territoire, les collectivités locales, en France et auprès de gouvernements étrangers, à la Caisse des Dépôts et Consignations, dans le capital risque, l’énergie, les systèmes d’information, la protection sociale et la retraite.

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