Inflation : Quand l’INSEE parle de 0,8 %, les ménages pensent au double

Le 28 mars 2025, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a dévoilé les résultats provisoires de l’indice des prix à la consommation (IPC) pour le mois de mars 2025. L’inflation affiche une progression annuelle de 0,8 %, identique à celle enregistrée en février. Une stabilité apparente qui dissimule, en réalité, des contrastes profonds entre les différentes composantes de la dépense des ménages.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 28 mars 2025 à 9h50
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Inflation : Quand l’INSEE parle de 0,8 %, les ménages pensent au double - © Economie Matin
2%La BCE a pour objectif une inflation de 2%

L’inflation de mars 2025 en France : une photographie déséquilibrée

Sur un an, l’inflation française atteint 0,8 %, selon les estimations provisoires de l’INSEE. Un chiffre qui pourrait passer pour rassurant, voire anodin, si l’on s’en tient à sa valeur brute. Mais derrière cette façade d’équilibre se cache une dissonance économique : les hausses de prix dans certains domaines viennent compenser des baisses notables ailleurs.

Du côté des services, c’est une montée douce mais continue : +2,3 % en rythme annuel, légèrement au-dessus de la progression de 2,2 % en février. Les assurances se distinguent dans cette catégorie, agissant comme l’un des principaux moteurs de cette hausse. Dans le même temps, l’alimentation enregistre une augmentation de 0,6 %, après +0,3 % en février. Et attention, les produits frais flambent avec un bond spectaculaire de 3,8 %, malgré une chute de 3,9 % en février — un retournement brutal qui mérite qu’on y regarde de plus près.

Mais cette poussée est équilibrée, voire étouffée, par la chute vertigineuse des prix de l’énergie. Sur un an, ceux-ci décrochent de 6,2 %, accentuant encore la baisse de 5,8 % relevée en février. Une décrue spectaculaire que l’on doit à une détente des prix du gaz et des carburants, mais qui n’aura qu’un effet partiel sur le portefeuille des ménages, en raison de la répartition sectorielle des dépenses.

Les variations mensuelles : des secousses limitées, mais significatives

Sur un mois, les prix à la consommation enregistrent une légère hausse de 0,2 % en mars, après une stagnation en février. Cette progression discrète est tirée principalement par les produits manufacturés, notamment dans l’habillement et les chaussures, secteurs traditionnellement sensibles aux cycles saisonniers. Les prix des services, eux, ralentissent leur croissance, tandis que l’énergie continue de plonger.

Quant à l’indice harmonisé (IPCH), utilisé pour comparer les économies au sein de l’Union européenne, il grimpe de 0,9 % sur un an — là encore, sans évolution par rapport à février — et de 0,2 % sur un mois, contre +0,1 % précédemment. Rien de spectaculaire, mais assez pour maintenir l’attention des économistes sur ces glissements discrets qui structurent les anticipations.

Entre perceptions divergentes et réalités comptables : l’inflation est-elle sous-estimée ?

Il serait tentant de croire que cette inflation modeste est perçue de la même manière par tous. Il n’en est rien. Une enquête menée par la Banque de France entre le 26 février et le 5 mars 2025 révèle que les chefs d’entreprise estiment une inflation médiane de 2 % au premier trimestre, soit plus du double du taux officiel. Un écart de perception qui pourrait bien devenir un facteur de tension lors des négociations salariales et des prises de décision économiques à venir.

Et comme un signe des temps, les prévisions de croissance viennent en soutien de cette prudence : la Banque de France prévoit une progression du PIB (produit intérieur brut) de seulement 1 % pour 2025, en recul par rapport aux 1,1 % de 2024. Côté inflation, la moyenne annuelle projetée s’établit à 1,3 % pour cette année.

Quand la stagnation cache des réalités explosives

Prenons un ménage urbain à revenu médian. Pour lui, les économies sur la facture d’électricité ne compensent guère la hausse des cotisations d’assurance, ni celle des produits alimentaires essentiels. La flambée des fruits et légumes en mars — +3,8 % — pèse lourd sur les budgets modestes. Le contraste est saisissant : pendant que les marchés s’enorgueillissent d’un repli de l’énergie, la corbeille de la ménagère flambe dans le silence glacé des réfrigérateurs.

Dans les quartiers populaires, cette perception de décalage est exacerbée. Les prix qui comptent ne sont pas ceux qui baissent, mais ceux qui montent : les aliments, les assurances, les services essentiels. L’inflation officielle est peut-être à 0,8 %, mais l’inflation ressentie grimpe bien au-delà, nourrie par le quotidien plus que par les statistiques.

En mars 2025, l'inflation française se stabilise en surface, mais bouillonne en profondeur. L’illusion d’un calme inflationniste cache mal les déséquilibres qui minent la réalité des consommateurs. Les baisses spectaculaires de l’énergie masquent des hausses sectorielles bien plus sensibles pour le quotidien. Alors, faut-il vraiment se satisfaire de ces 0,8 % ?

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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