Industrie : solutions technologiques aux problématiques démographiques affectant la main-d’œuvre

La conjoncture démographique n’est peut-être pas la chose à laquelle on pense lorsqu’on évoque la main-d’œuvre manufacturière, mais les défis liés à l’embauche et aux compétences des salariés relèvent d’une problématique de population plus globale.

Stephan Pottel
Par Stéphane Pottel Publié le 11 juillet 2024 à 4h30
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30%près de 30 % du total des heures de travail pourraient être automatisées

Selon une étude d'Eurofound, les Européens vivent et travaillent plus longtemps. Les chefs d’entreprise et les chercheurs soulignent l’impact que cela pourrait avoir sur l’innovation, la productivité et la capacité à pourvoir des postes qualifiés dans les secteurs de l’industrie et de l’ingénierie.

En effet, les données issues d'un rapport d’un organisme industriel européen montrent que 75 % des fabricants interrogés sont préoccupés par le vieillissement de leurs salariés. « Attirer et fidéliser une main-d'œuvre plus jeune est un problème récurrent... l'âge moyen de notre personnel a augmenté et il n'est pas rare que les plus de 40 ans constituent désormais la majorité des salariés du secteur », indique le rapport.

Les les entreprises de production du monde entier sont confrontées à une main-d'œuvre vieillissante et, par conséquent, au défi d'attirer et de fidéliser des travailleurs plus jeunes, « natifs du numériques », qui ne semblent pas trouver les emplois de ce secteur passionnants. Les dirigeants se tournent vers la numérisation et l'automatisation pour combler ce manque, mais aussi pour former les salariés plus rapidement et les aider avec des outils plus performants et plus faciles à utiliser.

Trois piliers stratégiques pour aider les fabricants

Pour gérer les défis du vieillissement et des départs à la retraite, il est essentiel que les équipes terrain disposent de solutions mieux connectées, visibles et optimisées. Ces solutions permettent de mettre en place des systèmes et procédures basés sur le savoir-faire et l’expérience, mais aussi de former les systèmes d'intelligence artificielle (IA). Elles attirent de nouveaux collaborateurs et leur donnent les moyens d'exploiter les informations, la formation et les outils faciles à utiliser, y compris les équipements low-code/no-code, qui démocratisent l'IA pour un plus grand nombre.

Face à la conjoncture démographique et à la crise de main-d’œuvre actuelle, trois piliers stratégiques clés dans le secteur de l’industrie reposent sur l’IA et l'automatisation. Premièrement, la visibilité exploitable qui génère une transparence en temps réel sur les salariés, les processus, les actifs et les stocks, ainsi que des jeux de données utilisés pour former des modèles d'IA. Un constructeur automobile a par exemple numérisé et automatisé la traçabilité des véhicules dans son usine à l'aide d'un système d'identification par radiofréquence (RFID). Résultat : une amélioration de 50 % de l'affectation des ressources, une réduction de 10 % des erreurs humaines et une rentabilité accrue.

Deuxièmement, des équipes terrain mieux épaulées et connectées. Chaque collaborateur doit être connecté, informé et disposer des bonnes données afin de fournir des analyses à la bonne personne au bon moment. Des informations sur les flux de travail sont également générées, ce qui rend l'usine et son réseau plus intelligents. Prenons l’exemple d’un recycleur et revendeur automobile traitant en moyenne 70 à 80 véhicules par jour, qui gère environ 2 000 pièces détachées et dispose d’un stock d'environ 350 000 articles. L’entreprise a équipé les salariés de l'usine de terminaux mobiles durcis dotés d'une connectivité Wi-Fi et cellulaire ainsi que d'un logiciel de communication par talkie-walkie et par téléphone. Les équipes terrain peuvent ainsi recevoir directement une commande contenant toutes les informations produit nécessaires, et leurs appareils sont connectés à une plateforme d'apprentissage automatique pour les mesures d'utilisation et la maintenance prédictive.

L'optimisation de la qualité constitue le troisième pilier. De nombreuses tâches répétitives peuvent être automatisées et le rendement amélioré grâce à une combinaison d'IA et d'automatisation physique. Ces systèmes optimisent de nombreux aspects de la qualité : détection des anomalies, transport des matériaux, suivi des flux de travail. Des solutions modernes de vision industrielle automatisent et augmentent la qualité et l'inspection de la conformité. Un fabricant de produits alimentaires frais a par exemple mis en place un système de prélèvement robotisé par vision industrielle. Résultat : réduction d’environ 75 % des coûts globaux par rapport aux options traditionnelles de caméra et d'éclairage, prélèvement et conditionnement efficaces sans endommager les aliments ou l’emballage. Autre exemple : un leader mondial des machines agricoles qui utilise la vision industrielle avec fonctionnalités d'apprentissage profond a atteint un taux de précision de 99,5 %, et effectué des économies de coûts et de temps grâce à l'automatisation des processus d'inspection visuelle.

L'avenir de l’emploi et des tâches

À l’heure actuelle, l’utilisation de l'IA n’implique pas simplement de créer ou de supprimer des emplois. À l'instar de l'essor de la voiture, du téléphone et d'Internet, de nombreux postes et secteurs d'activité sont en cours de création. Aujourd’hui, les fabricants équipent leurs ingénieurs, techniciens, programmeurs et data scientists d’outils d’automatisation et d’IA plus performants pour effectuer leurs tâches plus rapidement et plus efficacement. Ils confient également certaines tâches à des solutions automatisées assistées par IA.

Les collaborateurs sachant utiliser l’IA se démarqueront de leurs collègues dans un avenir proche, car ils disposent des connaissances et de l’expertise que les dirigeants recherchent dans leurs usines. Les solutions low-code/no-code révolutionnaires encouragent les développeurs citoyens à innover dans le cadre des règles établies. Les salariés peuvent ainsi être à l'origine de la prochaine vague de gains de productivité en tirant parti de ces nouveaux outils d'IA disponibles sur des terminaux portables robustes.

Certains outils, comme la reconnaissance optique de caractères par apprentissage profond, sont de type low-code/no-code, ce qui signifie qu'ils sont prêts à l'emploi et qu'ils ne nécessitent pas de connaissances spécialisées puisqu'ils sont formés sur des milliers d'images. D'autres solutions fonctionnent davantage comme des environnements prêts à l'emploi pour les programmeurs et les data scientists qui créent des solutions en utilisant la plateforme, les outils et les bibliothèques fournis.

L'IA et l'automatisation permettent donc aux fabricants et aux ingénieurs d'automatiser des tâches individuelles, d'augmenter la productivité globale du personnel et de remédier aux pénuries de main-d'œuvre. Dans l’une de nos études, nous avons observé que 33 % des décideurs de l'industrie automobile au Royaume-Uni et 29 % en Allemagne souhaitent automatiser plus de la moitié de leurs processus d'inspection visuelle grâce à la vision industrielle au cours des cinq prochaines années. Pour ce qui est de la France, 35 % des employeurs français, tous secteurs confondus, ont investi dans l’automatisation.

Parallèlement, une étude McKinsey suggère que près de 30 % du total des heures de travail pourraient être automatisées au cours de la prochaine décennie, tout en entraînant une augmentation de la demande de main-d'œuvre et une profonde évolution des activités des professions STEM (science, technologie, ingénierie, mathématiques). Les objectifs ambitieux d'automatisation du secteur de l’industrie et la demande accrue d'emplois STEM seront difficiles à atteindre sans le support d’une main-d’œuvre qualifiée, de solutions d’automatisation et l’IA.

Stephan Pottel

Responsable industrie Europe chez Zebra Technologies.

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