Le pari de la réindustrialisation à la française

Dans le cadre de l’initiative Choose France, la France a annoncé des chiffres records : 15 milliards d’euros d’investissements étrangers, 56 projets d’entreprises ou encore 10 000 créations d’emplois. L’attractivité de l’hexagone est au plus haut auprès des investisseurs étrangers pour réindustrialiser le pays. Dans un contexte de forte concurrence régionale, alors que l’Allemagne est récemment devenue la troisième puissance économique mondiale, la septième édition de Choose France a témoigné de la volonté du pays de faire de la France une destination de choix pour les entreprises industrielles.

Tobiaswolk
Par Tobias Wölk Publié le 26 juillet 2024 à 5h00
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9%L'industrie pèse 9% du pib de la France.

Une trajectoire à bout de souffle

Ce sommet fait suite à un long marasme pour la France qui connait ainsi une chute de son industrialisation depuis 1972. Au cours des cinq dernières décennies, la part de l’industrie dans le PIB a continué à décliner, passant de 19% en 1972, à 9% en 2020. L'évolution de l'emploi dans le secteur manufacturier est sans doute l'indicateur le plus révélateur de cette désindustrialisation. Si quelques régions ont pu pallier la disparition d'emplois grâce à la création de nouvelles activités ou à l'automatisation de leur production, d'autres se sont retrouvées plongées dans une crise économique persistante. La fermeture de nombreux sites industriels a entraîné une perte de compétences et de savoir-faire essentiels à la renaissance industrielle. C’est dans ce contexte que cette année, Choose France a eu pour objectif de positionner le pays au cœur de la production dans des filières stratégiques comme la santé, l’environnement et les nouvelles technologies. À ce titre, Microsoft a annoncé un investissement de 4 milliards d’euros pour soutenir la croissance française dans la nouvelle économie de l’intelligence artificielle, ce qui rejoint la volonté de l’Hexagone de s’inscrire durablement dans la course à l’IA et donc tenir la dragée haute à la Silicon Vallée. Autre investissement record, Pfizer a prévu un investissement de 500 millions d’euros sur cinq ans pour encourager l’innovation. Novartis a profité du salon pour créer une unité de production destinée à assurer la quasi-totalité de la chaîne de production d’un médicament sur le territoire national.

L’idée donc du hub d’innovation, de créativité qu’est Choose France est de mettre en avant les atouts majeurs du pays : un grand marché intérieur, une main-d’œuvre hautement qualifiée, une position géographique stratégique au cœur de l’Europe, ainsi qu’un engagement fort envers la durabilité et l’innovation. À ceci s’ajoute une démarche de réformes structurelles visant à moderniser l’économie en prévoyant la simplification des réglementations, la réduction des impôts sur les entreprises et une amélioration générale du climat des affaires.

Une question européenne

Cette question concerne aussi l’Europe, qui, pour lutter contre ce phénomène, a adopté en 2023 le European Chips Act, un plan ambitieux doté d'un budget de 43 milliards d'euros. Ce plan vise à renforcer la compétitivité et la résilience de l'industrie des semi-conducteurs en Europe, en se concentrant sur trois piliers clés : le développement de capacités technologiques et d'innovation à grande échelle, la sécurisation de l'approvisionnement et de la résilience de l'industrie des semi-conducteurs en Europe, et la mise en place d'un mécanisme de coordination entre la Commission européenne, les États membres et les autres parties prenantes. Le Chips Joint Undertaking (Chips JU) et le Chips Fund sont deux des initiatives clés du plan, qui visent à promouvoir l'investissement dans la recherche de puces plus petites et plus rapides, ainsi que dans la conception, la fabrication et l'emballage de puces. Cependant, le plan fait face à un déficit de financement de 32 milliards de dollars, qui pourrait être comblé par un soutien en capital-actions par le biais de l'émission d'obligations de l'UE. La mise en place d'un instrument fiscal commun est l'une des tâches en suspens de l'Union européenne. En somme, le European Chips Act est un plan important pour lutter contre la désindustrialisation en Europe, mais il devra faire face à des défis de financement et de coordination pour atteindre ses objectifs ambitieux.

Sans une stratégie globale incluant une production holistique régionale, l'objectif reste timide. L'Europe ne peut atteindre une véritable souveraineté dans la production de semi-conducteurs qu'à travers une chaîne de valeur entièrement européanisée - de la production initiale à la production finale. A ce titre, il est nécessaire d’avoir un plus grand nombre d'usines de fabrication, mais aussi une régionalisation des industries de transformation. Dans le cas contraire, l’Europe restera vulnérable aux perturbations de la chaîne d'approvisionnement mondiale et sa dépendance à l'égard de l'Asie persistera. Un marché européen des semi-conducteurs ne peut être véritablement indépendant que si toutes les étapes de la production sont autarciques.

C’est dans ce contexte que se pose donc la stratégie de la réindustrialisation française qui en plus de resserrer le maillage entrepreneurial touche à des sujets d’avenir à l’instar du positionnement sur les semi-conducteurs. Cette stratégie française s’inscrit dans une logique de concurrence régionale et mondiale. D’autant que pour être un espace attractif, la France doit encourager l’autarcie industrielle européenne et la fixation de technopole.

Si en France, il n’y a pas de pétrole, il y a des idées, et maintenant une grande force de séduction.

Tobiaswolk

Product Manager Active Components & Automation Technology chez reichelt elektronik, le troisième constructeur et distributeur de produits électroniques en Europe.

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