Industrie automobile : l’UE fonce droit dans le mur selon Draghi

C’est une nouvelle claque pour la Commission européenne. L’ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a remis, lundi 9 septembre 2024, un rapport sur la compétitivité économique de l’UE dans lequel il fustige la politique d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Face à la concurrence américaine et chinoise, ainsi qu’à la dépendance des pays européens vis-à-vis de Pékin, Mario Draghi avertit que si l’UE ne révise pas sa stratégie, cette dernière signera la mort de l’industrie automobile européenne.

Axelle Ker
Par Axelle Ker Modifié le 11 septembre 2024 à 14h53
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Industrie automobile : l’UE fonce droit dans le mur selon Draghi - © Economie Matin
16%La production automobile européenne a chuté de 16 % entre 2017 et 2022.

L'UE doit refaire sienne deux mantras : productivité et innovation

Mario Draghi, ex-président de la Banque centrale européenne (BCE) (2011-2019) et ancien président du Conseil des ministres italien (2021-2022), a présenté un rapport de 400 pages à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Tel un professeur d'économie, et en vue de l'interdiction de vente de véhicules thermiques prévue en 2035, celui-ci ne ménage pas sa critique à l'égard la stratégie actuelle de l’Union européenne concernant l’industrie automobile. Mario Draghi n'y va pas par quatre chemins : l'industrie automobile, fleuron du vieux continent, court à sa perte en raison de la menace de la concurrence américaine et chinoise, mais aussi du manque de coordination des politiques entre les 27 pays membre pour l'industrie automobile européenne. Pour l'ancien président de la BCE, il est urgent que la Commission européenne refasse sienne deux mantras : productivité et innovation.

« L'Europe doit impérativement éviter un déclin irréversible de son industrie automobile », avertit Mario Draghi. L'ancien président de la BCE pointe en effet du doigt l’érosion du leadership industriel européen face à la montée en puissance de la Chine sur le segment des voitures électriques notamment. Selon le rapport, la production automobile de l’UE a baissé de 7,45 millions de véhicules en 2017 à 6,26 millions en 2022, ce qui représente une chute de 16 %. « Les équipementiers chinois ont une génération d’avance sur les Européens », souligne Mario Draghi, citant les performances médiocres des véhicules européens, et plus spécifiquement, leurs temps et le manque de bornes de recharge.

L’urgence d’un plan industriel pour l’automobile

Pour Mario Draghi, l’Europe manque cruellement d'une stratégie industrielle unifiée. « Les stratégies industrielles actuelles, comme celles des États-Unis et de la Chine, combinent de multiples politiques : fiscalité, commerce, politique étrangère », explique Mario Draghi. A contrario de ses concurrents, l'UE reste fragmentée, ce qui la rend incapable de réagir efficacement aux enjeux industriels. La concurrence chinoise, soutenue par des subventions étatiques massives, menace directement les 14 millions d'emplois européens, insiste-t-il. Une déclaration qui ne manque pas de faire écho aux sanctions financières prévues par l'Union européenne dès janvier 2025 pour les constructeurs qui ne répondraient pas à ses objectifs de décarbonation.

Mario Draghi souligne également les faiblesses de l’Europe en matière d’innovation. « Nous ne parvenons pas à transformer l’innovation en commercialisation », déplore-t-il, faisant ainsi référence au départ d'un tiers des entreprises de l'UE depuis 2008. Pour remédier à cette situation, Mario Draghi propose un plan d’investissement massif, allant jusqu’à 800 milliards d’euros par an (pour relancer l'ensemble de la compétitivité économique européenne), soit un montant deux fois supérieur au plan Marshall de l'après-Seconde Guerre mondiale, comme le souligne Politico. (Mais où trouver tout cet argent...?)

Une dépendance inquiétante vis-à-vis de la Chine

Mario Draghi met également en garde la Commission européenne contre la dépendance croissante de l’Europe vis-à-vis de la Chine pour les matières premières et les technologies. L'ancien président de la BCE intime à l'exécutif européen de ne pas adopter des mesures protectionnistestelles que la hausse des taxes douanières sur les véhicules électriques chinois – au risque que celles-ci entraînent des mesures de rétorsion de la part de Pékin, ce qui les rendrait, de facto, totalement contre-productives : « 75 à 90 % de la capacité mondiale de fabrication de puces se trouve en Asie », rappelle-t-il. Et au vu de la situation actuelle de l'industrie automobile européenne, celle-ci est incapable de s'en passer. En ce sens, Mario Draghi souligne l’importance pour le Vieux Continent de faire de la diversification de ses sources d'approvisionnement une priorité afin de garantir non seulement sa compétitivité, mais aussi sa sécurité économique.

Le rapport de Mario Draghi rappelle que la Chine a représenté 14 % des véhicules importés dans l’UE en 2022, devenant le plus grand fournisseur non européen, ce qui en fait – comme tout mondialiste tel qu'Ursula von der Leyen devrait pourtant le savoir – un partenaire clé, et même incontournable, pour l'UE pour sa transition énergétique. En d'autres termes : l'UE doit adopter une approche globale pour définir sa stratégie industrielle, c'est-à-dire sécuriser toutes les étapes qui couvrent la production automobile : matières premières, conception, fabrication, recyclage. Mario Draghi conclut : sans une réaction rapide, l'industrie automobile européenne pourrait être définitivement distancée par ses concurrents internationaux, soit en définitive, disparaître.

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Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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