L’indice MSCI World, souvent perçu comme un pilier de la diversification mondiale, n’est peut-être pas aussi équilibré que certains investisseurs le pensent. Malgré son envergure, il est fortement concentré, ses 10 principales positions représentant une part significative de sa valeur. Cette surexposition aux actions américaines de grande capitalisation rend les investisseurs vulnérables. De plus, l’indice n’inclut pas les marchés émergents, privant ainsi les portefeuilles d’une source potentielle de diversification et de rendement.
L’indice MSCI World : une illusion de diversification ? Des investisseurs surexposés et absents des marchés émergents

Certes, la sous-performance des indices élargis des marchés émergents a entamé l’intérêt des investisseurs, et nombre d’entre eux y restent sous-investis. Toutefois, les taux de croissance et la performance boursière récente de certains marchés émergents suggèrent un fort potentiel à long terme. Une approche granulaire est essentielle pour gérer efficacement les risques, car chaque région présente des profils de risque et de rendement distincts.
Par le passé, l’allocation aux marchés émergents dépendait largement des flux de capitaux vers la Chine. Mais avec les effets de la crise du Covid, la fragmentation géopolitique, le resserrement réglementaire sur les entreprises technologiques et les défis liés à l’immobilier en Chine, de nombreux investisseurs – en particulier aux États-Unis – ont revu leur exposition chinoise. Les Européens, plus pragmatiques, ont également réduit leur allocation, bien que dans une moindre mesure.
Les sorties de capitaux des actions chinoises ont été partiellement compensées par l’Inde et quelques autres pays, mais pas totalement. Fin 2020, par exemple, la Chine pesait près de 5 % dans l’indice MSCI ACWI, contre 1,2 % pour l’Inde. À la fin de l'année dernière, la part de la Chine était tombée à 2,5 %, tandis que celle de l’Inde grimpait à 1,9 %. Cette progression s’explique aussi par la solide performance du marché indien, soutenue par des réformes structurelles du gouvernement et une montée en puissance de l’Inde sur la scène mondiale, tant sur le plan politique qu’économique.
Les indices MSCI World et MSCI All Country World (ACWI) sont devenus de plus en plus concentrés, ce qui compromet leur diversification. Bien que le MSCI World contienne environ 1 400 actions, son nombre effectif (c’est-à-dire le nombre d’actions contribuant réellement à la diversification) n’est plus que d’environ 100, contre 400 en 2015. De plus, les 10 premières valeurs représentent entre 20 % et 22 % de l’indice. Cette forte concentration signifie que la performance de l’indice dépend essentiellement d’un petit nombre de valeurs de grande capitalisation, principalement aux États-Unis.
Pour remédier à cela, une approche plus diversifiée est nécessaire, intégrant à la fois des marchés développés et émergents, et pouvant être mise en œuvre efficacement via des ETF à faible coût.
Depuis peu, nous constatons un regain d'intérêt des investisseurs pour la Chine. De larges plans de relance ciblés au second semestre 2024 ont renforcé la confiance des investisseurs, et le lancement de DeepSeek a positionné la Chine dans la course mondiale à l’intelligence artificielle. Les investisseurs ont donc maintenu leur exposition stratégique aux actions des marchés émergents, mais au sein de cet espace, des changements significatifs sont intervenus ces dernières années. Les investisseurs sont de plus en plus conscients que ces marchés requièrent une approche différenciée, de sorte que le thème de la « désagrégation » - qui consiste à examiner les pays individuellement plutôt que les marchés émergents dans leur ensemble - est devenu beaucoup plus important, tout comme les stratégies hors Chine, par exemple sous la forme d'ETF. Ces stratégies ne reflètent pas nécessairement une vision négative de la Chine, mais plutôt la prise de conscience que la Chine est une économie suffisamment importante pour justifier une allocation distincte. Cela peut également aider les investisseurs à mieux gérer les spécificités du pays.
Opportunités au sein d’un univers émergent diversifié
D'un point de vue stratégique, nous restons convaincus que l’Inde présente un intérêt. Les marchés ont récemment connu une correction, entraînant une baisse significative des valorisations. Celles-ci se situent désormais à des niveaux proches ou inférieurs aux moyennes historiques. Son dynamisme démographique, ses réformes gouvernementales et son innovation technologique sont des atouts rares.
Parmi les secteurs privilégiés, la consommation et la finance se démarquent. Le secteur financier, en particulier, est essentiel pour soutenir la croissance rapide du pays et devrait en tirer profit. Toutefois, le marché indien de l’investissement reste relativement restreint. Sur les milliers d’entreprises cotées, seules quelques centaines sont réellement pertinentes. Les investisseurs doivent donc éviter une approche trop restrictive afin de préserver une diversification et de couvrir réellement tous les aspects des nombreuses opportunités du marché.
La Chine quant à elle, présente des valorisations attractives. Néanmoins, les investisseurs doivent être en mesure de supporter la volatilité. Les mesures de relance du gouvernement sont encourageantes, mais doivent être suivies de près pour s’assurer que l’économie reste une priorité politique. Le marché attend encore plus de soutien, notamment face aux turbulences du secteur immobilier et aux tensions géopolitiques avec l’Occident. De même, les opportunités technologiques sont considérables, mais ce secteur présente aussi des risques uniques en raison de sa sensibilité aux questions de sécurité nationale et aux sanctions américaines. Là encore, une approche diversifiée permet aux investisseurs de capter un éventuel redressement économique sans s’exposer excessivement à un secteur en particulier.
Enfin, Taïwan et la Corée du Sud sont également des marchés porteurs, mais pour des raisons distinctes.
- Taïwan est déjà l'un des principaux bénéficiaires des progrès de l'IA. TSMC est actuellement l'une des seules entreprises capables de produire des puces intégrant l'IA, qui sont commandées par les principaux fabricants américains de semi-conducteurs tels que Nvidia. Nous nous attendons à ce que cette tendance continue à stimuler les marchés à l'échelle mondiale et à ce que Taïwan en profite.
- La Corée du Sud, en revanche, a perdu du terrain dans ce domaine et a enregistré des résultats décevants. Nous voyons cependant un potentiel de rebond, si elle parvient à rattraper son retard technologique ou si son marché de l'électronique grand public se redresse.
Étant donné que Taïwan et la Corée occupent tous deux des éléments clés de la chaîne d'approvisionnement technologique mondiale, nous pensons également qu'ils pourraient être relativement moins affectés par la politique commerciale des États-Unis, malgré leur forte dépendance à l'égard des exportations.
L'impact d'éventuels droits de douane
Toutes les économies peuvent être affectées dans une certaine mesure par d’éventuelles nouvelles barrières tarifaires. Mais les paramètres à prendre en compte sont l'importance de l'excédent commercial avec les États-Unis, la part des exportations dans le PIB et le positionnement sectoriel du pays. Le Mexique est particulièrement vulnérable. Environ 40 % de son PIB repose sur les exportations, majoritairement des matières premières et des composants d’assemblages. Ces produits revêtent une importance stratégique moindre pour les États-Unis. Le Canada est également très exposé, mais moins que le Mexique. Ses vastes réserves de pétrole lui confèrent un levier de négociation important. Quant à l’Union européenne, et en particulier l’Allemagne, son excédent commercial est conséquent, mais la taille et la richesse de son marché intérieur lui permettent de résister. La Chine sera également touchée, non seulement parce qu'elle a un important excédent commercial avec les États-Unis, mais aussi parce qu'elle est considérée comme un concurrent stratégique. Mais nous avons vu pendant la première présidence de Trump que les deux pays avaient su bâtir une relation de travail avant que le Covid ne rompe complètement les liens. Enfin, nous pensons que l'Inde est mieux positionnée. Il existe une relation personnelle entre Modi et Trump, l'Inde a déjà réduit ses droits de douane pour garder une longueur d'avance, et une grande partie de la croissance de l'Inde est tirée par le marché intérieur - plus de 60 % de son PIB provient de la consommation intérieure. Les exportations augmentent et sont importantes, mais ne constitue pas le facteur décisif pour l'économie.
Conclusion
La rotation régionale sera un facteur clé en 2025. Certains marchés européens et asiatiques montrent déjà des signes de reprise, tandis que le marché américain s’essouffle. Cela souligne la nécessité pour les investisseurs de rester flexibles et d'équilibrer leurs investissements entre les différentes régions. La diversification a rarement été aussi cruciale.
Comme la plupart des investisseurs sont sous-exposés aux marchés émergents, ils risquent de passer à côté d’opportunités majeures. Ajouter des marchés émergents, voire des ETF ciblant des pays spécifiques, peut aider à capturer toute l’étendue du marché, à ajuster les portefeuilles aux profils de risque et de rendement souhaités, tout en améliorant la performance à long terme.