Impôt : Si même ce pays se met à taxer les multinationales…

Alors qu’en France la question des impôts est toujours au centre de débats houleux, un pays plutôt favorable à une fiscalité des entreprises très avantageuses semble changer de braquet. De quoi, peut-être, lancer un mouvement plus ample alors que les caisses publiques sont vides dans de nombreux pays du monde.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 10 décembre 2024 à 7h00
Impôt : Si même ce pays se met à taxer les multinationales...
Impôt : Si même ce pays se met à taxer les multinationales... - © Economie Matin
504,2 MILLIARDS $Le PIB des Emirats Arabes Unis a atteint 504,2 milliards de dollars en 2023.

Les Émirats arabes unis, souvent perçus comme un refuge pour les multinationales en quête d'avantages fiscaux, amorcent un virage spectaculaire. À compter de janvier 2025, un impôt de 15 % sur les bénéfices des entreprises multinationales sera introduit, marquant un tournant pour ce pays du Golfe. Longtemps étiqueté comme paradis fiscal, le pays adopte désormais une fiscalité alignée sur les standards internationaux, dans le cadre des recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Les multinationales taxées aux Émirats Arabes Unis

Cette réforme, annoncée le 9 décembre 2024, concerne les multinationales dont le chiffre d'affaires consolidé dépasse 750 millions d'euros. Elle fait écho à la stratégie des "deux piliers" promue par l'OCDE, visant à redistribuer équitablement les recettes fiscales générées par les géants mondiaux. Les Émirats arabes unis rejoignent ainsi un mouvement global en faveur d’une fiscalité plus équitable et transparente, même si cette décision soulève de nombreuses interrogations quant à son impact sur leur attractivité économique.

Ce changement de cap s’inscrit dans une démarche plus large de diversification économique, portée par le gouvernement émirati. Conscients de leur dépendance aux revenus pétroliers, les autorités cherchent à transformer le pays en un hub économique global, compétitif et durable. L’instauration de cet impôt s’ajoute à une taxation de 9 % sur les bénéfices des entreprises, introduite en 2023, mais cible spécifiquement les grands groupes internationaux opérant dans le pays. Pour Abu Dhabi, il s’agit d’un signal fort destiné à convaincre la communauté internationale de son engagement en faveur de la transparence fiscale.

Les Emirats Arabes Unis : ancien paradis fiscal qui change de ton

Cette réforme intervient alors que les Émirats arabes unis s’efforcent de se distancer de leur réputation passée. En février 2024, le pays est sorti de la liste grise de l’OCDE grâce à des efforts accrus en matière de coopération fiscale. Cependant, la mise en œuvre de cette nouvelle taxe risque de bouleverser les équilibres. Les multinationales, jusqu’alors attirées par les conditions avantageuses offertes par les Émirats, pourraient reconsidérer leur implantation. Le gouvernement s’efforce de répondre à ces préoccupations en promettant des mesures incitatives visant à maintenir l’attractivité du pays, notamment dans les secteurs de l’innovation et des nouvelles technologies.

Sur le plan international, cette décision reflète également la volonté des Émirats de s’aligner sur les grandes puissances économiques. En instaurant un impôt minimum, le pays se conforme à une norme qui gagne du terrain dans le monde entier. Toutefois, cette réforme pourrait intensifier la concurrence avec d’autres hubs régionaux, notamment l’Arabie saoudite, qui multiplie les initiatives pour attirer les investissements étrangers. Riyad, avec son projet Vision 2030, se positionne également comme un acteur incontournable de la région, rendant la compétition pour les capitaux encore plus féroce.

Vers un exode des entreprises à cause de l’impôt ?

Malgré les ambitions affichées, cette mesure suscite des interrogations. Comment les multinationales réagiront-elles à ce nouveau cadre fiscal ? Les promesses de mesures incitatives seront-elles suffisantes pour compenser cette augmentation des coûts ? Plus largement, l’introduction de cet impôt soulève la question de l’avenir économique des Émirats dans un contexte où la transparence fiscale devient un impératif mondial.

Pour les entreprises concernées, l’enjeu est considérable. Ce nouveau régime fiscal les oblige à repenser leurs stratégies. Les géants du numérique, particulièrement visés par les recommandations de l’OCDE, devront désormais intégrer cette contrainte dans leurs calculs. Si certains pourraient envisager de quitter le pays, d’autres pourraient profiter de la diversification économique émiratie pour élargir leurs activités dans des secteurs stratégiques tels que la finance, le tourisme ou les énergies renouvelables.

Enfin, cette réforme s'inscrit dans une redéfinition plus vaste du rôle des Émirats sur la scène internationale. En embrassant les normes de l’OCDE, le pays se donne les moyens de renforcer sa légitimité et son attractivité. Cependant, il devra préserver l’équilibre entre ses ambitions globales et les réalités locales.

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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