Immobilier : des milliers d’ascenseurs en panne dès 2025 ?

Avec la fin imminente des réseaux télécoms 2G et 3G, la sécurité des utilisateurs d’ascenseurs pourrait être compromise : le système d’alerte ne fonctionnerait pas. Or, c’est un problème. En France, près de 50% des ascenseurs, soit environ 315 000 appareils, reposent encore sur ces réseaux vieillissants pour leur système de téléalarme. Alors que les échéances approchent, copropriétés, syndics, et professionnels du secteur tirent la sonnette d’alarme.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 10 octobre 2024 à 9h52
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2500 EUROSL'entretien d'un ascenseur coûte à la copropriété environ 2500 euros par an en moyenne.

La 2G et la 3G, des réseaux essentiels pour les téléalarmes d’ascenseurs

Depuis les années 90, les réseaux 2G et 3G ont permis la révolution des communications mobiles, offrant des services de voix et de données sur tout le territoire. Ces réseaux sont encore indispensables pour le bon fonctionnement de nombreux dispositifs de sécurité, dont les systèmes de téléalarme des ascenseurs. Obligatoires, ils permettent à une personne bloquée de contacter un service de dépannage 24 heures sur 24, et jouent donc un rôle crucial dans la sécurité des usagers.

La fin de la 2G est prévue au 31 décembre 2025 pour l’opérateur Orange, suivi par les autres en 2028, tandis que la 3G sera progressivement éteinte entre 2028 et 2029. Cette décision, motivée par la volonté de libérer des fréquences pour les réseaux 4G et 5G, pose un défi majeur aux systèmes existants, qui ne sont pas tous compatibles avec les nouvelles technologies de communication. Les experts estiment que le passage à des systèmes basés sur des réseaux modernes nécessitera des mises à jour coûteuses, voire le remplacement complet des dispositifs de communication.

Ascenseurs : les mettre aux normes coûtera très cher

Le remplacement des systèmes de téléalarme des ascenseurs représente un véritable casse-tête logistique et financier. En France, la Fédération des Ascenseurs (FAS) a évalué qu'il serait nécessaire de moderniser ou de remplacer plus de 290.000 systèmes d'ici 2029, un processus qui pourrait coûter entre 1.500 et 3.000 euros par appareil, en fonction de la configuration et de l’installation.

Pour les syndicats de copropriété, le coût total de cette transition pourrait grimper à plusieurs centaines de milliers d’euros par résidence, surtout pour les bâtiments disposant de plusieurs ascenseurs. En outre, les nouveaux abonnements aux services de télécommunication basés sur les réseaux 4G ou 5G pourraient entraîner une augmentation des charges de copropriété, avec des coûts d'abonnement doublant ou triplant, passant de 400 euros à près de 800 euros par an. Ces dépenses imprévues surviennent alors même que les copropriétés font face à des hausses de charges liées à la flambée des prix de l'énergie, à l’entretien des bâtiments et aux nouvelles réglementations environnementales.

Les ascensoristes demandent deux ans de délai

La Fédération des Ascenseurs appelle à un report des échéances d’au moins deux ans pour permettre aux copropriétés de s'adapter et de planifier les mises à jour nécessaires. Selon elle, les délais annoncés sont trop courts pour permettre aux professionnels de réaliser les interventions indispensables. « Il en va de la sécurité des usagers et du bon fonctionnement des ascenseurs », rappelle un porte-parole de la fédération.

Pourtant, les opérateurs télécoms, représentés par la Fédération Française des Télécoms (FFT), ne l’entendent pas de cette oreille. Selon eux, la fin de la 2G et de la 3G est une étape naturelle dans l’évolution des réseaux, qui permettra de libérer des fréquences et d’améliorer la qualité du service pour les clients des réseaux 4G et 5G. Romain Bonenfant, directeur général de la FFT, précise : « Cela fait 35 ans que la 2G existe. Sa fin n'est pas une surprise. Nous avons communiqué de manière transparente depuis plusieurs années sur cette échéance ».

De son côté, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) estime que la fermeture des anciens réseaux permettrait une meilleure gestion énergétique, les technologies modernes étant plus économes en énergie.

Les risques pour les usagers : des ascenseurs à l'arrêt ?

Le risque principal de cette transition réside dans l’absence de systèmes de téléalarme fonctionnels lors de la fermeture des réseaux 2G et 3G. Selon la réglementation en vigueur en France, un ascenseur dépourvu de système d’alarme en état de marche doit être immédiatement mis hors service. Résultat : des perturbations majeures dans les résidences et les bâtiments concernés, notamment pour les personnes à mobilité réduite

À titre de comparaison, des pays comme les États-Unis et la Suisse ont déjà entamé ce processus de transition, mais ont accordé des délais plus longs à leurs opérateurs et utilisateurs pour l’adaptation des équipements. En France, la Fédération des Ascenseurs appelle à une approche similaire, insistant sur le fait que les copropriétés n’ont pas eu suffisamment de temps pour anticiper les coûts et planifier les travaux. « Il est impératif que nous soyons entendus par les opérateurs et les autorités pour éviter des situations critiques », déclare un représentant de la FAS.

Des enjeux économiques, mais aussi sociaux

Au-delà de la question technique et des coûts, la fin de la 2G et de la 3G soulève aussi des enjeux sociaux. De nombreux résidents, notamment les personnes âgées ou en situation de handicap, risquent de se retrouver dans des situations délicates si les ascenseurs venaient à être arrêtés. La dépendance aux ascenseurs pour les déplacements quotidiens est une réalité pour une grande partie de la population urbaine. En France, plus de 10 % de la population est considérée comme ayant des difficultés de mobilité.

Malgré les demandes de la Fédération des Ascenseurs et les inquiétudes exprimées par de nombreuses copropriétés, les opérateurs télécoms semblent déterminés à maintenir leur calendrier de fermeture des réseaux 2G et 3G. Orange, Bouygues, SFR et Free rappellent que cette décision est aussi une question de compétitivité à l’échelle internationale. « Les fréquences récupérées par l’extinction de la 2G et de la 3G permettent de renforcer notre réseau 5G et de rester compétitifs face à des pays comme les États-Unis ou la Chine », indique un représentant de la FFT.

Les négociations entre la Fédération des Ascenseurs, l’ARCEP, et les opérateurs pourraient donc se poursuivre encore plusieurs mois. D’ici là, les copropriétés devront anticiper et commencer à préparer les travaux nécessaires, tout en espérant une issue favorable à leurs revendications. Sans cela, le spectre de l’arrêt brutal de milliers d’ascenseurs plane sur le pays.

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Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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