Le sujet est glissant, les chiffres sont parlants, et la promesse initiale semble bien loin. Mais que nous révèlent vraiment les courbes de l’IFI sur l’état des patrimoines immobiliers français ? Et surtout… sur ceux qui les détiennent ?
IFI 2024 : 2,2 milliards récoltés, mais 3 milliards d’euros perdus chaque année

Le 15 avril 2025, la Direction générale des finances publiques a publié les résultats de la collecte de l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour l’année 2024. Mis en place en 2018 pour remplacer l’ISF (Impôt de solidarité sur la fortune), ce dispositif reste l’un des plus controversés du paysage fiscal français. En pleine campagne de déclarations, les derniers chiffres alimentent à nouveau le débat sur l’efficacité, la justice et la portée de cette taxe.
Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) : qui le paye ?
Avec 186 000 foyers fiscaux concernés en 2024 – soit 10 000 de plus qu’en 2023 –, l’impôt sur la fortune immobilière reste un impôt de niche, concentré sur une frange réduite de la population. Un tiers de ces contribuables ont plus de 75 ans, la majorité sont rentiers et résident en Île-de-France (près de la moitié), avec une surconcentration à Paris, où 31 % des déclarants sont localisés selon Le Figaro.
La règle d’assujettissement est simple sur le papier : tout contribuable dont le patrimoine immobilier net dépasse 1,3 million d’euros, après abattement de 30 % sur la résidence principale, doit déclarer cet impôt. Mais derrière cette mécanique bien huilée se cache une réalité plus tranchante : les foyers IFI déclarent un revenu moyen de 281 000 euros, là où la moyenne nationale plafonne à 34 000 euros, rappellent Les Echos. L’écart est abyssal. Les contribuables concernés disposent par ailleurs d’un patrimoine net moyen de 2,5 millions d’euros, en légère progression (+2 %) par rapport à 2023.
Combien rapporte l’IFI ? Beaucoup moins que l’ISF
Le chiffre officiel est tombé : 2,2 milliards d’euros ont été collectés par l’État en 2024 au titre de l’IFI, soit une hausse de 11 % par rapport à 2023. Une progression qui n’est pas due à un relèvement des taux – restés inchangés entre 0,50 % et 1,50 % – mais à l’augmentation du nombre de foyers imposables et à la revalorisation des actifs immobiliers.
Cette hausse annuelle, bien que significative, masque une perte colossale : en 2017, l’ISF rapportait encore environ 5 milliards d’euros. Depuis sa suppression en 2018, l'État perd donc chaque année près de 3 milliards d’euros. Le gouvernement, tout en se félicitant de la stabilité du système IFI, se garde bien de commenter ce manque à gagner structurel. Un manque à gagner gigantesque : plus de 10 milliards d’euros.
Pire : cette perte est alimentée par les nombreux dispositifs de réduction. En 2024, près de 200 millions d’euros ont été soustraits à la base d’imposition via des dons et investissements dans des PME, en hausse de 6 %. Une optimisation fiscale pleinement légale, mais qui interroge sur l’efficacité réelle de l’impôt.
Pourquoi la réforme de l’ISF reste une plaie ouverte ?
L’IFI, contrairement à son prédécesseur, exclut totalement les patrimoines financiers de sa base imposable. Actions, obligations, assurance-vie : tout ce qui compose l’essentiel de la richesse mobilière des plus fortunés échappe à l’impôt. Résultat : des centaines de milliers de foyers très riches sont aujourd’hui totalement exonérés, malgré des portefeuilles dépassant allègrement les 5 ou 10 millions d’euros.
Une situation que certains au gouvernement commencent à juger intenable. Dans un entretien accordé au Dauphiné Libéré, Amélie de Montchalin, ministre déléguée aux Comptes publics, n’y va pas par quatre chemins : « Nous travaillons à trouver un mécanisme de lutte contre le contournement et les abus les plus caractérisés, notamment sur les patrimoines, et l’idée d’un taux d’impôt minimum paraît bonne », souligne Sud-Ouest.
De son côté, le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a déclaré dès mars vouloir faire « évoluer la contribution des hauts patrimoines pour lutter contre la suroptimisation fiscale ». Mais entre déclarations d’intention et propositions concrètes, il reste une marge abyssale.
L’IFI : un impôt toujours favorable aux plus riches
Six ans après la suppression de l’ISF, l’impôt sur la fortune immobilière démontre sa résilience budgétaire, mais aussi ses limites structurelles. Tandis que les recettes progressent doucement, les inégalités patrimoniales s’accroissent, et l’idée d’un impôt réellement équitable semble encore à l’état d’ébauche. Les 2,2 milliards d’euros encaissés sont une goutte d’eau comparée aux cinq milliards de l’époque ISF, et les niches fiscales permettent aux plus stratèges de s’alléger substantiellement.