L’IA générative : révolution responsable ou mirage écologique ?

En 2023, l’intelligence artificielle (IA) pesait près de 200 milliards de dollars, avec une croissance estimée à près de 40 % par an d’ici 2030. Parmi ses branches, l’IA générative occupe une place à part, mais semble entrer en collision avec les efforts pour une sobriété numérique. La question est donc posée : peut-on vraiment concilier la révolution de l’intelligence artificielle avec une démarche de numérique responsable dans un monde toujours plus dépendant des technologies ?

Vincent Tellier
Par Vincent Tellier Publié le 15 février 2025 à 10h00
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intelligence artificielle, ia, peur, danger, criminalité, analyse - © Economie Matin
3,2 MILLIARDS €La France compte 590 start-ups sur l'intelligence artificielle en 2022 (contre 502 en 2021), qui ont levé plus de 3,2 milliards d'euros sur l'année 2022

Les impacts de l'IA générative

Pourquoi s’intéresser spécifiquement à l’IA générative plutôt qu’aux autres formes d’IA ? Et bien c’est parce que ces modèles de génération sont plus complexes et demandent plus de calculs que les modèles d’IA plus classiques d’analyse de données ou de reconnaissance. Selon une étude menée par Sasha Luccioni et Yacine Jernite, les calculs des requêtes des IA de génération émettent de 10 à 100 fois plus de CO2 que celles de classification, le pire étant la génération d’image.

Pour imager le potentiel de consommation énergétique, si les moteurs de recherche comme Google venaient à généraliser l’intégration d’IA Générative à leur fonction de recherche, cela pourrait encore accentuer cette augmentation. En effet, à l’heure actuelle toujours selon l’IEA, une recherche Google consomme environ 0,3 Wh d’électricité et une requête de ChatGPT (Version 3) consomme 2,9Wh. Sachant qu’il y a environ 9 milliards de recherches Google chaque année, cela donnerait une augmentation de la consommation de 10 TWh seulement à cause d’une évolution de la firme américaine. Ce chiffre pourrait même être 2 à 3 fois supérieurs selon d’autres calculs !

L’IA, bien que représentant environ 5 % des impacts des centres informatiques, n’est pas à négliger. Qui plus est, la demande autour de l’IA ne cesse d’augmenter. En 2022 selon l’International Energy Agency (IEA) dans son rapport 2024, les data centers consommaient environ 460 TWh d’électricité par an en 2022 et les prévisions estiment une augmentation de cette consommation à environ 800 TWh en 2026 dans le scénario moyen d’augmentation.

Même si la consommation des data centers n’est pas dédiée à l'IA ni à l’IA Gen, l'augmentation de ses usages en est en majeure partie la cause.

Les principes de l'IA responsable

Ce qui peut poser problème c’est la manière dont on se sert de l’IA générative.

La demande ne cesse d’augmenter dans les milieux professionnels et personnels mais les utilisations des services d’IA générative sont-elles toujours justifiées ?

Comme pour tout service numérique, le principe de sobriété doit être appliqué en premier. Une IA gen responsable est d’abord une IA éco-conçue. Il existe des outils qui permettent d’aider les équipes de développement à mesurer et réduire l’impact environnemental de leur service utilisant de l’intelligence artificielle. Une IA responsable est un aussi un service qui doit rester accessible au plus grand nombre. Il ne doit pas échapper aux règles du Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA) et des autres référentiels d’accessibilité.

Cette IA générative doit aussi respecter la transparence, la protection des données et une responsabilité éthique et sociale. Il existe le référentiel RIA31 créé par l’INR qui regroupe les bonnes pratiques pour créer un IA éthique et responsable.

Que valent vraiment les solutions Green IA ?

Il existe aussi des manières de concevoir des IA plus éco-conçues et qui permettent de limiter leur impact sur l'environnement.

L’amélioration de l’efficacité des algorithmes et l’utilisation d’infrastructures énergétiquement efficaces (l'optimisation des centres de données et le recours à des énergies renouvelables pour alimenter les serveurs) permettent de réduire considérablement l'empreinte carbone. Par exemple, les travaux de Google et l’Université de Californie ont montré qu'avec des algorithmes appropriés et un matériel éco-responsable, la consommation d’énergie des grands modèles peut être réduite jusqu'à 1000 fois​.

Plutôt que de développer de nouveaux modèles, les entreprises peuvent adapter des modèles existants, limitant ainsi l'énergie nécessaire. Des projets comme Stability AI encouragent la réutilisation et l’adaptation de modèles en open-source, économisant des ressources sans compromettre la précision des résultats.

L’IA Générative fait partie des outils de l’IT for Green, son utilisation peut servir à optimiser des processus ou des activités. Et il peut être un vrai acteur de la transition énergétique s’il est utilisé raisonnablement et ne pas devenir un poids lui-même à cette transition. D’après Numeum dans son rapport AI for Green & Green AI, l’AI for Green peut être un vrai catalyseur pour les sujets de réductions d’impacts environnementaux comme par exemple pour l’optimisation logistique et la maintenance prédictive mais l’approche du sujet n’est pas encore parfaite.

Concilier innovation et responsabilité pour un avenir durable

L’IA générative, avec son potentiel révolutionnaire, soulève des défis majeurs en matière de responsabilité. Si elle peut contribuer à des avancées significatives dans des domaines comme l’éducation ou la santé, son empreinte énergétique et son utilisation parfois non éthique posent question. Pour qu’elle s’inscrive dans une démarche responsable, il est impératif de repenser son développement autour de principes de durabilité, de transparence et de sobriété numérique. Les acteurs du secteur doivent également promouvoir une régulation adaptée et une innovation éthique. En fin de compte, l’avenir de l’IA générative dépendra de notre capacité collective à allier progrès technologique et respect des limites de notre planète.

Vincent Tellier

Après l’obtention d’un diplôme d'ingénieur délivré par l’ISEP (Ecole d’ingénieurs du numérique) en 2021, Vincent Tellier intègre le cabinet mc2i en février 2021 en tant que Consultant. Il occupe aujourd’hui le poste d’Offer Manager Numérique Responsable depuis Janvier 2024.

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