Hygiène : près d’un Français sur 10 ne peut pas se permettre du papier toilette

Une nouvelle enquête révèle une évolution inquiétante des comportements de consommation en matière de produits d’hygiène. Les arbitrages budgétaires touchent désormais des postes de dépense pourtant essentiels.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 7 avril 2025 à 14h20
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Woman looks shocked at a paper check in a grocery supermarket price increase and inflation. Upset woman in a supermarket viewing receipts looking at her shopping receipt and shocked about the price - © Economie Matin
9 %9 % des Français se brossent désormais les dents sans dentifrice.

Le 7 avril 2025, l’Ifop a rendu publique une étude réalisée pour le compte de l’association Dons Solidaires, selon laquelle 47 % des Français déclarent restreindre leurs achats de produits d’hygiène en raison de difficultés financières. Ce chiffre, en nette progression par rapport aux années précédentes, révèle un malaise social profond et durable. Les produits autrefois considérés comme des biens de première nécessité deviennent, pour de nombreux ménages, des variables d’ajustement.

L’hygiène reléguée au second plan dans le budget des ménages

Le baromètre « Hygiène et précarité » dévoilé par Le Parisien le 7 avril montre une progression fulgurante des renoncements en matière de soins corporels. En 2023, 34 % des sondés disaient restreindre leurs achats d’hygiène. Ils sont désormais 47 %, selon l’enquête Ifop pour Dons Solidaires, soit près d’un Français sur deux. Ce phénomène ne se limite pas aux produits cosmétiques. Il touche également des articles aussi élémentaires que le savon, le shampoing, le dentifrice, la lessive ou encore les protections menstruelles.

Le maquillage, les soins hydratants et les colorations capillaires figurent parmi les premiers produits écartés. Mais ce sont aussi les serviettes hygiéniques, le papier toilette ou les couches pour bébé qui deviennent rares dans les foyers les plus en difficulté. Certains parents admettent espacer les changes de leur nourrisson, tandis que d’autres remplacent les protections périodiques par des mouchoirs ou des chaussettes. Ces alternatives improvisées exposent les utilisateurs à des risques sanitaires, allant des irritations aux infections urinaires.

Des chiffres alarmants, des populations vulnérables en souffrance

9 % des Français se brossent désormais les dents sans dentifrice et que 15 % nettoient leur domicile sans produit d’entretien. Pire encore, 17 % déclarent avoir dû choisir entre produits d’hygiène et nourriture, un chiffre qui grimpe à 35 % dans les familles monoparentales. Les douches sont espacées, le papier toilette rationné, et les conséquences sur l’estime de soi sont lourdes, tout autant que sur la santé publique.

Dominique Besançon, présidente de Dons Solidaires, déclare : « La précarité hygiénique est devenue critique ». Elle ajoute : « Des actifs ayant un emploi fixe, des mamans solos, de jeunes parents ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Ne pas pouvoir prendre soin de soi est vécu comme un véritable déclassement, et peut se solder par un isolement social. »

Sarah, auxiliaire de vie gagnant 1 250 euros nets, témoigne dans Le Parisien : « Je dilue le shampoing dans de l’eau. Cela m’a changé la vie de recevoir des produits via l’association AGS. »

Politiques publiques et inflation : les facteurs aggravants

Depuis deux ans, le prix des produits d’hygiène a bondi de 16 %, selon l’association UFC-Que Choisir. Cette hausse est partiellement due à la réduction des promotions en grande surface. La loi Descrozaille, votée en mars 2024, a limité les remises à -34 % sur les produits d’hygiène. Une mesure qui devait encadrer les promotions jugées excessives, mais qui s’est révélée, pour certains, contre-productive. Le 8 avril 2025, les parlementaires doivent décider de la prolongation ou non de ce dispositif.

Dans TF1 Info, Pascal Perri, éditorialiste économique à LCI, explique : « Les produits d’hygiène représentent une part significative de la consommation des ménages en France. Comme ils baissent moins que par le passé aujourd'hui, puisqu’il y a une limitation des promotions, les Français préfèrent consacrer leurs moyens à d’autres secteurs de consommation. »

Face à cette situation, aucune réponse coordonnée des pouvoirs publics ne semble émerger à ce jour. Les aides ponctuelles, les collectes associatives ou les solutions locales peinent à compenser un déficit structurel. Dans les débats, certaines voix réclament l’instauration de « chèques hygiène » ou une baisse de la TVA sur ces produits. Mais pour l’heure, ces propositions restent à l’état de projet.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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