Hanouna-Boyard un combat de poids lourds médiatiques ?

On est bien loin des tome 1 et 2 « L’Etat spectacle »de Roger-Gérard Schwartenberg qui présentait voilà déjà plus de 45 ans pour l’un et 13 ans pour l’autre, en résumé : « La politique devient un spectacle. Et souvent un one-man show. Avec la personnalisation du pouvoir, le monde de la politique repose, comme le monde du spectacle, sur le star system. Tout s’efface – partis, programmes – derrière des super vedettes, qui se distribuent les grands rôles…»

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Par Philippe Bapt Publié le 17 novembre 2022 à 5h39
Hanouna Boyard Altercation Television Critique
Hanouna-Boyard un combat de poids lourds médiatiques ? - © Economie Matin
1616 fois l’accusation contre Vincent Bollroré face à 10 insultes… qui sera vainqueur sur tapis vert ?

Les frontières économiques de la politique réalité

La place de l’infotainment (information- divertissement) sur les chaînes n’a jamais été aussi grande. Débuté avec Thierry Ardisson dans les années 80, ce penchant des programmes n’a cessé de se développer avec différentes déclinaisons, qu’il s’agisse de Quotidien de Yann Barthès ou TPMP de Cyril Hanouna.

Cette guerre d’« access prime time » est ni plus ni moins qu’une guerre économique. C'est durant cette plage horaire que les chaînes gagnent le plus en matière de revenus publicitaires. Les chaînes de télévision diffusent alors leurs émissions à fortes audiences.

En 2020, selon Les Échos, le programme présenté par Yann Barthès coûtait environ 140.000 euros à produire, pour une recette de 275.000 euros par émission, d'après les estimations de Philippe Nouchi, expert chez Publicis Media. Pour TPMP, le coût de production était estimé à 80.000 euros alors que l'émission de Cyril Hanouna engrangeait 200.000 euros.

Pour que ce système perdure, il revient à ces programmes de continuer dans leur filon respectif. Celui de TPMP étant le talk-show avec chroniqueurs ; une bande mais qui évolue. Avec le besoin de coller à l’attente du public pour générer de plus grandes recettes publicitaires.

Certains estiment quÉric Zemmour, pas encore déclaré candidat, ayant occupé 44,7 % du temps d'antenne politique de l'émission (Etude de Claire Sécail, chercheuse au CNRS), aurait été favorisé. Ce n’est pas sans rappeler le buzz des « Guignols de l’info » qui en 2015 avaient été accusés de rendre Jacques Chirac si sympathique qu’il en aurait été élu.

Un plateau ou un ring de boxe verbal ?

C’est dans ce cadre-là que l’altercation rude entre Cyril Hanouna, animateur et créateur de TPMP, et Louis Boyard, jeune député, a donné à voir à des millions de citoyens français une tranche de vie audiovisuelle hallucinante.

Loin de moi l’envie de décrypter pour la xième fois cet échange tendu, complètement « dispute de comptoir » entre un animateur aguerri qui s’est fait prendre à revers par un jeune venu faire le buzz sur le dos du principal actionnaire de la chaîne C8, Vincent Bolloré, et ce jeune, véritable « starlette » des débats depuis quelques années, élu récemment et dont le but est de faire feu de tout bois pour exister.

Ce nouveau type d’élus de la République : d’Aymeric Caron à Raquel Garrido jusqu’au jeune Louis Boyard ne comprennent pas tous combien ils sont utilisés pour leur excellent rapport qualité/prix : Bon client/ coût.

Pas plus tard que lundi 14 novembre 2022, Cyril Hanouna révélait combien le jeune député avait reçu de la chaîne : moins de 6500 euros pour une quinzaine-vingtaine de passages.

La télé réalité telle que nous l’avons connue depuis l’an 2000, et l’arrivée de Loft Story, accouche désormais de « stars » préfabriquées, dont le seul don pour l’un est d’avoir été chroniqueur-dézingueur chez Ruquier, comme son aîné Eric Zemmour qui porte désormais un pan de l’extrême droite à lui seul, pour l’autre, l’avocate Raquel Garrido, plus connue pour sa gouaille sur le plateau que ses talents oratoires dans les prétoires. Enfin, celui par qui arrive la nouvelle séquence médiatico-politique est le même qui s’est fait connaître pour avoir avoué avoir clairement dealé de la drogue… Celui-là même qui ne trouvait rien à redire quand son cachet émanait de la chaîne détenue par celui qu’il pourfend, 16 fois le nom de Vincent Bolloré a été prononcé durant ces 10 minutes catastrophiques !

Le triptyque « Lécher-Lyncher-Lâcher » va donc encore une fois fonctionner. Mais envers qui ?

Les plaintes sont portées des deux côtés. Entre l’animateur remettant à sa place le jeune homme à qui il a conféré un statut national par ces passages réguliers au sein de son émission, et le jeune homme qui se retranchait à volonté derrière son statut de député lorsqu’il ne maîtrisait plus l’échange.

Les cris d’orfraie poussés par ses collègues LFI permettent de pouvoir créer un écran de fumée face au retour annoncé du baffeur Adrien Quatennens sur les bancs de l’Assemblée Nationale.

Qui va passer à la trappe ? Il y a fort à parier que l’ARCOM et la Justice vont étudier les dépôts de plainte et que C8 en la personne de Cyril Hanouna va payer une forte amende : qu’elle soit pécuniaire ou de tout autre ordre. En revanche, ce jeune élu qui croit avoir une mission autre que celle de s’occuper déjà de sa propre circonscription risque bien de connaître les affres d’un Icare. Il s’est brûlé les ailes à penser dénoncer un système qui l’a nourri et élevé médiatiquement.

Il en sera donc de Louis Boyard, comme des premières stars de la téléréalité : il sera bientôt remisé dans le placard des souvenirs. Car la force de l’infotainement est de pouvoir phagocyter et créer à la demande de nouvelles « stars ».

On ne déboulonne pas un poids lourd du PAF comme l’est Cyril Hanouna, juste avec ces invectives.

Le système d’infotainment en place ne saura mettre trop de temps à sortir un nouveau jeune emblématique qui supplantera le jeune Louis Boyard surtout en termes de « loyauté ».

Peut-être un futur député ? Qui sait, mais à quel prix ?

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Philippe BAPT est un communicant. Diplômé de Novancia Business School en management marketing digital et événementiel, il exerce sa passion comme chargé de communication et consultant chargé de projets. Sa seconde passion la « chose publique » l’amène très tôt dans le champ associatif : social, culturel et sportif. Puis il sera élu local d’une commune de la première couronne de la ville rose de 2008 à 2014. Président de club de rugby, puis d’un groupement d’employeurs et administrateur d’un théâtre-centre culturel, ces différents postes lui confèrent  une expertise dans ces domaines. Retiré du strict jeu politique, il n’en demeure pas moins attentif à l’évolution de l’actualité et devient éditorialiste dans divers médias locaux et régionaux, dès la rentrée 2014. Ses sujets de prédilection : le « jeu » politique, les répercussions économiques et sociales, la recomposition du paysage politique français. 

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