Guerre commerciale : l’UE change les règles pour les voitures électriques chinoises

L’Europe déroule le tapis rouge aux voitures électriques chinoises… mais à ses conditions. Entre négociations diplomatiques, manœuvres industrielles et tensions commerciales, les lignes de front ne sont plus celles qu’on croit.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 11 avril 2025 10h04
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145 %En surtaxant les produits chinois jusqu’à 145 %, Donald Trump pousse la Chine à réorienter ses exportations vers l’Europe.

Le 10 avril 2025, l’Union européenne a surpris en annonçant un tournant stratégique dans sa politique commerciale : elle envisage de remplacer les droits de douane sur les voitures électriques chinoises par un système de prix minimums à l’exportation. Cette nouvelle mesure, en cours de discussion avec Pékin, redéfinit la confrontation économique entre deux continents et s'inscrit dans un climat de guerre commerciale déclenché par les États-Unis.

Une voiture électrique sous condition : la contre-attaque tarifaire européenne

Depuis octobre 2024, les voitures électriques chinoises sont soumises à des droits de douane atteignant jusqu’à 45,3 %, à la suite d’une enquête européenne sur les subventions gouvernementales chinoises faussant la concurrence. La Chine, en retour, a contre-attaqué en surtaxant le cognac français, ciblant des entreprises comme Hennessy, Rémy Cointreau et Pernod Ricard.

Mais Bruxelles semble vouloir quitter cette spirale de représailles. À la place des taxes, l’UE veut instaurer un prix plancher pour les véhicules électriques chinois. L’objectif : maintenir un certain équilibre du marché sans recourir à l’arsenal douanier. Une manœuvre diplomatique osée, qui a déjà trouvé écho du côté chinois. La Chine a accepté d’entrer en négociation officielle, une information confirmée par la Commission européenne.

Voiture électrique : un marché européen au bord de l’implosion

La menace ne vient plus seulement de Pékin, mais aussi de Washington. En surtaxant les produits chinois jusqu’à 145 %, Donald Trump pousse la Chine à réorienter ses exportations vers l’Europe, créant une pression insoutenable sur les marchés européens. L’économiste Mary-Françoise Renard souligne ce risque dans TF1 Info : « L’enjeu, c’est précisément d’éviter un déferlement des voitures électriques chinoises ou d’équipements électroniques ».

L’Europe tente donc d’imposer des garde-fous. En plus des prix planchers, la stratégie inclut des conditions de production locale. Pékin serait incité à investir dans des usines européennes avec, en contrepartie, des transferts de technologies. Une stratégie qui rappelle les vieux mécanismes d’intégration verticale, loin des idéaux de libre marché.

Guerre commerciale : quand la voiture devient une arme diplomatique

L’idée de tarifs minimums n’émerge pas dans un vide. Elle s’inscrit dans un bras de fer mondial : celui qui oppose les États-Unis à la Chine. Et l’Europe est prise entre deux feux. Si l’UE choisit d’éviter l’escalade, elle ne souhaite pas non plus devenir un dépotoir pour les excédents chinois.

Pour Mary-Françoise Renard, l’Union joue une carte prudente mais stratégique : « La politique commerciale de l’Europe relève de l’autorité de la Commission européenne. Et par conséquent, chaque pays ne peut jouer séparément ». Cette unité pourrait devenir l’atout majeur d’une Europe qui refuse de suivre les logiques binaires américaines.

Une décision aux multiples enjeux : entre souveraineté et réalisme industriel

En renonçant aux droits de douane, l’Europe évite l’escalade mais ne renonce pas à se protéger. L’instauration d’un prix plancher représente une alternative technique, mais politiquement sensible. En agissant ainsi, elle veut éviter une guerre commerciale tout en contrôlant la pénétration du marché automobile européen.

Pour les constructeurs européens, cela signifie une absence de baisse immédiate des prix, mais aussi une réduction de l’incertitude sur les règles du jeu. Les industriels chinois, eux, voient dans cette proposition une porte entrouverte vers un marché de 450 millions de consommateurs, à condition de respecter les nouvelles règles.

La voiture électrique n’est plus un simple objet de transition écologique : elle est devenue un instrument de géopolitique économique. L’Europe, en imposant des prix minimums, affirme sa volonté de réguler sans exclure, d’attirer sans subir. Mais cette stratégie de l’équilibriste tiendra-t-elle face aux prochaines vagues tarifaires de Donald Trump ou aux offensives industrielles chinoises ?

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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