Guerre commerciale : Quelles conséquences sur les devises ?

Donald Trump vient de signer deux nouveaux décrets portant les droits de douane sur l’acier et l’aluminium à 25%. Des décrets qui s’ajoutent à une hausse des droits de douane sur les produits chinois, déjà appliquée, et à une série de menaces, notamment envers l’Union Européenne. Quel est le véritable impact d’une telle politique sur l’économie et les devises ?

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Par William Gerlach Publié le 17 février 2025 à 7h10
Economies Emergentes Devises
@shutter - © Economie Matin
1%En zone euro la croissance économique devrait à peine atteindre 1% cette année

Les annonces se succèdent et les gouvernements cherchent leur riposte. Jusqu’où ira la guerre commerciale initiée par Donald Trump ? Pour l’instant, son impact semble limité. Selon nos calculs, 5 % du PIB américain est directement affecté par l’augmentation des droits de douane à l’égard du Mexique, du Canada et de la Chine.

De plus, tous les acteurs autour de la table refusent une escalade des tensions qui pourrait être mortifère. Dans le cas du Mexique et du Canada, l’accord commercial en vigueur sera probablement renégocié. Même chose pour la Chine qui a opté pour une réponse très limitée ce lundi 10 février : l’ouverture d’une enquête contre Google, qui n’opère plus dans le pays depuis 2010 et des mesures de rétorsion excluant le soja, première importation des États-Unis en provenance de Chine. 

Comment expliquer la riposte chinoise très graduée ? La hausse de 10% des taxes douanières décidées par l’administration Trump est en partie contrebalancée par la hausse de 13% du dollar américain face au yuan depuis février 2022. Par ailleurs, la Chine a toujours la possibilité de continuer à exporter aux États-Unis via les pays tiers d’Asie du Sud-Ouest, comme le Vietnam – ce que le pays fait déjà. Si Washington souhaitait vraiment mettre à genou la Chine, il suffirait de cibler massivement le Vietnam.

 Tout cela nous fait dire que la politique tarifaire américaine a surtout pour ambition d’obtenir des concessions économiques et de forcer les entreprises à relocaliser leurs activités sur le territoire américain.

Et l’Europe dans tout cela ?

Officiellement, l’Europe va répliquer à toute hausse des taxes douanières, ce qui pourrait entraîner une spirale inflationniste. En coulisse, la Commission Européenne prépare une liste de marchandises qu’elle est prête à acheter en plus grande quantité pour apaiser l’administration américaine. Les hydrocarbures devraient se trouver en bonne place.

En effet, juste avant de prendre ses fonctions, Donald Trump avait demandé à l’Union Européenne de compenser le déficit américain de 214 milliards de dollars en achetant du pétrole et du gaz. C’est faisable. Mais cela prendra un peu de temps. Il est probable que d’ici 2027, 70% des importations européennes de gaz naturel liquéfié proviennent des États-Unis contre 50% actuellement. C’est un calendrier réaliste, qui est susceptible d’apaiser la Maison Blanche.

Un effet indirect sur les devises

Les tarifs douaniers sont synonymes d’accroissement de la volatilité sur le marché des changes. Certaines devises mineures, qui évoluent dans des marchés moins liquides, peuvent chuter lourdement à l’image du dollar canadien et du peso mexicain.

En réalité, la nouvelle politique tarifaire américaine va entraîner des conséquences indirectes sur les devises à travers la politique monétaire. En raison des risques inflationnistes, la Réserve Fédérale américaine (Fed) a de grandes chances d’être proche de la fin de son cycle de baisse de taux.

Pour la première partie de l’année, nous tablons sur une seule baisse supplémentaire de la Fed, ce qui voudrait dire que le loyer de l’argent pourrait se situer à 4,25% sur la durée. À l’inverse, le reste du monde va poursuivre la baisse des taux, notamment en zone euro où la croissance économique devrait à peine atteindre 1% cette année (contre 2,3% outre-Atlantique). Nous estimons que le taux neutre en zone euro se situe à 1,85% et qu’il pourrait être atteint dès le mois de juin. Un différentiel de rendement de 2,50% pourrait exister entre les deux bords de l’Atlantique. 

Assez logiquement, nous risquons d’assister à une décollecte sur les actifs libellés en euros (actions et obligations) au profit des actifs libellés en dollars qui assurent un rendement beaucoup plus élevé et avec un profil de risque moindre (le dollar joue pleinement son rôle de valeur refuge en période d’administration Trump). D’ici le mois de juin, ces flux de capitaux, qui pourraient être massifs, vont avoir tendance à structurellement soutenir le dollar américain, au détriment de l’euro. Cela signifie qu’un retour vers la parité de l’EUR/USD reste un scénario crédible, voire une chute vers 0,95 d’ici la fin de l’année.

En résumé, la politique tarifaire est plutôt indolore directement pour les devises majeures. En revanche, en raison des différentiels de taux qui en résultent, cela peut exercer une influence énorme sur la direction des principales paires.

Wgerlach

Country Manager France & UK chez iBanFirst

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