Une agitation sourde remonte des quais, une colère qui s’organise en silence, puis s’embrase. À l’approche du pont du 8 mai, un vieux refrain syndical reprend de la voix. Et derrière les slogans, c’est une fracture bien plus profonde qui se dessine.
Grève SNCF : la CGT frappe fort à l’approche du pont du 8 mai
À partir du 5 mai 2025, une grève d’envergure menace le réseau ferroviaire français alors que se profilent des jours de congés. En pleine période de pont, alors que des milliers d’usagers s’apprêtent à prendre le train pour fuir la ville, le bras de fer entre syndicats et direction s’envenime. Pourquoi maintenant ? Et jusqu’où ira cette confrontation qui s’annonce virulente avec l’arrivée de la CGT dans les rangs des manifestants ?
Grève SNCF : la CGT lance une offensive dès le 5 mai 2025
Le mot d’ordre est clair, le ton est donné : « Le dire c’est bien, le faire c’est mieux ». C’est par ces mots que la CGT Cheminots a officialisé, le 11 avril 2025, son appel à la grève reconductible à partir du 5 mai. Elle s’adresse aux ADC (agents de conduite) et aux ASCT (agents du service commercial train, autrement dit les contrôleurs), réunis dans un front commun rarement aussi uni.
Ce mouvement ne surgit pas de nulle part. Il s’inscrit dans une série de tensions latentes, ravivées par une première mobilisation coordonnée le 11 avril dernier. Le calendrier, bien choisi, vient percuter de plein fouet le pont du 8 mai, moment stratégique où le trafic ferroviaire explose traditionnellement.
La CGT assume pleinement cette manœuvre tactique : « Un cap revendicatif doit être franchi collectivement et massivement », clame-t-elle dans son communiqué du 11 avril, disponible sur cheminotcgt.fr. Le message est limpide : cette grève vise à déséquilibrer la communication rassurante de la direction, tout en rappelant la capacité de nuisance stratégique du rail.
Grève : revendications salariales, conditions de travail, fin de carrière… tout y passe
Mais que réclame-t-on au juste dans cette nouvelle salve sociale ? Le cahier des doléances présenté par la CGT est volumineux. À commencer par la prime de traction – élément central de la rémunération des conducteurs – que le syndicat qualifie de « système de calcul injuste, obsolète et à bout de souffle ». Les conducteurs contractuels, souvent moins payés que leurs collègues statutaires pour un même poste, cristallisent ce sentiment d’injustice salariale. Résultat : un terrain miné où la colère se diffuse à grande vitesse.
Les ASCT, de leur côté, dénoncent une prime de travail déconnectée des réalités. Une pétition signée par 4 632 agents appuie la demande de refonte immédiate de cette indemnité. Mais ce n’est pas tout. Les outils Hastus et Score, logiciels de gestion des plannings, sont dans le viseur. Accusés de semer le chaos dans l’organisation du travail, ils seraient responsables de modifications constantes et imprévisibles, rendant la vie des contrôleurs insupportable.
Et la CGT de renchérir, dans une rhétorique sans détour : « Les nombreuses modifications de commande posent à nouveau la question du niveau de l’emploi aux trains pour l’année 2025 ». Autrement dit, derrière la question des plannings, se cache celle des effectifs insuffisants, des fins de carrière étouffées, et d’un épuisement généralisé.
Une grève à haut risque pour les usagers, un enjeu politique pour la CGT
En se positionnant sur le pont du 8 mai, la CGT ne joue pas seulement avec les nerfs de la direction : elle prend aussi comme argument la nécessité du service public pour le quotidien des Français. SUD-Rail avait déjà lancé un préavis pour le 7 mai, suivi d’un collectif de contrôleurs pour les 9, 10 et 11 mai. La CGT ne fait que refermer la tenaille.
Le PDG de SNCF Voyageurs, Christophe Fanichet, tente de rassurer les foules depuis France Inter, en déclarant : « On a fait des avancées très concrètes […] je suis très confiant que les Français voyageront en sérénité dans les prochaines semaines » (France Inter, 13 avril 2025). Un optimisme de façade ? L’histoire a prouvé que les promesses de circulation normale volaient souvent en éclats dès la première rame bloquée.
Et pourtant, il ne s’agit pas d’un simple conflit catégoriel. Le syndicat porte en filigrane une revendication systémique, presque doctrinaire : la création d’un "Nouveau Statut du Travail Cheminot", ou NSTC. Ce projet vise une refonte globale des droits sociaux, des grilles de salaire, de la protection santé, de la retraite, et même des logements cheminots.
Grève SNCF : le pont du 8 mai se transformera-t-il en chaos ?
À une époque où la parole syndicale peine à mobiliser, cette grève orchestrée à l’aube du deuxième pont de mai pourrait bien servir de test grandeur nature. Soit elle enclenche une dynamique sociale forte, soit elle échoue à rassembler au-delà du cercle militant.
Mais une chose est sûre : la CGT Cheminots, première organisation syndicale du groupe SNCF, n’entend pas disparaître dans les sifflements de gare. Elle se bat pour imposer une vision du ferroviaire fondée sur la reconnaissance, la justice salariale, et une résistance acharnée à la flexibilisation à outrance.