Santé : des médicaments gaspillés alors qu’ils sont encore efficaces ?

Le 19 septembre 2024, l’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a frappé fort en dénonçant une mauvaise gestion des médicaments dits « périmés ». Alors que les pénuries de médicaments et les tensions d’approvisionnement sont devenues monnaie courante en France, l’enquête de l’association révèle une absurdité choquante : une grande partie des médicaments, notamment le paracétamol et l’ibuprofène, restent efficaces bien au-delà des dates de péremption indiquées sur les boîtes.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 19 septembre 2024 à 11h00
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3465 EUROSEn 2022, les soins aux Français ont coûté 3465 euros par personne.

Médicaments : pourquoi l’UFC-Que Choisir critique-t-elle ce gaspillage ?

L'élément central de la critique repose sur l’inadéquation entre la réalité de l’efficacité des médicaments et les dates de péremption apposées par les laboratoires pharmaceutiques. Selon les tests effectués, la plupart des boîtes de médicaments testées (paracétamol et ibuprofène) contiennent encore une quantité de substance active largement suffisante pour être considérées comme efficaces, et ce parfois jusqu’à 30 ans après la date indiquée comme « limite d’utilisation ». L’UFC-Que Choisir qualifie cette situation de véritable « gabegie environnementale, économique et sanitaire ».

L'enquête menée par l'association a mis en lumière des résultats inattendus :

Médicament testé Date de péremption affichée Pourcentage de substance active encore présente
Paracétamol A 1992 100 %
Ibuprofène B 2005 92 %
Paracétamol C 2010 96 %
Ibuprofène D 2015 89 %

Médicaments périmés : une efficacité qui persiste

Les résultats de l’enquête révèlent que 80 % des médicaments testés (soit 24 sur 30 boîtes de comprimés, gélules ou sachets de paracétamol et d’ibuprofène) sont encore efficaces après la date de péremption. Cette efficacité est mesurée par la présence de la substance active, qui doit être au minimum à 90 % de sa quantité initiale pour être considérée comme thérapeutiquement valable. Il est surprenant de constater que dans certains cas, comme pour des comprimés de paracétamol censés être périmés depuis 1992, la substance active reste présente à 100 %. Cette persistance soulève la question de la pertinence des dates de péremption fixées par les laboratoires pharmaceutiques.

Ces derniers imposent des durées de vie souvent limitées à trois ans, sans nécessairement réaliser de tests approfondis pour évaluer la véritable durée de conservation des substances actives. L'UFC-Que Choisir se demande si ces pratiques sont réellement guidées par des considérations de santé publique ou si elles ne sont pas plutôt motivées par des critères économiques. En effet, une date de péremption courte favorise la rotation des stocks, et donc des ventes plus fréquentes.

Un gaspillage aux conséquences multiples pour la France et les Français

Le gaspillage des médicaments encore efficaces n’est pas sans impact. Il engendre des conséquences sur trois niveaux : économique, environnemental et sanitaire.

Un trou dans les caisses de l'Assurance maladie

D’un point de vue économique, la destruction prématurée de médicaments encore efficaces impose un renouvellement des stocks plus rapide, ce qui pèse lourdement sur le système de santé. Les hôpitaux, les pharmacies et l'assurance maladie doivent financer le remplacement de ces produits, sans compter les coûts pour les patients en automédication qui doivent régulièrement racheter des médicaments qu’ils pourraient en réalité encore utiliser.

Voici un tableau des coûts estimés liés au gaspillage de médicaments :

Coût pour le système de santé Coût pour les patients (automédication) Coût pour l’environnement (traitement des déchets)
200 millions d'euros par an 50 millions d'euros par an 30 millions d'euros par an

Un gaspillage très mauvais pour la planète

En plus des coûts économiques, le gaspillage des médicaments a des répercussions environnementales considérables. Les médicaments périmés sont souvent jetés, parfois sans être traités correctement. D'après l'enquête menée par UFC-Que Choisir et une étude de l'organisation Cyclamed, 40 % des Français ne rapportent pas systématiquement leurs médicaments périmés ou non utilisés chez leur pharmacien, comme cela devrait être fait. En conséquence, ces médicaments se retrouvent dans les circuits de gestion des déchets, avec des risques de pollution importants.

Année Pourcentage de médicaments jetés dans les déchets ménagers
2020 25 %
2022 40 %

La gestion des médicaments a des conséquences sanitaires

Enfin, sur le plan sanitaire, la destruction prématurée des médicaments efficaces participe à l’aggravation des pénuries. Le cas du paracétamol est particulièrement emblématique. En pleine crise sanitaire, de nombreuses pénuries de médicaments ont été signalées, augmentant les tensions d’approvisionnement et privant les malades d’un accès aisé à ces produits essentiels. Ce phénomène est accentué par la destruction injustifiée de stocks qui auraient pu être utilisés plus longtemps.

Année Nombre de signalements de pénuries de médicaments
2020 1 200
2022 2 400

Des solutions pour limiter le gaspillage de médicaments en France

L'UFC-Que Choisir ne se contente pas de critiquer. L’association propose également des solutions pour éviter ce gaspillage massif. Parmi elles, une rationalisation de la distribution et de la consommation de médicaments est mise en avant. Il s’agit notamment de limiter les prescriptions inutiles et de favoriser la délivrance des médicaments à l’unité, une mesure déjà adoptée dans plusieurs pays, mais encore peu courante en France.

L'association appelle également à une révision des règles fixées par l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Actuellement, la France adopte une norme plus stricte que celle des États-Unis. Alors que la Food and Drug Administration (FDA) américaine considère qu'un médicament est encore efficace s'il contient au moins 90 % de sa substance active, l'ANSM impose un seuil de 95 %. UFC-Que Choisir plaide pour un assouplissement de ce critère, jugé trop restrictif.

Tableau comparatif des critères d'efficacité des médicaments entre la France et les États-Unis :

Critère d’efficacité (substance active) France (ANSM) États-Unis (FDA)
Minimum requis après péremption 95 % 90 %

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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