La FTC accuse les réseaux sociaux de surveillance de masse

Le 19 septembre 2024, la Federal Trade Commission (FTC) des États-Unis a publié un rapport accablant qui remet en cause les pratiques des géants des réseaux sociaux en matière de collecte et d’utilisation des données personnelles. Cette étude dévoile des pratiques qualifiées de « surveillance de masse », orchestrées par des entreprises telles que Meta (Facebook), TikTok, YouTube (Google), Amazon (Twitch) et d’autres.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 20 septembre 2024 à 9h31
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78,22%78.22% de la population française utilise au moins un réseau social.

Les révélations sont particulièrement préoccupantes pour les utilisateurs de ces plateformes, qui semblent n’avoir aucun contrôle sur leurs propres données, lesquelles sont massivement utilisées pour alimenter des systèmes d'intelligence artificielle (IA) et des modèles publicitaires.

Données personnelles : quatre ans d’enquête pour la FTC

L'enquête de la FTC a débuté en 2020, avec des requêtes envoyées à neuf entreprises majeures du secteur numérique, telles que Meta, Google, ByteDance (propriétaire de TikTok), et d'autres. Le but de l'enquête était de comprendre comment ces entreprises géraient les données des utilisateurs, quelles informations étaient collectées, et comment ces données étaient exploitées, notamment à des fins commerciales.

Le rapport de la FTC révèle que les géants des réseaux sociaux et des services de streaming vidéo ont mis en place un véritable écosystème de surveillance numérique. Ils collectent des données à partir de diverses sources, y compris des courtiers en données personnelles, sans nécessairement obtenir le consentement explicite des utilisateurs. Ces données comprennent des informations aussi variées que l'âge, le genre, les revenus, le niveau d'éducation et la situation familiale des utilisateurs. Pire encore, les entreprises peuvent conserver ces informations de manière indéfinie, sans aucune transparence sur leur utilisation future. « Les réseaux sociaux et les entreprises de streaming vidéo récoltent une énorme quantité de données personnelles et les monétisent pour plusieurs milliards de dollars », explique la présidente de la FTC Lina Khan.

Les réseaux sociaux utilisent les données pour alimenter leurs IA

Le rapport insiste particulièrement sur l’utilisation de ces données personnelles pour entraîner des algorithmes d’intelligence artificielle (IA). Ces algorithmes permettent aux entreprises d'améliorer leurs systèmes de recommandation, de personnaliser les contenus et surtout d'optimiser les publicités ciblées. Les plateformes utilisent ainsi l'IA pour maximiser leurs profits en offrant des publicités plus pertinentes à leurs utilisateurs.

Les données sont également partagées avec des entreprises tierces, notamment via des partenariats commerciaux avec des courtiers en données. Ces pratiques de collecte de données « peuvent mettre en péril la vie privée des gens, menacer leurs libertés et les exposer à une série de risques, allant du vol d'identité au harcèlement », selon la FTC.

Les enfants et les adolescents : cibles vulnérables et privilégiées

Un aspect particulièrement inquiétant de ce rapport est la vulnérabilité des enfants et des adolescents face à ces pratiques. En effet, les jeunes utilisateurs sont souvent les plus exposés aux dangers liés à l’exploitation des données, notamment en raison de leur forte présence sur les réseaux sociaux. Le rapport de la FTC critique vivement les entreprises pour leur incapacité à protéger ces groupes sensibles. Certaines entreprises, comme Meta, ont même été épinglées pour leur utilisation des données des adolescents à des fins de monétisation.

Le rapport de la FTC renforce les appels à une réglementation plus stricte en matière de protection des données personnelles. De nombreuses organisations de défense des droits numériques, ainsi que certains législateurs, plaident en faveur d'une législation fédérale qui offrirait aux utilisateurs un contrôle accru sur leurs données.

En juillet 2024, le Sénat américain a adopté des projets de loi visant à protéger les enfants et les adolescents en ligne, en imposant de nouvelles restrictions aux entreprises technologiques concernant la collecte et l'utilisation des données des mineurs. Ces projets de loi, qui doivent encore être examinés par la Chambre des représentants, pourraient marquer une première étape vers une législation plus globale sur la protection des données. En Europe, ce type de contrôles est déjà obligatoire, la législation étant plus protectrice des utilisateurs.

L'Industrie de la publicité ciblée sous le feu des critiques

Le secteur de la publicité ciblée est également au cœur des critiques de la FTC. Les entreprises de réseaux sociaux utilisent les données collectées pour développer des campagnes publicitaires extrêmement ciblées, qui se révèlent très lucratives. Le rapport de la FTC confirme la relation symbiotique entre la collecte de données et les profits engendrés par les publicités en ligne. Ces pratiques font peser un lourd risque sur la vie privée des utilisateurs, car les données personnelles sont utilisées sans leur consentement pour façonner des publicités sur mesure.

Cependant, l'Interactive Advertising Bureau (IAB), qui représente les acteurs de la publicité numérique, a réagi de manière critique à ce rapport. Selon l'IAB, la publicité ciblée permet de maintenir des services gratuits ou à bas coût pour les utilisateurs, et les critiques émises par la FTC ne reflètent pas la réalité économique du secteur. David Cohen, directeur général de l'IAB, a déclaré : « Nous sommes déçus de la manière dont la FTC continue de caractériser l'industrie de la publicité numérique comme impliquée dans une surveillance commerciale de masse. Les consommateurs comprennent que les publicités ciblées leur permettent d’accéder à des services en ligne qui seraient autrement payants. »

Sur Internet, si c'est gratuit, c'est vous le produit

Face aux accusations portées par la FTC, plusieurs grandes entreprises du secteur numérique ont réagi. Google, par exemple, a rapidement pris la parole pour défendre ses pratiques en matière de confidentialité des données. Un porte-parole de l'entreprise, Jose Cataneda, a déclaré que Google applique les normes de protection des données « les plus strictes de l'industrie » et a affirmé que la société « ne vend jamais d'informations personnelles » et n'utilise pas de données sensibles pour diffuser des publicités.

Les entreprises de ce secteur se défendent généralement en affirmant que les utilisateurs bénéficient de leurs services gratuitement ou à des prix réduits grâce à la publicité ciblée. Elles soutiennent également que les données qu'elles collectent sont anonymisées et sécurisées, bien que de nombreux experts remettent en question l'efficacité de ces mesures de protection. Comme le dit si bien l'adage : "sur Internet, si c'est gratuit, c'est vous le produit".

Réseaux sociaux : quelles mesures après l’enquête de la FTC ?

L'enquête de la FTC pourrait entraîner des conséquences de grande envergure pour les entreprises concernées. Tout d'abord, le rapport appelle à une législation nationale plus stricte sur la protection des données personnelles. Actuellement, les États-Unis ne disposent pas d'une loi fédérale équivalente au Règlement général sur la protection des données (RGPD) en Europe, qui impose des règles strictes sur la collecte et l'utilisation des données personnelles. Une telle loi pourrait changer fondamentalement la manière dont les entreprises technologiques américaines opèrent.

Ensuite, les conclusions de la FTC pourraient également conduire à des actions judiciaires contre certaines entreprises. Des amendes colossales pourraient être infligées aux entreprises qui ne respectent pas les réglementations existantes, et celles-ci pourraient être contraintes de modifier leurs pratiques de collecte et de gestion des données.

Enfin, les utilisateurs pourraient également se détourner des plateformes qui ne protègent pas adéquatement leur vie privée. La confiance des consommateurs est un élément clé du succès des entreprises technologiques, et un scandale de cette ampleur pourrait avoir un impact négatif sur la réputation des géants du numérique.

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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