C’est une petite révolution dans le monde de l’immobilier. Terminé les diagnostics bidonnés et les classements énergétiques taillés sur mesure. La ministre du Logement, Valérie Létard, a décidé d’en finir avec les « DPE de complaisance », ces faux diagnostics qui permettent aux propriétaires d’échapper aux travaux obligatoires. Un arsenal de nouvelles mesures a été dévoilé : traçabilité renforcée, contrôles accrus, sanctions plus lourdes. L’ère du laissez-faire touche à sa fin.
Fraude au DPE : le gouvernement sonne la fin de la récré
Le 19 mars 2025, le gouvernement annoncera une refonte complète des règles encadrant le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) dont les grandes lignes ont déjà fuité dans la presse. Un tournant majeur dans la lutte contre la fraude immobilière. Depuis plusieurs années, certains propriétaires peu scrupuleux n’hésitent pas à obtenir un DPE surévalué pour éviter de coûteuses rénovations, avec la complicité de diagnostiqueurs prêts à fermer les yeux en échange d’un billet. Ce laxisme généralisé a contribué à discréditer un outil pourtant essentiel à la transition énergétique. Cette fois, le gouvernement entend bien reprendre la main en imposant des contrôles stricts et des sanctions exemplaires.
Le fléau des DPE trafiqués : un marché gangréné par la fraude
Les chiffres sont vertigineux. En 2024, pas moins de 1,3 million de DPE frauduleux ont été recensés sur un total de 4 millions réalisés. Des données dévoilées par l’Ademe qui révèlent l’ampleur du phénomène. La fraude s’est généralisée au point de devenir un véritable business parallèle, avec des pratiques bien rodées. Des diagnostiqueurs effectuent des évaluations à distance, sans jamais mettre un pied dans le logement, se contentant de modifier quelques paramètres pour attribuer une note avantageuse. Certains réussissent à produire plus de 100 diagnostics par jour, un exploit impossible à réaliser honnêtement.
Dans certains quartiers, des immeubles entiers classés en catégorie G voient soudainement des logements individuels passer en catégorie D ou même B, sans qu’aucun travaux n’ait été effectué. Cette supercherie permet aux propriétaires de louer ou vendre leur bien plus cher tout en échappant aux obligations de rénovation. Le phénomène touche particulièrement les passoires thermiques, ces logements énergivores dont la mise aux normes est obligatoire pour être loués. Depuis le 1er janvier 2024, les logements classés G ne peuvent plus être mis en location sans travaux, ce qui a poussé certains bailleurs à contourner la loi en falsifiant leur DPE.
Des mesures radicales pour reprendre le contrôle sur les DPE et lutter contre la fraude
Le gouvernement n’a pas fait dans la demi-mesure, selon les informations de FranceInfo. Dès juillet 2025, chaque diagnostiqueur devra obligatoirement générer un QR code unique pour chaque DPE réalisé. Ce code permettra aux acheteurs, locataires et aux autorités de vérifier en temps réel l’identité du diagnostiqueur, la date de réalisation du diagnostic et la méthode utilisée. Impossible désormais d’inventer un audit énergétique de toutes pièces.
La fraude étant souvent liée à l’absence de déplacement du diagnostiqueur, une géolocalisation obligatoire sera imposée. Chaque professionnel devra activer un système de localisation certifié au moment de son intervention. L’objectif est de s’assurer que les diagnostiqueurs se rendent bien sur place et passent le temps nécessaire à l’évaluation du bien. Cette mesure devrait mettre un terme aux diagnostics "fantômes", réalisés sans visite du logement et parfois à des centaines de kilomètres de distance.
En parallèle, l’Ademe mettra en place un portail numérique centralisé où seront enregistrés tous les DPE effectués. Ce système permettra d’analyser les tendances et de repérer les incohérences flagrantes. Si un diagnostiqueur enregistre un volume d’audits suspect ou s’il attribue systématiquement des notes trop généreuses, il pourra faire l’objet d’un contrôle approfondi.
Le gouvernement prévoit également de renforcer la responsabilité des diagnostiqueurs. Jusqu’ici, les professionnels pris en flagrant délit de fraude risquaient des sanctions relativement légères. Désormais, ils pourront être poursuivis pénalement et condamnés à des amendes allant jusqu’à 3 000 euros en cas de récidive. Mais la sanction la plus lourde touchera les propriétaires eux-mêmes. Ceux qui présenteront un faux DPE risqueront jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende.
Le marché immobilier tremble
Si ces mesures sont saluées par certains acteurs du secteur, elles inquiètent aussi les professionnels de l’immobilier. Les transactions risquent de ralentir considérablement, les nouveaux contrôles allongeant les délais pour obtenir un diagnostic. Certains diagnostiqueurs dénoncent une usine à gaz qui pourrait faire exploser les coûts. Avec l’ajout des nouvelles contraintes techniques, le prix d’un DPE pourrait bondir de plusieurs centaines d’euros, une facture qui sera inévitablement répercutée sur les propriétaires et les locataires.
Autre problème de taille : l’invalidation des anciens DPE. Tous les diagnostics réalisés avant juillet 2021 perdront leur validité au 1er janvier 2025. Des millions de propriétaires vont devoir refaire leur DPE dans l’urgence. Objectif : harmoniser les méthodes de calcul et à éviter les biais des anciennes évaluations, mais elle risque de provoquer un embouteillage dans le secteur, avec un afflux massif de demandes en un temps record.
Les copropriétés sont également touchées par cette réforme. Désormais, toutes les copropriétés de plus de 50 lots devront obligatoirement réaliser un DPE collectif et intégrer ces données dans le carnet d’entretien de l’immeuble. Cette obligation s’étendra aux copropriétés plus petites dès 2026.
Lutte contre la fraude au DPE : une réforme nécessaire mais à double tranchant
En mettant en place ces nouvelles règles, le gouvernement espère redonner au DPE sa crédibilité et en faire un véritable outil au service de la transition énergétique. La fraude massive des dernières années a largement discrédité ce dispositif, au point de le rendre inopérant. Ces contrôles renforcés sont donc une réponse logique et nécessaire. Mais en imposant une réglementation aussi stricte, l’exécutif prend aussi le risque de complexifier un marché immobilier déjà sous tension.
La lutte contre les DPE de complaisance ne fait que commencer. Avec ces mesures drastiques, le gouvernement envoie un message clair : la fraude ne sera plus tolérée. QR code, géolocalisation, sanctions alourdies, tout est mis en place pour assainir un marché devenu incontrôlable. Mais ce grand ménage pourrait aussi transformer la délivrance d’un simple diagnostic énergétique en un véritable parcours du combattant pour les propriétaires.