Christian Harbulot explore la position de la France dans la guerre économique mondiale, mettant en lumière la formation d’une école française de cette discipline et les stratégies adoptées face aux défis internationaux actuels. Christian Harbulot, fondateur de l’École de Guerre Économique, vient de publier « La guerre économique au XXIe siècle » chez VA Éditions.
La France face à la scène mondiale de la guerre économique, interview de Christian Harbulot
Y’a-t-il une école française de la guerre économique ?
Au cours des trente dernières années, un certain nombre de publications sont parues en France sur le thème de la guerre économique. La création d’une école de pensée sur la guerre économique (www.epge.fr) puis du Centre de recherches appliquées CR451 de l’École de Guerre Économique (www.cr451.fr) sont des éléments déterminants de la naissance de cette école de pensée. L’organisation du premier colloque international sur la guerre économique le 26 octobre prochain au Sénat constitue à ce propos l’évènement qui officialise son existence.
Quelle est la position de la France dans le contexte de la guerre économique mondiale ?
La France est plutôt dans une posture attentiste pour l’instant. Si des efforts ont été faits dans le domaine de la sécurité économique, il reste beaucoup à faire pour sensibiliser les forces vives de la nation à cette approche des relations internationales. Mais il faut souligner certaines avancées, notamment sous l’égide de la Direction générale de l'armement (DGA). Le 8 avril 2024 s’est tenu à l’amphi Foch de l’École militaire un colloque sur le thème suivant : « L’intelligence économique dans un monde toujours plus conflictuel ». Il était organisé par le portail de l’Intelligence économique (portail-ie.fr).1600 personnes l’ont suivi en présentiel ou en visioconférence. À cette occasion, le dirigeant de la DGA, Emmanuel Chiva, a été très explicite en affichant une posture résolument offensive. Nous devons apprendre à être des prédateurs a-t-il précisé en évoquant le contexte de guerre économique auquel était confrontée la base industrielle et technologique de défense (BITD).
Est-elle considérée comme bien organisée et équipée pour faire face aux défis ?
Si on veut adopter une posture plus offensive, il va falloir modifier nos mentalités et notre mode d’organisation étatique. La majorité des membres de l’appareil d’Etat est encore figée dans le monde d’avant. Et la mutation ne se fera pas de manière instantanée. Il est important de revoir les grilles de lecture dans les systèmes de formation des dirigeants. Une telle optique n’est pas acquise car le système de formation fait encore globalement une impasse sur la guerre économique.
Dans ce domaine de la guerre économique, quelles sont les nations les plus performantes ?
Les États-Unis sont la première puissance mondiale dans le domaine. Ils ne revendiquent pas ce savoir-faire mais ils le mettent en pratique dans de nombreux secteurs de l’économie mondiale, et pas seulement dans la haute technologie comme on le laisse souvent entendre. La Chine a beaucoup appris du monde occidental et met en pratique les leçons retenues partout où elle estime que ses intérêts économiques sont en jeu. La construction des routes de la soie est un modèle du genre pour pénétrer des économies étrangères et s’assurer d’une présence dominatrice dans les jeux d’échange qui en découlent. D’autres puissances font office de challengers en la matière telle que la Turquie qui affiche très clairement son accroissement de puissance, notamment par une approche géoéconomique des territoires de l’ex-empire ottoman mais aussi en se projetant sur le continent africain.
Existe-t-il une doctrine de la guerre économique notamment en Chine ou aux États-Unis ?
Elle n’est pas affichée. Mais elle existe avec des différences contextuelles qui doivent être prises en compte.
Christian Harbulot est l’auteur de « La guerre économique au XXIe siècle » paru chez VA Éditions.