La fin de l’ère du libre-échange

Les nouveaux droits de douane annoncés par le président américain Donald Trump sont dans l’ensemble beaucoup plus élevés que prévu, atteignant les niveaux les plus hauts depuis plus de 100 ans. Bien que cette annonce ait eu lieu après la clôture des marchés boursiers américains ce 2 avril, les cours des actions tout comme les rendements obligataires américains ont chuté, lors des échanges post-clôture.

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By Stephen Dover Published on 8 avril 2025 5h30
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La fin de l’ère du libre-échange - © Economie Matin
25%Trump a également annoncé des droits de douane supplémentaires de 25 % sur toutes les importations concernant le secteur de l'automobile.

Nous nous attendons à ce que les marchés boursiers internationaux chutent également au fur et à mesure que cette annonce sera assimilée.

La « réciprocité » n'est pas universelle. Le président Donald Trump a annoncé des droits de douane « réciproques » sur les pays ayant les déficits commerciaux les plus élevés avec les États-Unis, qui varieront selon les pays, avec un droit de douane minimum de 10 %. Cependant, la définition de la « réciprocité » selon Donald Trump dépasse largement le cadre des droits de douane, et inclut : la TVA, les politiques non marchandes, les exigences de certification, la réglementation, les politiques monétaires et toute mesure susceptible de freiner la consommation. Il s'agit d'une définition beaucoup plus large des restrictions commerciales que celle appliquée par la plupart des économistes. Il est donc beaucoup plus difficile pour les pays étrangers d'abaisser politiquement leurs droits de douane nouvellement définis. Donald Trump a annoncé que la plupart des droits de douane réciproques seraient fixés à la moitié du taux calculé pour les produits importés des États-Unis.

Trump a également annoncé des droits de douane supplémentaires de 25 % sur toutes les importations concernant le secteur de l'automobile. Cette mesure s'ajoute aux droits de douane actuels de 25 % sur l'acier et l'aluminium. Des droits de douane sur le cuivre, le bois, les semi-conducteurs et les produits pharmaceutiques pourraient être annoncés prochainement, mais ne feront probablement pas l'objet de droits de douane réciproques.

Le Mexique et le Canada ne sont pas inclus. Le Mexique et le Canada ne seront pas soumis au droit de douane de 10 %. Les droits de douane actuels de 25 % sur les produits non conformes à l’ACEUM (= United States-Mexico-Canada Agreement - USMCA) resteront en vigueur.1 Il s'agit là d'une nouvelle relativement positive pour ces pays.

La Chine et l'Asie du Sud-Est sont touchés. Le niveau exact des droits de douane appliqués à la Chine reste flou. Ils devraient atteindre 34 % de droits réciproques et 20 % de droits liés à l’importation de fentanyl. A noter que la Chine, qui accuse le déficit commercial le plus important avec les États-Unis, n'a pas les droits de douane réciproques les plus élevés. L'Asie du Sud-Est, qui a par le passé bénéficié des droits de douane sur la Chine et des délocalisations chinoises, applique certains des droits de douane réciproques les plus élevés.

Les risques de récession et d'inflation sont désormais plus élevés. Les droits de douane ne fonctionnent pas si les prix n'augmentent pas. On estime que la « famille américaine moyenne » pourrait dépenser jusqu'à 4 200 dollars de plus par an2 en raison des droits de douane actuels (en supposant un taux moyen de 20 % sur les importations). Par conséquent, les droits de douane ralentiront probablement les dépenses des ménages et des entreprises, et nous pensons qu'ils augmenteront le risque de ralentissement de la croissance et des bénéfices américains en 2025.

Une incertitude accrue. L'incertitude a pesé sur les marchés financiers et l'économie au début de l'année 2025. Nous ne savons pas comment les entreprises ou d'autres pays sont susceptibles de réagir aux droits de douane annoncés. On ne sait pas si Trump a un objectif de négociation. La légalité des décisions de Trump en matière de droits de douane demeure également incertaine.

Les services ne sont pas inclus. Les États-Unis ont globalement un excédent dans le commerce des services, qui ne sont pas inclus dans ces droits de douane. Toutefois, à titre d'exemple, les banques, les sociétés de conseil et les entreprises technologiques américaines peuvent être vulnérables face aux restrictions imposées par d'autres pays.

Le « Vilain » Américain ». Les conséquences économiques ne seront peut-être pas les seules, car il y aura probablement des conséquences en matière de politique étrangère, par exemple l'exclusion de certains produits et de certaines entreprises basées aux États-Unis.

Pas de « Fed put ».  L'annonce du 2 avril risque de renforcer les inquiétudes concernant le ralentissement de la croissance américaine et la stagnation de l'inflation. Les pressions exercées sur les prix par les droits de douane pourraient maintenir la Réserve fédérale (Fed) à l'écart au moins pour les prochaines réunions.

Nous restons prudents sur les marchés. La faiblesse de l'économie mondiale et les déceptions en matière de bénéfices, ainsi que les épisodes d'incertitude, constituent des défis pour les marchés boursiers mondiaux. Bien que les rendements du Trésor américain à 10 ans soient au même niveau que les taux courts, nous pensons que si l'économie s'affaiblit encore et que les taux remontent, les obligations pourraient enregistrer de solides bénéfices.

1) L'USMCA fait référence à l'accord États-Unis-Mexique-Canada signé en 2018.
2) Source : « The Fiscal, Economic, and Distributional Effects of a 20% Broad Tariff » : « The Fiscal, Economic, and Distributional Effects of a 20% Broad Tariff (Les effets fiscaux, économiques et distributifs d'un tarif douanier général de 20 %). Laboratoire budgétaire de l'université de Yale. 31 mars 2025.

Dover

Directeur du Franklin Templeton Institute chez Franklin Templeton

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