Culture : les festivals, un îlot d’humanité à préserver !

La saison des festivals 2024 touche à sa fin et elle a été marquée par une fréquentation en baisse, en partie à cause de la concurrence des Jeux Olympiques et d’une offre qui de fait a été concentrée dans le calendrier. Les résultats économiques ont également été impactés par des cachets des artistes étrangers qui sont de plus en plus gourmands… À l’heure d’un bilan qui s’annonce donc en demi-teinte, c’est le moment de s’interroger sur les clés du succès de ces festivals.

Jean Marc Esnault
Par Jean-Marc Esnault Publié le 11 septembre 2024 à 6h00
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43%En 2023, 43 % des festivals ont terminé avec des comptes dans le rouge, selon le bilan de Tous les Festivals.

La moitié des festivals créés ces dix dernières années l’ont été en milieu rural. Ils entretiennent un lien fort avec le tourisme, qu’ils contribuent à nourrir et réciproquement. Cela explique leur forte densité sur les littoraux méditerranéens, bretons ou atlantiques, avec des effets d’entraînement favorables au développement économique.

Se questionner sur les clés de leur succès revient implicitement à reconnaître une différence entre ces festivals et les concerts qui ont lieu le reste de l’année dans les salles de spectacle des grandes villes. Et en effet, différence il y a ! Bien que les artistes et les spectateurs soient souvent les mêmes, les festivals occupent une place à part dans notre calendrier, car en effet ils sont des rendez-vous, et non de simples événements !

Une rencontre avant tout

La différence réside dans le fait qu’un événement, on y assiste, tandis qu’un rendez-vous est une rencontre, c’est-à-dire qu’on y participe. Cette distinction ne signifie pas que l’un soit meilleur ou plus agréable que l’autre. On peut apprécier un artiste dans une salle de spectacle et s’ennuyer ferme dans un festival, mais les ressorts ne sont tout simplement pas les mêmes. Dans une salle de spectacle, nous remettons notre bon plaisir entre les mains d’un artiste. Dans un festival, il faut non seulement que l’artiste soit bon, mais aussi que les conditions de la rencontre soient réunies.

La rencontre implique de faire connaissance avec des personnes et des artistes que nous ne côtoyons pas au quotidien. C’est là l’une des recettes des festivals d’été : ils sont souvent le terrain de la rencontre intergénérationnelle, grâce à une programmation riche et éclectique. Contrairement aux salles de concert en hiver, où chaque génération s’enferme avec ses artistes.

La campagne, un lieu propice pour les festivals

Pour qu’une rencontre soit réussie, elle doit se produire dans un lieu propice, où chacun est dans de bonnes dispositions, ouvert à l’autre et à la communion propre à l’ambiance des festivals. La campagne offre ce cadre idéal en été, car la nature représente un dépaysement pour les urbains. Avec le soleil, la musique, et la possibilité de quitter la ville pour rencontrer de nouvelles personnes dans une ambiance festive et culturelle, nous avons, là, tous les ingrédients de vacances réussies.

Au-delà des vacances, la rencontre avec l’Autre est par ailleurs essentielle pour notre humanité, comme le souligne le philosophe Emmanuel Levinas.Elle nous oblige à reconnaître la vulnérabilité et l’humanité de l’Autre, ce qui nous pousse à agir de manière éthique. Les festivals ruraux incarnent cette philosophie en créant des espaces où les individus peuvent échanger et se connecter au-delà des barrières générationnelles et culturelles.

Aujourd’hui plus du tiers des festivals connaissent des difficultés économiques. Leur business model doit être réinterrogé, tant sur le bénévolat qui par endroit s’épuise, que sur les coûts d’assurance exorbitants qui deviennent difficiles à supporter, les compagnies prenant d’infinies précautions depuis les annulations liées à la Covid. Les subventions elles-mêmes se tarissent. Il devient donc urgent que les acteurs se mettent autour de la table et que l’Etat joue son rôle régulateur.

Dans une période marquée par les fractures sociales et le tout-numérique, les festivals restent plus que jamais un îlot d’humanité à préserver !

Jean-Marc Esnault, auteur de Bienvenue dans la nouvelle ruralité et L’Homme face aux défis du monde contemporain, éditions L’Harmattan.

Jean Marc Esnault

Jean-Marc Esnault est Directeur général de The Land, un espace de formation, de réflexion, de culture, d’innovation sociale comme entrepreneuriale. Il est Président-fondateur du fonds de dotation « la terre et les Hommes » et du think-tank « Terre d’avenir ». Homme de médias, il intervient régulièrement dans la presse et est cofondateur de la revue Ruralités aux éditions Ouest-France. Jean-Marc Esault est également l'auteur de Bienvenue dans la nouvelle ruralité - Partons à la reconquête de nos campagnes !, paru aux Éditions L'Harmattan en 2022 et L'Homme face aux défis du monde contemporain : une réflexion sur notre avenir, Éd. L'Harmattan, 2024.

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