Fermeture du golfe de Gascogne : les pêcheurs désemparés et en colère

Face à la fermeture inattendue du golfe de Gascogne par une décision du Conseil d’Etat, la colère et surtout le désarroi montent parmi les pêcheurs français. Cette décision, visant à protéger les dauphins, entraîne des conséquences dramatiques pour l’industrie de la pêche et soulève de vives critiques dans la profession. Sachant que même les spécialistes des dauphins dénoncent son inutilité !

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Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 23 janvier 2024 à 15h04
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Fermeture du golfe de Gascogne : les pêcheurs désemparés et en colère - © Economie Matin
669 millions €En 2021, 239 065 tonnes de produits issus de la pêche fraîche (hors algues et pêche en eau douce) ont été débarquées en France métropolitaine (hors Corse). Ces débarquements représentent 669 millions d’euros.

Un impact immédiat sur les pêcheurs 

La récente fermeture du golfe de Gascogne a provoqué une onde de choc dans la communauté des pêcheurs français. La colère gronde parmi eux, confrontés à une situation absurde qui menace tout simplement leur activité. Cette mesure, bien qu'ayant pour objectif initial la protection des dauphins, menace directement plus de 9 000 emplois, entre les marins, les employés des criées, les mareyeurs, et d'autres professions connexes. Même les spécialistes du sujet disent que cette interdiction n'a aucun sens ! D'autant que nombre de pêcheurs étaient équipés de moyens coûteux leurs permettant de détecter un dauphin pris dans leurs filets, pour pouvoir le libérer aussitôt. Des équipements qui coûtent jusqu'à 250 000 euros par navire.

Le manque à gagner est colossal, se chiffrant  en dizaines de millions d'euros sur un mois, pour toute la chaîne. La fermeture empêche l'accès à une zone de pêche essentielle, réduisant drastiquement les volumes de capture. Les pêcheurs, qui ont investi des années d'efforts et de ressources dans des pratiques de pêche durable, se sentent trahis et ignorés par cette décision abrupte.

L'impact va bien au-delà de la seule communauté des pêcheurs. Il y a une crainte palpable que cette situation ouvre  grand la porte à une augmentation des importations de poissons étrangers. Ce scénario non seulement dévalorise les efforts de la pêche durable locale, mais menace également la sécurité alimentaire de la France en s'appuyant davantage sur des sources d'approvisionnement externes, dont les pratiques de pêche sont nettement moins réglementées et durables. Et dont les prix sont très attractifs ! Le grand remplacement des pêcheurs, pour demain ?

Les pêcheurs expriment un sentiment d'abandon, estimant que leurs efforts antérieurs pour un équilibre entre leur activité économique et la préservation de l'environnement sont passés inaperçus. La décision, perçue comme unilatérale, a semé la frustration et la colère chez les pêcheurs, laissant la filière pêche dans une situation de grande précarité.

La fermeture du golfe de Gascogne est un coup dur pour ces professionnels, qui voient leur mode de vie et leur avenir économique menacés. Les répercussions de cette décision résonnent bien au-delà des eaux du golfe, affectant toute une chaîne économique et sociale qui dépend de la vitalité de la pêche française.

La menace pour l'emploi est en tout cas réelle et immédiate. Chaque emploi à bord d'un navire de pêche soutient jusqu'à quatre emplois à terre, signifiant qu'une interdiction de pêche met en péril l'existence même de communautés côtières entières. La perte de revenus et l'insécurité d'emploi affectent non seulement les pêcheurs et leurs familles, mais aussi les nombreuses entreprises locales qui dépendent de cette industrie.

La porte ouverte aux importations de poisson étranger

Face à cette réduction drastique de l'offre locale, les distributeurs et les consommateurs pourraient se tourner davantage vers les produits de la mer importés. Cette dépendance accrue vis-à-vis des importations risque d'affaiblir davantage la filière pêche française, déjà fragilisée par cette interdiction. De plus, cette situation pourrait compromettre les efforts de durabilité et de traçabilité que la pêche française s'efforce de maintenir.

En somme, la décision de fermer le golfe de Gascogne  soulève des questions critiques sur l'équilibre entre conservation environnementale et viabilité économique. Les pêcheurs, déjà confrontés à des défis multiples, se retrouvent désormais dans une lutte pour la survie de leur métier et le maintien de leur patrimoine culturel et économique.

La protection des dauphins : Un dilemme complexe

La protection des dauphins, qui est au cœur de la fermeture du golfe de Gascogne, représente un enjeu écologique majeur. Les dauphins, souvent pris accidentellement dans les filets de pêche, sont un symbole fort de la biodiversité marine qu'il est crucial de préserver. Cependant, la mesure actuelle soulève des questions sur la manière dont la conservation de la faune marine peut être équilibrée avec les besoins économiques des communautés de pêcheurs.

Les pêcheurs, tout en reconnaissant l'importance de protéger les dauphins, ressentent une frustration profonde face à une décision qui semble ignorer les efforts continus et les investissements faits pour une pêche plus durable. La nécessité de trouver des solutions qui concilient la préservation des espèces marines et les intérêts des pêcheurs est plus pressante que jamais, dans un contexte où l'écologie et l'économie sont intrinsèquement liées.

Les pêcheurs vont-ils rejoindre les agriculteurs en colère ? 

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La situation actuelle en France, marquée par la colère des agriculteurs et des pêcheurs, soulève une question intéressante : les pêcheurs vont-ils rejoindre les agriculteurs dans leur mouvement de protestation ?

Les agriculteurs européens, notamment en Allemagne et en France, manifestent leur colère en bloquant les routes et en exprimant leur mécontentement face aux politiques gouvernementales, notamment en matière de réglementations environnementales et économiques​​. En France, cette frustration s'est manifestée par des actions telles que le retournement de panneaux signalétiques d'entrée de villes par des membres des Jeunes Agriculteurs et de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) pour dénoncer les « incohérences » de certaines politiques nationales et européennes​​.

Parallèlement, les pêcheurs français font face à des défis similaires, comme évoqués plus haut.

Ces similitudes dans les défis et les frustrations pourraient-elles mener à une forme de solidarité ou de collaboration entre agriculteurs et pêcheurs ? Bien que rien ne soit encore officiellement établi, la possibilité d'une telle alliance semble plausible. Une telle convergence pourrait amplifier leurs revendications et mettre en lumière les difficultés auxquelles ces deux secteurs vitaux pour l'économie française sont confrontés.

Il reste à voir si cette hypothétique coagulation se concrétisera dans un avenir proche, unissant ces deux communautés dans un front commun pour faire face à des enjeux économiques et réglementaires pressants.

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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