Beaucoup de spécialistes des sciences humaines ; psychanalystes, psychologues, anthropologues…, ont analysé l’état d’esprit des Français depuis les attentats terroristes jusqu’à l’après Covid. Qu’ont-ils trouvé en premier ? Une forte démobilisation due apparemment à une grande fatigue plus particulièrement visible dans le monde du travail.
Après une succession de crises, les Français sont-ils tous stressés, fatigués… ?
La pandémie n’a fait qu’accélérer ou amplifier des tendances et phénomènes déjà présents depuis les attentats terroristes. Pendant celle-ci, une forme de dépression collective s’est installée dans une partie de la population, engendrée par un fort niveau de stress et de grosses fatigues.
Il s’est produit un double phénomène issu d’un entassement de crises sans avoir une aptitude à résister à autant de chocs : attentats, pandémie, risque nucléaire avec la guerre en Ukraine, crise énergétique, inflation avec les coûts en hausse des matières premières et du panier de la ménagère. C’est un syndrome lié à l’anticipation anxieuse. Nous sommes beaucoup plus démunis que nos ancêtres qui avaient des ressources collectives et locales.
Cela a complètement modifié nos modes de vie, relationnel et notre rapport au temps. Avec la pandémie, le développement du télétravail a modifié aussi notre rapport au travail et l’équilibre familial mais aussi en optimisant ces temps morts quitte à en faire plus, voire trop.
Depuis une vingtaine d’années et les baisses des temps d’emploi, la motivation travail a changé. Beaucoup se plaignent d’un désenchantement, d’une plus grande individualité, d’une attirance pour les loisirs, le farniente.
C’est aussi dû, depuis les années 80 et même de mai 68, à la libération des esprits et des mœurs et la coolitude comme acquis générationnel, que cela a abouti à une survalorisation de l’individu : Ce fût d’abord l’enfant roi qui est remplacé maintenant par le client roi. Tout le marketing industriel et commercial des entreprises redouble d’efforts pour adapter leur modèle à la satisfaction de chaque client. Cela influe sur la façon de penser et d’agir des individus. L’équilibre entre devoirs et droits est constamment battu en brèche. Dès que le manque est là, le produit retardé ou modifié, le stress arrive se transformant en réclamations, contestations, colère, voire plus.
Tous ces phénomènes semblent provoquer une « érosion de soi », une perte de buts, une lassitude.
Selon les études 35 à 40% des Français se sentent fatigués, démoralisés, stressés, irrités…
Mais tout est loin d’être égal : Il existe deux Frances ; une qui n’est pas touchée du tout par ce syndrome et l’autre qui cultive une démotivation ou plutôt une victimation.
Les employeurs constatent aussi un certain désinvestissement chez leurs employés qui peut prendre deux formes : La dépression suivi de la maladie et le désinvestissement. L’embauche des nouveaux entrants est souvent plus compliquée : Avec même des refus ou des démissions rapides.
La perte de motivation est particulièrement marquée et visible dans le travail. On parle de grande démission ou si l’on prononce en anglais de « quiet quitting ». Il y a eu un changement radical surtout depuis la crise sanitaire.
Une étude et sondage Ifop précise que si 51% des actifs conservent une motivation intacte, 37% en revanche se disent moins, à beaucoup moins motivés qu’avant. Les plus touchés seraient les cadres avec 44%, suivies par les professions intermédiaires 43%. Cependant les ouvriers/employés ne sont touchés qu’à 34%. Coté opinion politique ce sont surtout les électeurs de RFI qui sont touchés alors que ceux de Renaissance ne sont démotivés qu’à 28%.
Ce sondage reflète la perte de centralité de la valeur travail dans nos vies.
La principale cause : C’est le processus historique de baisse continue du travail depuis 1981, retraite 60 ans et surtout les 35 heures. Quand vous interrogez des salariés, ils vous disent instantanément que c’était mieux avant et qu’il y a eu une perte de motivation, d’entraide, un sentiment inexplicable de malaise.
L’autre point évoqué, le changement de management : Les dirigeants pour essayer de conserver leur marge, leur niveau de production et de vente, ont dû modifier la façon de travailler. Ils sont passés au management par objectif avec des processus de plus en plus lourds, qui ont souvent pris le pas sur le sens même du travail ; c’est-à-dire une perte de sens.
C’est aussi cette longue pose et le télétravail pour certains qui ont modifié la façon de penser et d’agir. Sorte d’autorisation à ne rien faire tout en étant rémunéré, en comparaison avec la période précédente où le travail était le centre de leur vie. Les salariés se sont habitués et aussi sentis autorisés à penser qu’il pouvait y avoir autre chose que le travail, les corps se sont ainsi deshumanisés. Les jeunes générations encore plus, en pensant qu’il existait une autre façon de travailler, et que d’être au travail était une non-évidence.
Ce changement a été tel que des revendications sont arrivées très vite, par exemple, ne plus travailler le vendredi, ou même de ne plus travailler du tout, vieux thème souvent évoqué par la gauche. Ce qui prime pour certains serait de définir son temps au travail sans être imposé par une directive précise. « Être libre ».
Le travail ne peut plus être une servitude comme au temps des trente glorieuses où il était vécu comme un acte d’émancipation. Cela contraste avec le culte de la performance qui a été porté au plus haut avec une reconnaissance matérielle qui pour beaucoup n’a pas suivi. D’où beaucoup de déception que l’on nomme la « reconnaissance falsifiée ». Pour ceux qui sont bien en place, se sentent protégés avec par exemple un CDI, ils vont ne rien dire, s’estimer satisfaits malgré quelques récriminations. D’autres changeront de direction, plus indépendante, intérim, retour à la terre, …Pour d’autres moins protégés, ils sont irrités et développent du ressentiment. Même des couples qui se sentaient en « équilibre financier », se retrouvent dans une situation assez difficile. En plus l’inflation a encore aggravé le phénomène.
Nous sommes entrés dans une ère de sensibilité du complotisme qui nous éloigne des bases réelles, rend notre lien aux échelons plus défaillants.
Que doivent modifier nos gouvernants ? Se tourner sur une gestion plus participative avec des référendums pour retrouver plus de démocratie. Ce n’est pas certains que les Français soient enclins à les accepter ou prêts à refuser les résultats. Ce ne sont pas des Suisses qui depuis de longue date savent se gérer par votations, lorsque qu’un besoin important se fait sentir !
Pour conclure c’est plus la valeur travail qu’il faut rétablir, sans elle pas de salut, pour eux-mêmes et surtout pour sortir cette France, qui depuis des décennies s’est progressivement enlisée.
TRAVAILLER + POUR DEPENSER MIEUX (+ local, moins low-cost) serait certainement la solution tant économique qu’écologique, deux domaines ou activités humaines qui pour une fois pourraient se compléter.