Facturation électronique : quand l’État y gagne mais que les TPE/PME s’y perdent

Prenant exemple sur ses voisins européens, la France a voté en 2020 la réforme de la facturation électronique avec en ligne de mire la compétitivité du marché hexagonal. Alors qu’en Italie, la facturation électronique est obligatoire depuis 2019 et a permis une réduction de plusieurs milliards d’euros des fraudes à la TVA et une amélioration de la transparence des échanges, la France souhaite à travers cette réforme atteindre ces 2 objectifs, qui représentent entre 20 et 25 milliards d’euros de pertes annuelles, et favoriser les échanges commerciaux intra européens grâce à des normes partagées.

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Par Inès Desert Publié le 29 janvier 2025 à 5h00
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Facturation électronique : quand l’État y gagne mais que les TPE/PME s’y perdent - © Economie Matin
60%60% de la population avoue se sentir dépassée par l’accélération du progrès technologique

Si cette réforme semble, de prime abord, représenter une opportunité pour l'Etat et pour les entreprises d’assainir et de renforcer leur trésorerie, qu’en est-il vraiment ? à un an et demi de la première phase de mise en application de la facturation électronique en France, où en sont les entreprises Françaises ? La fracture d'adoption des outils entre grands groupes et PME s'est-elle réduite ?

Les TPE/PME prises entre fracture numérique et facture de mise en conformité

Désormais fixée à septembre 2026, la mise en œuvre de la réforme a été marquée par une série de retards, de révisions stratégiques et de décisions incohérentes, accentuées par une communication déficiente. Aujourd'hui encore, de nombreuses entreprises, TPE et PME en tête, demeurent insuffisamment informées quant à ce que ces changements impliquent, tant en termes de bénéfices que d’obligations, tandis que d'autres peinent à identifier les démarches nécessaires pour s’y conformer.

Si la digitalisation des processus de facturation présente des avantages en termes d’efficacité et de transparence, elle risque également de pénaliser certaines entreprises, notamment les petites structures. Privées du portail PPF promis par le gouvernement, qui garantissait jusqu'alors un service de facturation électronique public et gratuit, les 4,4 millions de TPE PME françaises sont désormais contraintes de s’équiper de nouveaux outils pour se conformer à des procédures souvent complexes. Une situation inédite que même des acteurs majeurs n'avaient pas envisagés. Cette obligation de passer par une plateforme de dématérialisation partenaire (PDP) engendre des frais supplémentaires, qu’il s’agisse de coûts fixes ou cachés, avec les difficultés qu’engendre l’intervention d’une tierce partie.

Face aux imprévus organisationnels et aux coûts additionnels, les entreprises sont toujours inquiètes et se sentent démunies face à un processus dont elles ont le sentiment que les tenants et aboutissants continuent de leur échapper. D'autant plus que la fracture numérique s’ajoute à la facture financière. Selon l’étude 42-OpinionWay, 60% de la population avoue se sentir dépassée par l’accélération du progrès technologiques ; parmi lesquels des salariés mais aussi des dirigeants. Nombreux sont ceux, peu familiers avec les outils digitaux, qui redoutent une mise en conformité laborieuse et coûteuse. Par ailleurs, l’absence d’un cadre clair et stable ne fait qu'augmenter ces réticences.

Des outils de facturation simples et efficaces pour que cette évolution soit une réussite

En déléguant l’ensemble du dispositif à des plateformes privées immatriculées, l’État a non seulement redéfini le cadre de la réforme, mais aussi créé un processus obligatoire comparable à celui des notaires. Ce choix, bien qu’il simplifie la gestion administrative publique, révèle une planification initiale insuffisante ainsi qu'une estimation des coûts irréelle.

En outre, cette centralisation des flux de facturation permet non seulement à l’État de mieux contrôler les transactions pour réduire la fraude à la TVA, mais également de générer des revenus additionnels à plusieurs niveaux. En effet, la TVA est collectée lors des achats des entreprises, mais aussi indirectement à travers les frais facturés par les PDP. Ce double prélèvement, combiné à l’obligation d’adhérer à un système imposé, pose des questions éthiques et économiques sur l’impact réel de cette réforme sur les entreprises françaises, en particulier les plus petites qui sont également moins préparées.

Néanmoins, selon le 4e baromètre annuel de France Num paru en 2023, les TPE et PME ont en grande majorité conscience du rôle incontournable que des évolutions comme la facture électronique vont avoir dans leur compétitivité. Elles continuent d’investir dans le numérique à hauteur d’au moins 1 000 euros par an pour 40 % d’entre elles, et 71 % ont l’intention de mener des projets numériques dans les deux prochaines années (+ 4 points).

Parmi les outils numériques plébiscités : les solutions de gestion, de facturation et de paiement. 90 % des entreprises sondées ont recours à au moins un outil de gestion.

La facturation électronique n’est pas qu’une réforme technique : elle est un enjeu politique, économique et sociétal. À travers cette transformation, l’État dispose d’une opportunité unique de renforcer la confiance des entreprises dans ses institutions. Il est donc essentiel que l’État continue de clarifier les démarches et de garantir un cadre stable, afin que toutes les entreprises puissent réussir cette transition sans qu’elle ne devienne un fardeau supplémentaire et un poste de dépense mal maîtrisé.

Toutefois, bien que les TPE/PME accusent encore un retard technologique par rapport aux grands groupes, elles disposent d’une véritable fenêtre d’opportunité pour rattraper ce dernier et tirer pleinement parti de cette réforme. En adoptant des outils de dématérialisation simples et adaptés, elles peuvent non seulement se mettre en conformité, mais aussi gagner en efficacité, faire évoluer leurs métiers et simplifier leurs processus.

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Idesert

Directrice Communication & RSE chez SAGES Informatique.

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