Dans un revirement historique de la doctrine économique, l’ère de l’austérité en Europe a officiellement pris fin avec le changement électoral décisif de l’Allemagne et le déploiement d’un plan de relance colossal de 1000 milliards d’euros. Né d’une urgence économique face à une stagnation industrielle persistante, ce virage budgétaire audacieux de l’Allemagne marque une rupture nette avec des décennies de politique d’austérité.
L’Europe peut-elle parvenir à la prospérité en dépensant ?
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Publié le 6 avril 2025 à 9h00
1000 MILLIARDS €Le plan de relance européen a un budget d'un montant de 1000 milliards d'euros
Les marchés ont réagi instantanément, redonnant vie à des entreprises auparavant privées de croissance et d'intérêt de la part des investisseurs. Les actions perçues comme les premières bénéficiaires ont vu leurs valorisations s'envoler du jour au lendemain, une hausse rapide motivée en partie par le soulagement, en partie par la spéculation et en partie par un optimisme rationnel. Toutefois, ces réactions à chaud simplifient le discours, les réactions réelles de ce stimulus sans précédent sont beaucoup plus complexes.
Il convient de rappeler que les principaux détails du plan de relance sont restés évasifs, ce qui laisse de nombreuses questions sans réponse : quelles industries recevront la plus grande part des investissements ? Comment les contrats et les décisions technologiques influenceront-ils le résultat du plan ? Et peut-être plus important encore, comment ces considérables injections fiscales affecteront-elles les chaînes d'approvisionnement mondiales et les conditions de financement du secteur privé ?
Depuis plus d'une décennie, l'histoire de l'investissement en Europe contraste fortement avec celle des États-Unis, où les « 7 Magnifiques » dominent. Cependant en Europe, le « facteur qualité », c'est-à-dire les entreprises très rentables à croissance régulière, a connu des difficultés et n'a pas bénéficié de la plupart des gains obtenus après la crise financière. Aujourd'hui, les primes de valorisation prospectives de ces entreprises européennes ont chuté à environ 15 % par rapport à l'indice général, une prime historiquement modeste qui annonce des opportunités potentielles.
Mais cela ne signifie pas que tous les anciens champions retrouveront leur trône. Les styles d'investissement ne sont jamais figés. Les entreprises capables de s'adapter rapidement - celles qui sont capables de faire pivoter leurs actifs, de s'assurer des sources de revenus diversifiées à l'étranger et de gérer leur capital avec prudence - prospéreront.
À l'inverse, les entreprises figées dans des modèles commerciaux rigides et lourds en capital pourraient avoir du mal à s'adapter. Cela met en évidence la divergence réelle entre les gagnants potentiels et ceux qui resteront inévitablement en retrait.
Une gouvernance de qualité et une vision stratégique restent essentielles. Ces éléments continueront à distinguer les entreprises qui recherchent une rentabilité durable de celles qui ne recherchent que la croissance. Les entreprises doivent être prêtes à faire face aux perturbations provoquées par les innovations technologiques - des forces qui vont au-delà des politiques commerciales et qui peuvent bouleverser des secteurs entiers du jour au lendemain. En outre, les considérations pragmatiques en matière d'ESG restent cruciales. Les investisseurs qui ignorent les questions matérielles de durabilité risquent de passer à côté de signes importants concernant la viabilité à long terme d'une entreprise.
En attendant de voir comment se concrétise la renaissance industrielle de l'Europe, les investisseurs devraient se concentrer sur les chaînes de valeur et les niches industrielles les mieux placées pour profiter de l'élan économique qui se profile d'ores et déjà. Dans l'intervalle, la diversification reste une approche prudente, des secteurs tels que la machinerie, l'ingénierie et la finance semblant être des candidats viables pour une croissance future. Le secteur financier européen, particulièrement robuste et de plus en plus consolidé, jouera un rôle essentiel dans le financement de cette vaste expansion des infrastructures et de l'industrie manufacturière, favorisée par l'assouplissement réglementaire attendu.
Cependant, la transition ne se fera pas sans heurts pour tous les modèles commerciaux. Les entreprises qui prospéraient auparavant grâce à une réglementation lourde pourraient se retrouver dans un paysage concurrentiel plus difficile. Cela met en évidence une vérité intemporelle en matière d'investissement : chaque nouvelle ère produit invariablement de nouveaux leaders.
Le plan de relance européen, d'un montant de 1000 milliards d'euros, peut sembler à première vue un pari économique, mais il symbolise aussi un nouveau chapitre, qui réécrit les règles du succès des entreprises et de la stratégie d'investissement. Pour les investisseurs actifs, le jeu a fondamentalement changé - la sélection des titres, fondée sur une recherche approfondie et une grande capacité d'adaptation, est revenue en force. Le continent regorge de potentiel, mais c’est une approche réfléchie, plutôt qu’un optimisme général, qui déterminera en fin de compte les véritables gagnants.