La renaissance de l’hydroélectricité en Europe

La campagne de l’UE en faveur de l’énergie verte vise à utiliser une source d’énergie traditionnellement propre, en y apportant quelques améliorations.

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Par Horizon Publié le 27 juillet 2024 à 9h30
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42,5%L'UE a pour but de porter la part des énergies renouvelables à 42,5 % en 2030

Le docteur Jeremy Bricker, ingénieur hydraulicien et côtier, poursuit un rêve ambitieux.

Il imagine que, quelque part sur la côte de la mer du Nord, un barrage pourrait être construit pour gérer l’approvisionnement des «plaines» européennes en énergie propre.

Un barrage pour une énergie propre

C’est un des objectifs de M. Bricker. Avec d'autres ingénieurs, il participe à un projet financé par l'UE qui permettrait de proposer une solution révolutionnaire pour stocker de l’énergie grâce à l'eau. 

D’après leur plan, un barrage circulaire construit juste au large de la côte empêcherait l’eau de mer de pénétrer dans un lagon artificiel intérieur dans lequel le niveau de l’eau serait plus bas. 

L’eau du lagon inférieur serait pompée et déversée dans l’océan environnant en cas d’offre excédentaire des autres sources renouvelables, telles que le soleil et le vent. S’il s’avérait nécessaire de produire plus d’énergie, de l’eau poussée par la force de l’océan environnant pourrait alors être réintroduite dans le lagon à travers des turbines génératrices d’énergie.

«Dans le lagon intérieur, nous pourrions stocker l'équivalent énergétique de plusieurs milliers de batteries», a déclaré M. Bricker, professeur associé à l'Université de technologie de Delft aux Pays-Bas.

Il assure la coordination scientifique du projet. Intitulé ALPHEUS, le projet devrait s'achever en septembre 2024 après quatre ans et demi de travaux.

Utiliser la gravité pour permettre à l’eau de refluer dans le lagon inférieur à travers des turbines permettrait de produire de l’hydroélectricité à la demande lorsque l’offre est faible. Ceci comblerait ainsi un déficit d’approvisionnement tout en apportant une solution de stockage d’énergie propre.

Plusieurs universités, dont Chalmers en Suède, Braunschweig en Allemagne et Gand en Belgique, ainsi que des entreprises, ont uni leurs forces dans huit pays européens. Leur objectif est de développer les nouvelles technologies clés nécessaires à un hypothétique barrage offshore, telles que des turbines hydrauliques adaptées à une utilisation en mer.

Retour vers le futur

Si des milliers d’installations hydroélectriques existent déjà de par le monde, elles se trouvent presque exclusivement situées dans des régions montagneuses où le relief naturel laisse la gravité s’exprimer ou où le débit des rivières est suffisamment puissant pour être exploité pour produire de l’énergie.

Cette technologie suscite de nouveau l’intérêt car elle pourrait cette fois être mise à profit dans des zones plus plates comme les mers et contribuer à rendre l’économie européenne plus verte. 

L'Europe a pour objectif de devenir le premier continent neutre pour le climat d'ici à 2050. Cet objectif exigera de renoncer aux combustibles fossiles, notamment au charbon, au gaz naturel et au pétrole, et de s’orienter vers les énergies renouvelables, comme l’hydroélectricité.

L'UE a pour but de porter la part des énergies renouvelables à 42,5 % en 2030, contre 23 % en 2022. Cette part devra encore augmenter pour que la neutralité climatique soit atteinte d’ici à 2050. 

Des besoins agiles

L’une des difficultés réside dans le caractère parfois intermittent de la disponibilité de certaines énergies renouvelables telles que l’éolien et le solaire. Le soleil peut se cacher derrière les nuages et le vent peut arrêter de souffler. 

Lorsque cela se produit, le système énergétique doit être en mesure de réagir rapidement pour équilibrer l’offre et la demande. Cela signifie avoir la capacité de stocker l’énergie excédentaire pour ensuite la réinjecter dans le réseau en cas de besoin.

Bien que des batteries remplissent actuellement cette fonction, elles présentent certaines limites. Elles permettent de conserver seulement de petites quantités d’énergie, elles dépendent de matières premières difficiles à obtenir et leur durée de vie est relativement courte, notamment par rapport à celle d’un barrage.

«Si nous n’augmentons pas notre capacité de stockage de l'énergie, nous pourrions à l’avenir être confrontés à des problèmes de coupure de courant et d’instabilité du réseau», a déclaré M. Bricker, dont la carrière l'a conduit à quitter les États-Unis pour travailler dans des universités japonaises et néerlandaises. 

Faire preuve de souplesse

Parallèlement, d'autres chercheurs européens ont modernisé les centrales hydroélectriques existantes en utilisant l'intelligence artificielle afin que l'eau puisse jouer un rôle plus important dans l’éventail des énergies renouvelables disponibles. 

Dans le cadre d'un autre projet financé par l'UE, ces experts ont élaboré des technologies permettant d’améliorer le potentiel du stockage de l'énergie, ainsi que les performances et la flexibilité des centrales hydroélectriques.

Baptisé XFLEX HYDRO, le projet s'est achevé en février 2024 au bout de quatre ans et demi d’activité. 

L’intégration de quantités de plus en plus importantes d’énergie solaire et éolienne intermittente (ou énergies renouvelables variables ou ERV) exigera de pouvoir bénéficier d’une plus grande souplesse que ce qui est actuellement possible afin d’éviter les ruptures d’approvisionnement.

«Nous assistons à une renaissance de l'hydroélectricité», a déclaré le docteur Elena Vagnoni, chargée d’enseignement à l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et coordinatrice scientifique du projet XFLEX HYDRO. «Un nouveau réseau électrique renouvelable a besoin de flexibilité. Cela modifie notre façon de voir l’hydroélectricité.»

Le projet a pu compter sur l'expertise de services publics d'électricité européens, de fabricants d'équipements mondiaux, d'instituts de recherche et de consultants en énergie basés en Autriche, en France, en Allemagne, au Portugal, en Espagne et au Royaume-Uni. 

Il a organisé des démonstrations grandeur nature de ses nouvelles technologies dans des installations situées en France, en Suisse et au Portugal.

Gains en termes de rendement

Les baisses intermittentes de l’approvisionnement augmentent l’usure d’installations qui ont été conçues pour un approvisionnement énergétique plus régulier.

«Avant, les pompes étaient mises en marche au maximum une fois par jour», explique François Avellan, professeur honoraire à l'EPFL et conseiller scientifique pour le projet XFLEX HYDRO. «Désormais, selon la météo, nous devons les démarrer plusieurs fois par jour. Cela met ces installations à rude épreuve.»

Le projet a testé un nouveau système, un «court-circuit hydraulique» au barrage de Grand'Maison dans les Alpes françaises, la plus grande centrale hydroélectrique de pompage-turbinage d'Europe. 

À sa capacité maximale, elle peut injecter 1 800 mégawatts d’énergie dans le réseau, soit l’équivalent d’une centrale au gaz naturel ou au charbon de taille moyenne.

La nouvelle technologie permet à Grand'Maison de pomper de l'eau et de produire de l'électricité en même temps. Le logiciel XFLEX HYDRO gère le flux d'énergie pour faire en sorte qu’il soit en permanence adapté aux besoins du réseau. 

D’après M. Avellan, l'augmentation prévue du rendement réduirait la dépendance aux centrales à gaz et à charbon et permettrait d'éviter quelque 90 000 tonnes d'émissions de dioxyde de carbone par an.

Parallèlement, dans le cadre d’ALPHEUS, M. Bricker a déclaré que les participants cherchaient un partenaire industriel capable de développer la technologie du projet. Le financement de l’UE a contribué à faire en sorte que son rêve d’une installation hydroélectrique offshore puisse devenir une réalité faisable. Toutefois, sa construction nécessitera encore plusieurs années de recherche et d’investissements privés. 

«La technologie est là», a-t-il déclaré. «Maintenant, nous avons juste besoin d’une gouvernance industrielle et d’un financement.»

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par le biais du programme Horizon de l’UE. Les opinions des personnes interrogées ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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