Energie : l’abandon de la loi de programmation ? Un renoncement coupable

Le réchauffement climatique devrait atteindre 1,5 °C supplémentaire, par rapport à l’ère préindustrielle, dès les années 2030-2035. Une projection valable dans presque tous les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre à court terme, compte tenu de leur accumulation depuis un siècle et demi.

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Par Béatrice Delpech Publié le 23 mai 2024 à 5h00
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energie, loi de programmation, gouvernement, abandon, lpec - © Economie Matin
705,8 MILLIARDS $Les banques mondiales ont investi 705,8 milliards de dollars dans les énergies fossiles en 2023.

Les émissions de CO2 qui émaneraient des infrastructures fossiles existantes suffiraient à elles seules à faire basculer le monde vers les 1,5 °C. Mais pour les experts du GIEC, soulignant l’urgence à prendre des mesures ambitieuses, « des réductions profondes, rapides et prolongées des émissions […] conduiraient à un ralentissement visible du réchauffement mondial en environ deux décennies ». Car si nous agissons dès maintenant, nous pouvons encore assurer un futur vivable pour toutes et tous.

Cette alerte nous était adressée en mars 2023. A l’époque, nous attendions la Loi de programmation énergie climat prévue “avant le 1er juillet 2023 puis tous les 5 ans pour déterminer les objectifs et fixer les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique.” Et ce n’était pas là une promesse de campagne mais les dispositions mêmes de l’article L100-1A du Code de l’énergie. La loi. Une loi que Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, a balayé d’un revers de la main en annonçant - 9 mois après le dépassement du délai indiqué - que le gouvernement ne recourra finalement pas à un texte législatif pour fixer les grandes orientations énergétiques et climatiques de la France d’ici 2035.

C’est un renoncement coupable à au moins deux titres.

En premier lieu, le gouvernement écarte ainsi toute possibilité de débat au parlement. Seuls des textes réglementaires seront travaillés après “consultation” du public et saisine de la Commission nationale du débat public. L'argument avancé est fallacieux : pour le Ministre, il n’y aurait “pas de voie de passage” à l’Assemblée nationale pour une telle loi. Les débats relatifs à la proposition de loi programmatique de la députée Julie Laernoes (EELV), en mars dernier, ont pourtant démontré qu’un dialogue est possible entre les différentes forces politiques sur ce sujet. Le débat parlementaire est l’un des prérequis à l’appropriation collective et pérenne des objectifs énergétiques et climatiques de la France, aux côtés d’une réelle consultation du public. A l’inverse, en fondant la définition de la stratégie française énergie et climat sur de simples décrets, le gouvernement permet que celle-ci soit modifiée d’un trait de plume. C’est le choix de l’instabilité perpétuelle plutôt que le pilotage stratégique sur le temps long.

En second lieu, avec cette décision, le gouvernement opte pour une concertation circonscrite à la seule feuille de route énergétique. Cette approche court-termiste centrée sur la production électrique élude une fois de plus la question pourtant centrale de la maîtrise de nos usages.

La sobriété reste un impensé politique et les menaces qui pèsent sur la rénovation énergétique performante des bâtiments laissent craindre que l'efficacité énergétique ne sera pas mieux lotie, au détriment des ménages les plus modestes.

Cet abandon de la LPEC laisse plusieurs orphelins : les industriels et les investisseurs, en peine d’un cap clair pour développer des projets de productions renouvelables ; les organisations engagées dans la transition - associations et coopératives en tête - dont les alertes ne semblent rencontrer aucune oreille et les citoyens et citoyennes, privés d’un débat démocratique et de perspectives d’actions concrètes pour faire émerger un futur souhaitable.

Le Haut conseil pour le Climat ne s’y trompe pas, qui appelle le Premier Ministre à tracer une trajectoire lisible et mobilisatrice pour que la politique climatique française change d’échelle en devenant anticipatrice, préventive et transformatrice.

Il y a urgence.

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Bdelpech

Directrice générale adjointe d’Enercoop

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