Elon Musk se fait boycotter, il porte plainte (mais ne change rien à sa manière de penser)

Elon Musk, le milliardaire qui prône la liberté d’expression souvent aux dépends de la sécurité des utilisateurs de son réseau social, est une fois de plus au centre de la tourmente avec son réseau social X (anciennement Twitter). Sa dernière plainte pour boycott publicitaire contre plusieurs grandes entreprises et organisations est une nouvelle tentative désespérée de redresser la barre d’une plateforme en chute libre.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 7 août 2024 à 6h40
séisme japon-twitter-x-elon-musk
44 MILLIARDS $Elon Musk a payé 44 milliards de dollars pour racheter Twitter.

La plainte d'Elon Musk : un théâtre de guerre ou de comédie ?

Elon Musk en a gros sur la patate : personne ne l’aime. Surtout pas les annonceurs qui ont fui Twitter, devenu X, depuis qu’il en a pris le contrôle. Et il en a marre : « Nous avons tenté de régler cela pacifiquement pendant deux ans, désormais c'est la guerre », écrit-il sur son réseau social le 6 août 2024. On pourrait croire que ce multi-milliardaire est en croisade pour sauver l'humanité, mais en réalité, il lutte pour sauver les miettes de son réseau acheté 44 milliards de dollars. X a perdu plus de 60% de ses revenus publicitaires aux États-Unis en 2023, et cette chute libre est loin d’être terminée.

Les entreprises visées par cette plainte sont de véritables géants : Mars, Unilever, CVS Health et Orsted. Elles sont accusées de pratiques anticoncurrentielles orchestrées par le Global Alliance for Responsible Media (GARM), une initiative de la World Federation of Advertisers (WFA). Linda Yaccarino, la directrice générale de X, a publiquement dénoncé ce qu'elle appelle un « boycott systématique illégal » .

Cependant, cette plainte paraît plus comme une tentative désespérée de détourner l’attention des véritables problèmes de X : un manque flagrant de modération des contenus et une gestion chaotique de la plateforme.

Le GARM : un bouc émissaire idéal ?

Le GARM, créé par la WFA, vise à promouvoir la sécurité numérique et à éliminer les contenus en ligne jugés préjudiciables. Pour Elon Musk, cette initiative est une conspiration visant à priver X de revenus publicitaires. Il s’agit là d’une tactique bien connue ddu fondateur de Tesla : détourner la responsabilité de ses propres échecs vers des entités extérieures.

Depuis son rachat de Twitter en 2022, Elon Musk a entrepris de démanteler les politiques de modération en place, rétablissant des comptes bannis pour diffusion de contenus extrémistes. Plusieurs enquêtes et rapports de médias et organisations internationales comme Amnesty International, soulignent depuis des mois que les propos racistes, violents ou LGBTphobes se multiplient sur la plateforme. Par exemple, l'organisme allemand anti-racisme a quitté X en raison de l'augmentation des discours de haine sur la plateforme, affirmant que le réseau social n’avait pas pris les mesures nécessaires pour protéger ses utilisateurs.

Elon Musk lui-même y participe : il a partagé des propos transphobes et n'a jamais caché son opposition à ce qu'il juge être la théorie "woke" (qui n'existe pas). Et il a même tenu des propos transphobes envers sa propre fille, Vivian, qui a depuis coupé tous les ponts avec lui. Elle rappelle d’ailleurs sur un autre réseau (elle n’a pas de compte X) que son père a été accusé de discrimination à plusieurs reprises… et doit sa fortune à l’Apartheid Sud Africain (et à la mine d’émeraudes de son père).

La descente aux enfers publicitaire de X

Mais, forcément, l’argent est la seule chose qui intéresse le milliardaire, et les chiffres ne sont pas bons. En 2021, Twitter avait généré 4,5 milliards d'euros de revenus publicitaires. En 2023, sous la houlette de Musk, ce chiffre est tombé à 2,5 milliards d'euros. La fuite des annonceurs est attribuée non seulement à la modération laxiste, mais aussi aux frasques personnelles d’Elon Musk, qui n’hésite pas à relayer des théories complotistes et des propos antisémites sur sa propre plateforme.

Linda Yaccarino a tenté de calmer le jeu en affirmant que malgré le boycott, l’utilisation de X avait atteint des niveaux records avec 9 milliards de minutes actives par mois, soit une augmentation de 25%. Mais ces chiffres masquent mal la réalité : un environnement en ligne de plus en plus toxique, déserté par les annonceurs de renom.

Le vrai visage du réseau social d'Elon Musk : un nid de contenus toxiques

Sous l’ère Elon Musk, X est devenu un terrain de jeu pour les discours haineux et violents. Le retour de comptes bannis pour extrémisme a fait fuir de nombreuses organisations. En effet, une étude a montré qu'environ 50% des utilisateurs de X avaient été exposés à des discours de haine en ligne, et 25% avaient reçu des menaces de violence physique.

Les efforts de Musk pour redéfinir la modération comme de la censure ont transformé X en un champ de bataille idéologique où les propos racistes et violents prospèrent. La plateforme, autrefois un lieu de débat public, est maintenant perçue comme un refuge pour les extrémistes. Ce qui s'est par ailleurs une nouvelle fois montré lors de la cérémonie des Jeux Olympiques lorsque l'extrême-droite a critiqué certains passages et a harcelé Thomas Jolly, son directeur artstique, ou encore l'artiste DJ Butch.

La plainte d’Elon Musk contre les groupes publicitaires est une manœuvre désespérée pour détourner l’attention de la gestion catastrophique de X. En accusant le GARM et d'autres organisations de conspirer contre lui, le milliardaire cherche à masquer ses propres échecs. Cependant, les faits sont là : sous sa direction, X est devenu un foyer de toxicité, éloignant les annonceurs et ternissant irrémédiablement sa réputation.

Liberté d’expression… mais pas liberté de ne pas s’exprimer ?

Le plus absurde dans cette nouvelle tentative d’Elon Musk de montrer qu’il a raison même si tout lui donne tort, est qu’il défend la liberté d’expression bec et ongles. Mais, apparemment, le droit de s’exprimer n’autoriserait pas à ne pas s’exprimer.

Le boycott des annonceurs est une forme d’expression pour dire : « nous ne sommes pas d’accord avec vous ». Et il est difficile d’obliger quelqu’un à acheter une publicité là où il ne veut pas. Mais pour Elon Musk on a le droit d’annoncer que le Royaume-Uni est sur le bord de la guerre civile ou de déclarer de manière répétée que Mme Macron serait une femme transgenre, mais pas que la gestion de X est catastrophique.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

Suivez-nous sur Google News Economie Matin - Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités.

Aucun commentaire à «Elon Musk se fait boycotter, il porte plainte (mais ne change rien à sa manière de penser)»

Laisser un commentaire

* Champs requis