De la Suède à la Grèce, des éleveurs testent différentes pistes vers une agriculture plus verte

Les élevages de vaches, de chèvres et de volailles bénéficient du soutien de la recherche européenne pour réduire leur empreinte environnementale et fournir des produits de grande qualité.

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Par Horizon Publié le 11 novembre 2023 à 8h00
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De la Suède à la Grèce, des éleveurs testent différentes pistes vers une agriculture plus verte - © Economie Matin
43%La production agricole française ne couvre que 43% des besoins du pays en produits agricoles bruts.

Des éleveurs allemands, italiens, suédois et britanniques testent une nouvelle méthode de production de lait et de viande consistant à nourrir leurs vaches principalement, ou uniquement, avec de l’herbe.

L’alimentation des bovins repose généralement sur l’utilisation d’une combinaison de céréales pour accélérer leur croissance et, par extension, produire de la viande et du lait à moindre coût. Cette pratique est toutefois lourde de conséquences tant sur le plan environnemental que social.

De l’herbe plutôt que des céréales

Les céréales sont souvent importées de pays lointains comme le Brésil. Leur acheminement nécessite de longs transports par voie maritime, et est donc synonyme d’émissions élevées.

Un grand nombre de ces céréales sont également cultivées sur des terres aménagées grâce à l’abattage de forêts tropicales. Cette pratique contribue au changement climatique puisqu’elle libère le dioxyde de carbone stocké dans les arbres et provoque une perte de biodiversité.

De plus, puisqu’elles sont utilisées pour nourrir les animaux, ces céréales réduisent les réserves alimentaires disponibles et indispensables aux populations du monde entier. De nombreux Européens s’inquiètent aussi du fait que les céréales, lorsqu’il s’agit de maïs, sont souvent génétiquement modifiées.

Un projet de recherche financé par l'UE prend exemple sur des producteurs de viande bovine britanniques qui ont décidé de nourrir leurs vaches uniquement avec de l’herbe.

Les éleveurs ont également créé une étiquette spéciale pour la viande et les produits laitiers dans le but d'informer les consommateurs de la méthode de production utilisée et de ses bienfaits pour la santé. Cette étiquette met notamment en avant le taux de lipides plus faible de ces produits et leur teneur plus élevée en vitamines.

«Une alimentation 100 % pâturage est un vrai défi», a expliqué Laurence Smith, un ancien agriculteur devenu chercheur en systèmes alimentaires à l'Université de Reading, au Royaume-Uni, et à l'Université suédoise des sciences agricoles. «Mais il peut s’agir d’un système tout à fait durable.»

M. Smith coordonne le projet européen PATHWAYS et encourage des pratiques agricoles plus durables, notamment un élevage en pâturage. D’une durée de cinq ans, le projet s’achèvera fin août 2026.

À l'instar des producteurs britanniques, des éleveurs allemands, italiens et suédois qui participent au projet nourrissent certaines de leurs vaches avec de l’herbe, mais en y ajoutant des concentrés.

Cette pratique présente d’autres avantages environnementaux: les animaux en pâturage restituent des nutriments dans le sol avec leurs excréments et leur urine, et ces pâturages peuvent absorber le CO2 de l’atmosphère grâce à la présence d’arbres, une forme d’agroforesterie connue sous le nom de sylvopastoralisme.

Reste à savoir si nourrir les vaches principalement ou uniquement avec de l'herbe est avantageux pour les éleveurs eux-mêmes, car il est probable que si ce n’est pas le cas cette méthode aura du mal à s’imposer.

En principe, cette pratique pourrait aider les agriculteurs à vendre leurs produits à un prix plus élevé, ce qui se traduirait par des revenus plus importants par kilogramme de viande. Encore faut-il que les consommateurs soient prêts à payer des prix plus élevés en échange d’avantages sanitaires et environnementaux, voire de bénéfices économiques à l’échelle locale.

Le projet PATHWAYS constitue un test important pour déterminer si une telle approche peut être aussi avantageuse pour les producteurs qu’elle l’est pour la santé publique et l'environnement. Avec trois années de travaux encore prévues dans le cadre du projet, le verdict n’est pas encore tombé puisque les chercheurs sont encore en train de recueillir des données.

Passions et émissions

Au total, 31 partenaires de 12 pays aident 15 groupes de fermes d’élevage à réduire leur empreinte environnementale.

Parmi ces partenaires figurent la société laitière Arla Foods au Danemark, Danone Nutricia Research en France, l'Université de Gand en Belgique et l'Institut de recherche sur l'agriculture biologique en Suisse.

«Ce projet réunit mes deux passions: le travail au contact des agriculteurs et la durabilité», a déclaré M. Smith.

Dans le secteur de l’élevage, la notion de durabilité fait aussi référence aux émissions de méthane, qui est le deuxième gaz à effet de serre après le CO2. Environ les trois quarts des émissions agricoles de l’UE sont dues à l’élevage.

Le projet PATHWAYS travaille également avec des producteurs de lait suédois qui mesurent l’empreinte carbone de leurs activités et cherchent des moyens de la réduire. L’objectif est de diminuer les émissions générées par les produits de l’élevage durant tout leur cycle de vie.

Le bien-être animal et les déchets sont deux autres défis que les éleveurs doivent relever.

Des producteurs de porcs néerlandais qui participent au projet cherchent des solutions à ces deux problèmes en expérimentant un nouveau sol équipé d’ouvertures à travers lesquelles le fumier peut passer. Les éleveurs utilisent des sols fermés recouverts d’une épaisse couche de foin.

Cela permet aux porcs de fouiller le sol, un comportement naturel consistant pour les animaux à utiliser leur museau pour pousser les objets, et qui améliore leur bien-être.

Cette pratique a aussi pour effet de donner une forme solide au fumier de porc, plutôt que liquide. Le mélange de foin et de fumier ainsi obtenu est ensuite utilisé par les exploitations agricoles environnantes dans les cultures.

«Certains éleveurs repoussent vraiment les limites en matière d'innovation», a déclaré M. Smith.

Chèvres et volailles

Un autre groupe de chercheurs financé par l'UE travaille aussi à aider les éleveurs à améliorer leurs pratiques. Le projet Code Re-farm se concentre sur l’élevage des chèvres laitières et de la volaille et entretient des liens étroits avec PATHWAYS.

«Nous nous considérons comme des projets frères», a déclaré Maria Anastasi, une experte en santé qui travaille pour le Centre de recherche et d'innovation de Nicosie, à Chypre, et fait partie de l’équipe de coordination du projet Code Re-farm.

Dans le cas de Code Re-farm, garantir la qualité et la sécurité des aliments est un objectif tout aussi important que la réduction des émissions.

Le projet durera trois ans et demi et prendra fin en octobre 2024. Il s'inscrit dans un effort de recherche plus large de l'UE sur la façon dont différents systèmes d'élevage peuvent conduire à la production durable de fromage de chèvre, de viande de volaille et d’ovoproduits de haute qualité.

Avec le soutien d’une équipe de spécialistes de la production animale, de vétérinaires, d'experts en technologies, d'universitaires et de professionnels, Mme Anastasi souhaite aider les éleveurs de chèvres et de volailles à accéder aux hautes technologies.

Sécurité améliorée

Au total, neuf outils sont en cours de développement pour aider les agriculteurs à mieux surveiller la santé et le bien-être de leurs bêtes et à améliorer la qualité de leurs produits.

Parmi ces outils figurent un appareil portable capable de déterminer la sécurité alimentaire des œufs, un instrument de détection précoce de la mammite (inflammation mammaire) chez les chèvres, ainsi qu’une technologie permettant de mesurer les émissions de méthane.

On y trouve aussi un système permettant aux éleveurs de vérifier automatiquement la bonne santé et le comportement des animaux afin qu’ils puissent prendre, si nécessaire, des mesures immédiates.

Ces avancées seront mises en œuvre au cours des 18 prochains mois dans des élevages de volailles néerlandais et dans des élevages de chèvres en Grèce, en Italie et en Suisse.

«Nous travaillons avec les éleveurs de manière concrète pour tester de nouveaux outils susceptibles de les aider à ajouter de la valeur à leurs activités», a déclaré Mme Anastasi.

Le projet centralisera ensuite les résultats sur une plateforme de données ayant pour rôle d’aider l’ensemble des éleveurs européens à adapter leurs pratiques.

Connexion avec le consommateur

Un des autres objectifs est d’aider les consommateurs à faire des choix plus éclairés lorsqu’ils achètent des aliments.

Des chercheurs testent une application mobile permettant de scanner l’étiquette d’un produit carné ou laitier précisant où il a été produit, comment les animaux ont été élevés et même quelles recettes conviendraient à cet aliment.

«De nos jours, les gens semblent faire plus attention à ce qu’ils mangent et cherchent à obtenir davantage d'informations sur la provenance des aliments qu’ils consomment, mais généralement ces informations ne sont pas faciles à trouver», a déclaré Mme Anastasi.

Pour en revenir au projet PATHWAYS, M. Smith a déclaré que la perspective d'une agriculture durable en Europe pourrait même l'inciter à retourner à ses premières amours.

«Peut-être reviendrai-je un jour à l'agriculture et essayerai-je de la combiner à la recherche», a-t-il déclaré.

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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